Mbaye Thiaba Mbaye analyste financier apporte quelques éclairages sur l’enrichissement illicite…

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Je viens de terminer le document de 42 pages que Monsieur Karim Wade a remis au procureur spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Ce document tente de répondre aux accusations d’enrichissement illicite portées contre lui, mais rien de ce que j’ai lu ne disculpe Karim Wade. La démarche de ce dernier est trop simpliste. En guise de pièces justificatives et de preuves, il fournit a des dossiers d’immatriculation de chaque entreprise, dont il est accusé d’être le propriétaire, avec la liste des actionnaires. Bien sûr, son nom ne figure nulle part sur ces listes. La question que l’on est tenté de se poser est la suivante : peut-on être actionnaire sans pour autant être listé dans le document nominatif des actionnaires ?

Cette question est loin d’être absurde, mais la réponse s’appuyant sur le droit est simplement oui. Cependant les détails qui fondent sa mise en œuvre tournent vers l’ingénierie financière et sont très complexes. Ayant un peu d’expériences en analyse et montage financiers, je suis tenté de participer au débat sur l’enrichissement illicite au Sénégal et d’apporter quelques éclairages.

La recherche de l’optimisation fiscale et le blanchiment d’argent sont au cœur de la problématique relative à la stratégie financière élaborée par les praticiens de la banque, de la finance et du capital-risque. L’ingénierie financière apparaît donc comme le processus de mise au point de solutions à des problèmes financiers, mais elle ne peut rien faire sans le secours de l’ingénierie juridique comme disait Ferry.

La possibilité de dissimuler son identité est essentielle pour toutes les personnes physiques ou morales qui sont animées par un besoin d’exercer une activité illicite à savoir corruption, fraude ou évasion fiscale, détournement de deniers publics, blanchiment d’argent etc.. Pour ce faire beaucoup de types de sociétés, dans certains pays appelés paradis fiscaux, donnent accès à ce levier stratégique qui est l’anonymat. Mais les plus performantes et les plus utilisées sont celles que l’on appelle international business corporation (IBC) qui offrent plusieurs avantages notamment :

L’exonération de l’impôt local sur les sociétés (à condition que l’entreprise ne s’engage dans aucune activité locale)

La confidentialité ou l’anonymat du bénéficiaire effectif de l’entreprise (on verra plus tard sa mise en œuvre)

La capacité d’émettre des actions sous forme nominatives ou au porteur (très important aussi et qu’on va détailler plus tard)

L’abrogation de toutes les exigences de nommer des administrateurs ou des dirigeants locaux.

Certes, l’utilisation des IBC donne un degré d’anonymat élevé, mais présente certaines failles, donc pour plus de sécurité d’autres mécanismes tels que les actions au porteur, les Nominee directeur et les Nominee Shareholder sont appelés en renfort.

Les actions au porteur sont des titres négociables partiels ou totaux, qui donnent la propriété d’une société à la personne qui possède les certificats d’actions, et cette personne acquiert simultanément les droits sociaux et patrimoniaux. Les dits certificats ne mentionnent nulle part le nom de la personne qui possède ses certificats en l’occurrence l’actionnaire effectif, mais on verra juste une série de numéros qui va servir de nom. Même l’entreprise qui vend ses actions ne connaît pas le nom de l’acheteur, autrement dit l’entreprise elle-même ne connaît pas ses propres actionnaires. La faille de cette stratégie est que la banque, qui sert d’intermédiaire entre l’entreprise et son actionnaire, détient les coordonnées de ce dernier même si le secret bancaire sera un obstacle pour connaitre l’actionnaire effectif.

Quelques pays seulement (le Panama, les iles Caïmans, Gibralter, Belize etc….) accueillent ce type d’actionnariat qui donne accès à un niveau très élevé d’anonymat.

Le ou les « Nominee Directeurs » sont soit des personnes physiques ou morales qui ont des mandats d’administration de ladite société. Leurs noms figurent sur tous les documents de l’entreprise et dans les registres officiels mais sont dans l’obligation de suivre à la lettre, l’ensemble des directives légales venant du bénéficiaire effectif de la société. Ce modèle peut être assimilé à ce qu’on appelle communément prête-nom. Bien sûr en utilisant cette technique vous possédez toujours un contrat qui prouve que vous êtes l’actionnaire effectif de la société, et ce document est appelé un Power of Attorney. Il est notamment obligatoire en cas d’ouverture d’un compte bancaire, afin que la banque puisse s’assurer de l’identité du bénéficiaire réel. Donc là aussi, on remarque une faille.

« Nominée Shareholder » c’est le même principe que le Nominee Directeur sauf qu’ici, il s’agit d’un mandat d’actionnariat et pas d’administration. Les prête-noms sont utilisés pour seulement masquer les noms des bénéficiaires effectifs mais ils n’ont pas comme mission d’administrer la société. En Général, dans les montages financiers les Nominee directeur et les Nominee sharholder sont utilisés en même temps. Pour ce cas aussi, le power of Attorney s’applique.

Toutes les techniques de dissimulation qu’on vient de voir ne suffisent pas à garantir d’une manière effective l’anonymat. Il est aujourd’hui clair que choisir la stratégie des actions au porteur, le Nominee Directeur ou le Nominee shareholder n’est pas la solution la plus efficace pour la protection des identités. Quoi d’autre pour mieux garder l’anonymat ?

Et c’est là où je vais commencer à mettre en relation mon texte et les propos de Monsieur Antoine Diome, le substitut du procureur spécial Alioune Ndao qui dit que « on a découvert un véritable système de sociétés à tiroir, c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’il y a une société offshore, on voit une autre société offshore qui est derrière ».

Monsieur Diome parle de ce qu’on appelle la chaine des sociétés offshore ou brouillage de piste. Les ingénieurs financiers et fiscalistes ont créé cette stratégie qui consiste à utiliser plusieurs sociétés offshore dans des paradis fiscaux différents ayant des législations différentes. Elle a pour finalité de préserver l’anonymat et de rendre très difficile le repérage du bénéficiaire effectif.

Un scénario imaginaire va permettre de planter le décor et de bien pénétrer la logique du processus de ce montage juridico-financier.

Une société offshore établit au Luxembourg est détenue par une autre société offshore qui se trouve aux les îles Vierges britanniques et qui à son tour appartient à une troisième société offshore (soit avec des actions au porteur, soit avec un Nominee Directeur ou Sharesholder) qui se trouve au Panama. Les combinaisons sont d’ordre illimité et vont rendre le repérage du bénéficiaire effectif tellement difficile qu’il faille une collaboration internationale pour trouver la personne qui est derrière tout cela.

Donc ne pas figurer sur la liste des actionnaires ne veut absolument rien dire.

Mbaye Thiaba Mbaye

Analyste financier

Québec, Canada

33 Commentaires

  1. @YAMA et RIEN
    je crois que vous n’avez pas compris le contenu de cet article;mais il est clair,net,precis et tres explicite.Il demontre clairement l’itineraire malhonnete de la machination financiere dans le monde des affaires.

  2. Pourquoi,au senegal,on ne peut exposer des idees sans que cela puisse etre utilise pour des positions partisanes.Je trouve que c bon texte qui eclaire sur plusieurs points.Mais il ya toujours des cons qui trouve toujours quelques chose a dire.Yama et Rien….je pense que vous etes mal intentionne.Si ce texte ne vous a rien appris,tant mieux pour vous,mais eclaire beaucoup de senegalais moi y compris…Surtout Yama,si t’as un avis contraire defend ici et on verra si tu maitrise ce sujet…

  3. Karim dou nit……il faut etre malin pour faire ca.Dieuredieuf pour les eclairages.
    Yama…defends toi avec des arguments au lieu d’insulter les gens.Yaw ya fi wakhal dara.Rien de plus facile de dire ce que tu viens de dire.Mais c pas grave ya des cons partout.

  4. C’est inquietant ce que tu as ecrit.Au dela du cas de karim,c’est comme ca que le monde financier marche.Et personne ne fait rien.Je suis abasourdi de lire tout ca.Comment se fait il que les pays puisse accepte ca.
    By the way..merci pour l’article,il est vraiment bien fourni et argumente.On en raffole des article comme ca,qui nous explique des trucs aussi complique.

  5. Toujours aussi pertinent mon ami.On voit bien la maitrise de ce que tu dis.Contraire a ce qui evite le debat contradictoire qui se limite a des phrases aussi absurde que anodine.
    Merci encore

  6. tu dis dans ton article « Cette question est loin d’être absurde, mais la réponse s’appuyant sur le droit est simplement oui….donc si j’ai bien compris,ce que karim a fait est legal…..donc pourquoi on le poursuit ????

    • Quand il parle de réponse s’appuyant sur le droit, cela veut dire que la réponse considère les règles de droit du pays d’accueil des sociétés-écrans, sans être légal au Sénégal. Parce que la finalité c’est de se cacher au regard des Sénégalais et du bloc légal du Sénégal. C’est ce que j’ai compris. En gros pas vu pas pris. Mais vu dans un autre pays où on n’agit pas sauf à payer des agions et autres commissions. C’est aussi clair que cela. Merci monsieur MBAYE

  7. Merci pour l’article . On apprend toujours quelque chose de nouveau et j’incite tous les internautes à faire ce genre de contributions et parler des principes et notions sans attaquer directement les gens . Les gens comprendront

  8. Le con il sire des chaussures a longueur de journee il Dit kil est analyste financier Mbaye on the connait a Quebec et a Calgary is tu veux rentrer au pays travailler a cote de Macky Sall arrete le lechage de cul On a vu Jules diop

  9. @ YAMA TU EST PLUS INTELLIGENT DE NONSIEUR MBAYE THIABA MBAYE EST CE QUE TOI TU ES UNE EXPERTE EN FINANCE DONC SI C´EST LE CAS DONNE NOUS LES PREUVES TOI QUI CONNAIT TOUT……VA S´Y EXPOSE NOUS LES PREUVES……

  10. bien dit clair mais nos autoritès n’ont qu’à prendre tout le temps qu’i faudra pour ramener notre argent
    c’est vraiment mesquin de la part de ce gosse mais c’est pas ètonnant c’est le fils de wade
    et par ailleurs je pense c’est le mème sustème qu’a du utiliser idrissa seck avec l’argent qui l’oppose au vieux

  11. je sui désolé mon cher mais tu n’as rien analysé tu n’as fait que réciter des notions entendues ça et là et mal digérés
    ce que le procureur et toi aviez dit c’est qu’il n’y a pas de preuves parce que l’opération est complexe
    Donc ma question est est-ce qu’on peut mettre quelqu’un en prison sans preuve. On le soupçonne parce que l’opération est compliqué et il est un bon financier intelligent donc c’est lui. Ma foi soyons sérieux

  12. keskon reproche a Abdoul Karim d’être riche est-ce un crime
    keski est licite et keski ne l’est pas le fait de recevoir une somme d’un ami ou d’un sympatisant; si c’est le cas arretons tout le monde.
    kel Sénégal peut prouver ke tel chose lui appartient ici tout est informel et on reçoit tellemnt des autres et ça c’est la richesse au Sénégal.

  13. Article très interessant pour le profane comme moi.
    Les notions modernes dans un monde global et les contorsions que les « financiers » ont érigées en règle de jeu méritent d’être connues..

    Quand on veut s’amuser, il vaut mieux le faire avec son argent.

    Depuis la nuit des temps, les voleurs ( et surtout les escrocs) de croient toujours, plus malins que celui qui a suer pour avoir son bien ( MAdoft et ses émules ).
    Dans le domaine de la finance, les plus petis s’entrainent déjà à des opérations risquées avec l’argent des clients .

    Au Sénégal, en l’occurrence, beaucuoup d’argent que « ‘lon aurat pu injecter dans l’économie ou au trésor national a été dissimulé dans des oasis devenus « enfers fiscaux » : argent de sudatel, ventes de terrains, détournement de l’aide, millirds de Taïwan .

  14. Je pense que cet article merite detre publie partout.Je pense que c ce genre d’analyse qui manque au senegal.Quand il ya un debat,il faut que les expert senegalais interviennent avec des arguments a l’appui comme l’a fait mbaye thiaba mbaye.Serieusement j’ai lu l’article avec beaucoup d’interet,c’est clair et argumente.Merci d’avoir partage ta connaissance avec nous.

  15. Parfaitement d’accord avec vous monsieur.Karim n’a pas dit la verite aux senegalais.Il se croyait le plus intelligeant des senegalais…je pense que tu as bien detaille le probleme et merci pour cela.Personnellement,j’ai compris tout ce systeme grace a toi,ct clair…..

  16. Très instructif comme texte. La question qu’on se pose maintenant, est la suivante : Si le procureur a mis en prison Karim, soit il a identifié les véritables actionnaires des compagnies offshore, soit c’est à cause de la complexité des opérations à dénouer qu’il faut le mettre en prison en attendant de violer le secret bancaire des secrets des paradis fiscaux ?
    Les îles Caïmans (paradis fiscal de 46 000 habitants et 6″ place bancaire mondiale, devant Paris) ; les Bahamas, où se sont réfugiées la quasi-totalité des compagnies de réassurances (y compris françaises) pour échapper aux impôts. Ou encore les îles Vierges britanniques.
    C’est bidon de croire qu’on peut violer le secret bancaire dans ces places offshore. Si le procureur du Sénégal l’a réussi, il faudra lui tirer un grand chapeau et le nommer Président à vie de l’OCDE ou de la CNUCED, sachant qu’en 2006, les iles vierges britanniques ont investi en Chine plus que les USA et le Japon réunis.
    Monsieur Mbaye, édifiez nous sur la possibilité de violer le secret bancaire dans ces places financières

  17. kan on parle d enrichissement illicite faudra prouver la source et la provenance de l’argent qui a conduit a un placement de capitaux dans des paradis fiscaux;quand a ces mouvements de fonds ils sont parfaitement legales les societés ecrans aussi alors que les procureurs prouvent cela en vue d’une inculpation plausible, je pense aussi que la loi sur l enrichissement illicite est tres vide sur le cas de figure de karim wade

  18. Akassaaaa sounou Baye Mbaye, khell dou dieurign lou doul khalat bou ko khala fessoulll …

    ahh thiambay karim! ak kou yéwou woul thi li mbaye di yété… les mfhaters…
    Mbaye ya matt feurign thi sapp rèw, beuri dieurign, beug sapp réwe dieurignou…

    wouté keurign sou nioul si lay hate… C’est un débat fékhé leen ba mou gueuneu leer li sa baye mbaye wakh rek! thia kaw thia kanamm khol ndégueum keurign di na beuri ndieurign ni feurign!

  19. A mon avis, voilà quelqu’un qui analyse une situation sans s’attaquer ni insulter qui que ce soit.On peut être d’accord ou pas d’accord avec lui mais dans ce cas, je demande à celui qui conteste de nous livrer son analyse.Il ne suffit pas dire que l’analyse n’est pas pertinente sinon d’en faire une autre qui démonte les arguments de l’auteur de l’article.Je crois que c’est ce qu’il faut faire pour construire, autrement, on ne fait qu’insulter et insulter n’a pas de place dans notre éducation.Amicalement

  20. COMME IL L’A SI BIEN DIT, NE PAS FIGURER SUR LA LISTE DES ACTIONNAIRES NE SIGNIFIE PAS QU’ON N’EST PAS DEDANS. BIEN SUR MAIS CELA NE VEUT NON PLUS DIRE QU’ON N’EST ACTIONNAIRE.
    MA QUESTION:LA JUSTICE DOIT-ELLE AVOIR LA PREUVE CONCRETE AVANT D’EMPRISONER UNE PERSONNE OU LE LE SEUL DOUTE SUFFIT??
    SOYONS SERIEUX CECI N’EST QUE DE L’ACHARNEMENT ET BASTA!!

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