L’indivisibilité de l’Article 27 alinéa 1 de la Constitution. Par Adama Ndao, Juriste

Date:

 

 

L’Article 27 de la Constitution Sénégalaise est cet Article qui régit la durée du mandat Présidentiel  (sept ans en ce moment) ainsi que le nombre de fois un Président peut être réélu (une seule fois). Cet Article est écrit comme suit dans la Constitution:

“La durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois.

Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire.” C’est-à-dire une loi votée par un référendum.

En 2012, pour démontrer son intention de ne jamais tenter de s’accrocher au pouvoir et restaurer le mandat de cinq ans modifié en 2008 par Le Président Wade à la faveur de l’écrasante majorité qu’il détenait au Senat (encore existant à l’époque) et à l’Assemblée nationale, le candidat puis le Président Macky Sall exprima sa ferme volonté et sa promesse de ramener la durée du mandat Présidentiel des sept ans actuels aux cinq ans d’avant 2008. Pour ce faire, et comme il l’a rappelé plusieurs fois ces quatre dernières années, il entend, quant à lui, n’emprunter que la voie référendaire pour procèder à la réduction de la durée du mandat Présidentiel de sept ans à cinq ans tel que l’exige l’Article 27. Et pour rassurer la Nation Sénégalaise et démontrer sa détermination à cet effet, il exprima l’intention d’appliquer cette réduction de la durée du mandat Présidentiel à son mandat en cours.

Ainsi, pour satisfaire à l’exigence de la procèdure “référendaire” posée par l’alinéa 2 de l’Article 27 pour toute modification concernant celui-ci, le Président Sall s’attela à préparer un projet de réforme à soumettre au vote du référendum et réitera plusieurs fois son intention de procèder effectivement à cette révision de la Constitution attendue du reste depuis 2012. Ledit projet fut finalement rendu public au 31 Décembre 2015.

Toutefois, comme l’Article 27 exige la voie exclusivement référendaire pour toute révision le concernant et que l’Artcile 51 alinéa 1 de la Constitution exige pour sa part que le Président de la République recueille aussi bien l’avis du Conseil constitutionnel que celui du Président de l’Assemblée nationale pour tout projet de révision constitutionnelle par voie référendaire, le Président Sall sollicita, il y a quelques semaines, l’avis aussi bien du Président de l’Assemblée nationale que du Conseil Constitutionnel sur son projet de réforme constitutionnelle qui comporte, entre autres, une modification de l’article 27. A ce jour, ni l’avis du Président de l’Assemblee ni celui du Conseil n’ont, à notre connaissance, encore été exprimés, ou du moins rendus publics.

Mais, rappelons qu’avant la soumission du projet au Conseil Constitutionnel il a beaucoup été débattu de la faisabilité juridique de la réduction du mandat Présidentiel en cours de sept à cinq ans.  De nombreux opposants à la réduction du mandat en cours ont soutenu que le Président étant élu en 2012 pour sept ans, il ne peut trahir son serment Présidentiel de l’Article 37, car il a prête serment de servir pour la durée pour laquelle il a été élu, c’est-à-dire pour une durée de sept ans. Ils ajoutèrent que la promesse d’écourtement faite au Peuple n’a de toute manière aucune valeur juridique , que dès lors cette promesse ne le lie aucunement et qu’il peut donc la renier.

Des partisans de l’écourtement ont estimé que la promesse faite au peuple était une conditionnalité à son vote pour l’élire finalement à 65%. Et que ne pas respecter cette promesse pourrait compromettre ses chances de réélection pour un second mandat, car si le non-respect de sa promesse pourrait le maintenir à la Présidence jusqu’à la fin du septennat en 2019, il sera presque inèvitable que cette attitude lui coûterait la réélection cette année là. Alors que s’il écourtait ce mandat cela pourrait le plébisciter en 2017.

Il a par ailleurs été soutenu par les partisans de l’anti-écourtement que l’avis du Conseil Constitutionel exigé par l’Article 51 est de nature obligatoire car venant d’une juridiction, tandis que les défenseurs de l’écourtement affirment que bien que la sollicitation de l’avis du Président de l’Assemblee nationale et du Conseil constitutionnel soit une obligation qui pèse sur le Président, l’avis en soit même n’a cependant aucun effet obligatoire sur le Président. Ils défendent que l’avis visé à l’Article 51 rentre dans le cadre des compétences consultatives du Conseil Constitutionel (compétences sur la base desquelles il donne des avis non obligatoire), et non dans le cadre de ses compétences juridictionnelles visées à l’Article 92 (compétences sur la base desquelles il rend, en tant que jurisdiction, des décisions qui sont définitives et obligatoires à tous).

Par consequent, comme seules les décisions rendues par le Conseil en vertu de l’Article 92 sont obligatoires à tous, les avis qu’il émet sur la base de l’Article 51 ne sont que consultatifs et le Président de la République n’a aucune obligation légale de les suivre. Ce qui veut dire donc que même si le Conseil Constitutionnel en donnant son avis aura estimé que pour une raison ou pour une autre le Président de la République n’est pas obligé ou ne peut pas réduire le mandat présidentiel de sept à cinq ans à compter du mandat en cours, le Président de la République demeure absolument obligé d’emprunter la voie référendaire pour toute révision constitutionnelle concernant le mandat Présidentiel y compris celui en cours. (voir notre article ‘C’est dans la loi: le Conseil Constitutionnel ne peut pas empêcher le Président de réduire son mandat par voie référendaire’ publié sur Xalima, DakarActu, LeQuotidien, Leral…)

Il a également été théorisé récemment que l’alinéa 1 de Article 27 est divisible. Rappelons que cet alinéa 1 dit: “La durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois”. Les partisans de la divisibilité de cet alinéa estiment que  l’exigence de la voie référendaire de l’alinéa 2 ne s’applique qu’à une réforme concernant le nombre de mandats visé à la deuxieme phrase de l’alina 1 ci-dessus et non à la première phrase. Pour eux, toute modification concernant la première phrase, c’est-à-dire donc la durée du mandat, peut être portée, au choix du Président, soit au Référendum soit au Parlement.

Tout aussi théorique et improbable cette position puisse paraître pour certains, il faut savoir que cela était toutefois une réalité en 2008, réalité dont rêvent probablement encore certains aujourd’hui, mais réalité effectivement magnifiée par le vote par voie Parlementaire de la loi 2008-66 du 21 Octobre 2008 ayant porté modification de la première phrase de l’alinéa 1 de l’artcie 27, et ayant augmenté au Président Wade la durée de son mandat de cinq ans à sept. Le Congrès d’alors (l’Assemblée et le Sénat encore existant à l’époque) avait été convoqué par décret Présidentiel la veille du vote de cette loi. Cent soixante douze (172) sur deux cent cinquante (250) parlementaires avaient vote oui pour l’adoption de la modification de la première phrase de l’alinea 1 de l’article 27 relative à la duree du mandat Présidentiel, pour la porter de cinq aux sept ans actuels.

Pour défendre le projet, ses partisans, en première ligne desquels le Ministre de la Justice d’alors Me Madické Niang, ont argumenté que l’alinéa second de l’article 27, en affirmant que par la phrase de l’alinéa 2 qui dit « Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire »  la Constitution entend se référer uniquement à la seconde phrase de l’alinéa 1. C’est-à-dire à la phrase qui dit que le mandat “[…] est renouvelable une fois” et non à la première phrase qui dit “La durée du mandat du Président de la République est de sept ans”. Le Parlement et le Sénat de l’époque ont ainsi forgé ce qu’il conviendrait d’appeler la théorisation de la divisibilité de l’alinéa 1 de l’article 27 de la Constitution, tirée essentiellement, selon leurs allégations, de l’expression “cette disposition” contenue à l’alinéa 2.  Ils en conclurent alors que par l’emploi du démonstratif “cette” au lieu du démonstratif “ces”, l’alinéa 2 visait ainsi uniquement le dernière phrase de l’alinéa 1. Car, défendent-ils, la Constitution allait dire ”ces dispositions” si elle entendait viser toutes ensembles les deux phrases de l’alinéa 1.

Pourtant, à observer la structuration de l’alinéa 1 et de l’alinéa 2 de l’Article 27, le Constituant semble avoir entendu faire de l’alinéa 1 un seul bloc, une seule disposition. Autrement il aurait à notre avis soit séparé physiquement les deux phrases sur deux lignes, soit se référer à la deuxieme phrase par “cette disposition-ci” ou “cette dernière disposition”.

Par ailleurs, il serait juridiquement aberrant que le Constituant, avec toute la mission de barrage des Présidents aux regnes sans limite qu’il a dévolue à l’Article 27, Article unique dans son genre dans la Constitution, que ce Constituant entende ne s’intéresser qu‘à décourager le nombre illimité des mandats par la deuxieme phrase de cet alinea 1 en exigeant même un référendum pour la modifier, et d’un autre côté de largement ouvrir la porte à la possibilité de procèder par voie parlementaire, à des modifications de toute sorte de la durée du mandat Présidentiel.

Suivant la logique des défenseurs de la divisibilité, un Président de la République pourrait facilement s’offrir un mandat de vingt ans ou même plus par une majorite écrasante a l’Assemblée nationale, comme c’était le cas en 2008, et le même cas figure en ce moment. On le voit donc qu’en mettant côte a côte les deux phrases de l’alinea 1 de l’article 27, et en ayant en plus complètement separé ce bloc de phrases de l’alinéa avec la phrase unique de l’alinéa 2, le Constituant entend sans aucun doute faire des deux phrases successives de l’alinea 1 de l’Article 27 une seule et indivisible disposition. Dès lors, la phrase unique de l’alinea 2 de l’Article 27 en disposant que “Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire” se refère effectivement à l’alinéa 1 dans sa totalité.

Aujourd’hui, pendant que le pays entier attend l’avis consultatif du Conseil Constitutionnel sollicité par le Président de la République, la théorie de la non-écourtabilité et de la non-faisabilité juridique de la réduction du mandat par voie référendaire, ou du caractere obligatoire de l’avis du Conseil Constitutionnel, ou encore le manque de valeur juridique de la promesse du President sont font plus l’objet de quelque débat sérieux que ce soit. Mais plutôt entend-on des voix s’élever pour thoriser activement que même si le Président n’est pas juridiquement lié par l’avis consultatif du Conseil Constitutionnel, il doit toutefois absolument s’y plier par respect à cette institution.

Le problème est que, l’avis donné par le Conseil Constitutionnel en vertu de l’Artice 51 de la Constitution n’est aucunement une décision juridictionnelle. Il n’a donc aucun effet obligatoire à l’égard du Président de la République comme le serait une décision juridictionnelle. Le principe de la séparation des Pouvoirs (entre le Judiciaire, l’Exécutif et le Législatif) veut que chacun respecte son domaine d’attribution et ne s’ingère pas dans le domaine de l’autre. Les compétences juridictionnelles sur la base desquelles le Conseil Constitutionnel rend des décisions obligatoires sont contenues à l’Article 92 de la Constitution et sont limitatives. Il s’agit, rappelons le des cas de vérification de la conformité d’une loi ou d’une Convention Internationale à la Constitution, du cas de conflit entre ce qui relève des attributions du Parlement et ce qui relève des attributions du Gouvernement, et du cas de contentieux relatif a l’élection Présidentiel. Les décisions rendues par le Conseil dans ces cas limitatifs sont obligatoires et restent les seules décisions que la Constitution lui permet de rendre. Mais bien évidement il peut rendre des avis consultatifs. Mais ces avis ne sont aucunement obligatoires.

Des lors, le President Sall ne peut passer outre l’obligation que la Constitution fait peser sur lui d’organiser un référendum pour modifier l’Article 27 , au profit d’un avis simplement consultatif et non-obligatoire du Conseil Constitutionnel au nom d’un “respect” pour le Conseil.

Au total, même si le Conseil Constitutionnel venait à donner un avis favorable à la divisibilité de l’Article 27 alinéa 1 , ce qui aura suggéré que le Président Sall peut soumettre la réduction de la durée du mandat au Parlement, le Président devrait toujours poursuivre la voie référendaire pour toute révision de l’Article 27. Car donner l’exemple dans le respect de la Constitution ne ferait que le conforter, même dans une perspective historique, dans une position de grandeur, celle d’un homme qui sera à jamais identifié comme un Président respectueux de la Charte Fondamentale de son pays, quelles que soient les tentations pour beaucoup d’emprunter une direction différente.

 

Adama Ndao, Juriste

Washington

[email protected]

 

2 Commentaires

  1. DONC LE CONSEIL CONSTITITUTIONNEL PEUT DONER UN AVIS QUI DIT QUE LA DUREE DU MANDAT PEUT ETRE MODIFIE PAR LE PARLEMENT ET LE PARLEMENT VOTE NON POUR MAINTENIR MACKY AU POUVOIR JUSQU’EN 2019/ HA HAAA. ILS SONT MALINS HEIN.

  2. LES RÉPONDEURS AUTOMATIQUES DE L’APR SONT À LA FOIS NAÏFS ET MALADROITS.
    L’AUTEUR DE L’ARTICLE N’A JAMAIS DIT QUE L’AVIS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL PEUT ÊTRE MODIFIÉ PAR LE PARLEMENT.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE