Nébuleuse au cœur des Finances

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L’exécution des lois de finances de 2000 à 2002 a fait ressortir plusieurs irrégularités. Des dépassements aux prêts sans remboursement, la Cour des comptes, à la suite d’un contrôle, a consigné plusieurs observations dans son rapport annuel 2009 transmis récemment au président de la République.

Dans son rapport 2009 transmis récemment au chef de l’Etat par son président Abdou Bame Guèye, la Cour des comptes a aussi contrôlé l’exécution des lois de Finances, de 2000 à 2002. Plusieurs irrégularités ont été consignées par les magistrats dans leur rapport. Ainsi, « par exemple, le projet de loi de règlement de la loi de finances pour 2000 aurait dû être produit à la Cour au plus tard le 31 décembre 2001. Or, déposé initialement en 2006, puis suivi par quatre autres versions, ce projet n’a été déposé dans sa version définitive que le 7 avril 2008, accusant ainsi un retard de sept ans trois mois », selon la Cour des comptes qui enfonce le clou : « la Cour constate qu’en 2000, le décret portant répartition de crédits n’a pas été publié ». Une gravité et le président de la Cour des comptes n’avait pas manqué de le signaler dans le discours lu devant le chef de l’Etat, lors de la présentation du rapport. Dans sa réponse, Abdoulaye Diop n’a pas manqué de faire remarquer que cette publication est du ressort du secrétaire général du gouvernement.

Bizarreries 

Fait intrigant, la loi de finances pour l’année 2000 dispose que les recettes prévisionnelles du budget général sont évaluées à la somme de 516.600.000.000 Fcfa. Cependant, note la Cour, la même loi dispose que les crédits ouverts pour la gestion 2000 se chiffrent à 516.645.000.000 Fcfa, d’où un écart de 45.000.000 Fcfa. Pour autant, un autre détail troublant a été relevé par la Cour, par rapport aux fonds secrets du président de la République : « En effet en 2000, cette dotation est fixée à 600 millions de Fcfa alors qu’elle est exécutée à hauteur de 1,2 milliard de Fcfa par le biais de virements de crédits. Cette situation s’est poursuivie en 2001 avec une dotation initiale de 580 millions de Fcfa pour des dépenses réelles d’un montant de 2,4 milliards de Fcfa ». Dans le budget du ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, les dépenses de location d’immeubles et d’indemnités de logement des agents sont imputées au chapitre 313 « dépenses d’entretien ». « Or, dans les services centraux, les mêmes dépenses sont imputées soit au chapitre des « dépenses diverses » du budget des dépenses communes, soit au chapitre des dépenses de personnel. (…) L’imputation des dépenses de location et d’indemnités de logement au chapitre « dépenses d’entretien » méconnaît la règle de la spécialité des crédits et a pour effet de nuire à la transparence et la sincérité des comptes ».

Mystères à milliards

Il résulte de l’analyse des documents transmis à la Cour que des prêts ont été accordés durant les gestions 1997-1998 à la Sonatra Air Sénégal, à la Banque sénégalo-tunisienne ainsi qu’à la Fondation Trade Point Sénégal. « Les échéances de ces prêts, fixées en trimestrialités, concernent en partie les gestions 2000 et 2001. Par exemple, en 2001, des recouvrements de l’ordre de 124.250.000 Fcfa au minimum auraient dû être enregistrés comme recettes dans le sous compte « prêt divers particuliers et organismes. Or, dans les deux projets de règlement, seul le compte spécial « prêt aux particuliers » a enregistré des recettes et des dépenses », selon la Cour des comptes. Selon le ministère des Finances, aucun versement n’a été comptabilisé, malgré les tentatives de recouvrement des différents ordres de recettes émis à leur encontre.
La Cour des comptes a aussi estimé que le gouvernement a violé la loi en proposant au Parlement de passer en pertes et profits le montant de 9.187.173.343 Fcfa provenant de deux dépôts de garantie au profit de la Sncds et de la Senelec. « Ces montants étant devenus irrécouvrables, il a été jugé plus réaliste de les faire passer en pertes et profits et de les imputer aux résultats de l’année par un transfert au compte permanent des découverts au Trésor », explique le ministère des Finances.

Interrogations autour d’avances pour la Sonadis, Principal, Aps, le Soleil…

La Cour a aussi observé qu’en 2000, aucune recette n’a été encaissée au titre des comptes d’avances. « Or, les avances accordées soit en 2000 soit durant les gestions antérieures devaient donner lieu au moins à des remboursements durant la gestion 2000 pour un montant de 710.248.452 Fcfa. Il s’agit des avances accordées à la Sonadis, à l’Hôpital Principal de Dakar, à la Société Sénégalaise de presse et de publications (Sspp) et à la commune de Tivaouane », révèlent les magistrats. Selon la Cour des comptes, « cette situation s’est pourtant renouvelée en 2001 avec un dépassement irrégulier de 3,15 milliards de Fcfa et un défaut de recouvrement de recettes d’un montant cumulé de 3.166.416.334 Fcfa pour des avances accordées à divers organismes ». Abdoulaye Diop : « Des ordres de recettes ont été émis vis-à-vis des bénéficiaires. Cependant, ces dites structures n’ont pas été en mesure de rembourser les sommes dues. Aussi, étant donné que ces créances sont devenues irrécouvrables, il a été proposé de les faire passer en pertes et profits ».

La Cour pointe des « paiements irréguliers » de 23. 419.596.196 Fcfa

En ce qui concerne la loi des Finances 2002, la Cour des comptes a soulevé une grosse bizarrerie : « La Cour a constaté des paiements irréguliers d’un montant de 23. 419.596.196 Fcfa sur une ligne intitulée « ordre général de paiement (Ogp) » sans crédits ouverts ou reportés et sans indication des titres et sections d’imputation. Tout en reconnaissant que ces crédits n’ont pas fait l’objet d’un arrêté de report de crédits de 2001 sur 2002, le ministère de l’Economie et des Finances soutient que les Ogp dont il s’agit sont gagés sur des crédits disponibles au 31 décembre 2001, d’après la situation des crédits édités par la Direction du traitement automatique de l’information (Dtai). La Cour a également relevé « l’existence de paiements à régulariser d’un montant total de 4.648.668.359 Fcfa concernant les avances de trésorerie que les ministères dépensiers n’ont pas finalement régularisées ».
Concernant les virements par arrêté, la Cour a constaté « que certains actes pris par le ministre de l’Economie et des Finances sont entachés d’irrégularités. En effet, la loi organique enferme la compétence du ministre en matière de virement de crédits, à l’intérieur du même chapitre. Or, il a été relevé, à titre indicatif, que certains actes de virement ne respectent pas cette prescription puisque, dans certains cas, ils procèdent à des virements d’un titre à un autre ou d’un chapitre à un autre ». Le ministère de l’Economie et des Finances justifie ces virements, effectués par arrêté ministériel modifiant des titres, des sections ou des chapitres, par « des erreurs d’imputation qui sont surtout liées à l’avènement d’un nouveau cadre juridique régissant les finances publiques avec l’application d’une nouvelle nomenclature où les vocables « titre » et « chapitre » n’ont plus la même signification.

Dépassements de 24,7 milliards de Fcfa 

L’exécution de la loi de Finances 2002 a été marquée, selon la Cour des comptes, par des dépassements de crédits dans l’exécution des dépenses courantes du budget général. Des dépassements qui s’élèvent à 24,72 milliards de Fcfa contre 26,66 milliards de Fcfa en 2001 et représentent près de 6% des dépenses courantes autorisées par la loi de finances. Sur ces dépassements de crédits, « il faudrait sans doute ajouter le montant de 1.128.424.702 Fcfa de « dépenses à régulariser » (Dar), dont la Cour « ignore l’objet, la nature et le service bénéficiaire ».
Le ministère de l’Economie et des Finances s’est engagé, sur 20 observations sur 39, à respecter à l’avenir les dispositions législatives et réglementaires concernées, relatives à l’exécution du budget. Enfin, la Cour des comptes note avec satisfaction (comme exprimé par son président lors de la présentation du rapport au président de la République) que le Sénégal a pu respecter les critères de convergence de l’Uemoa, notamment le ratio de la masse salariale rapportée aux recettes fiscales (31,3%) qui doit être inférieur à la norme (35%) et celui du taux de pression fiscale (17,8%) qui doit être supérieur à la norme (17%).

Cheikh Mbacké GUISSE, lasquotidien.com

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