Par Vieux SAVANE

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Une dizaine de morts en Libye, Tunisie, Soudan, Liban, Egypte, des suites de manifestations dénonçant « Innocence of Muslims », un film produit par un obscur cinéaste domicilié à Los Angeles, aux Etats-Unis. Le monde s’embrase ainsi depuis plusieurs jours, prenant pour cibles des représentations diplomatiques américaines parce qu’un imbécile, un Egyptien copte au casier judiciaire bien chargé, en mal d’on ne sait quelle notoriété, a mis sur la toile une vidéo de série B s’en prenant à l’Islam. Violence aveugle et par conséquent stupide préférant se réfugier derrière un clivage passionnel et forcément réducteur en faisant l’économie de la raison et de la responsabilité individuelle.

Comme si on pouvait croire un seul instant qu’un acte commis par une tierce personne pouvait engager une communauté ou un Etat.
Et puis la meilleure réponse n’aurait-elle pas été de manifester une désapprobation pacifique, au lieu d’investir les sentiments et les ressentiments d’une foule en proie au chômage, malmenée par la pauvreté et l’analphabétisme, pour ne citer que ces quelques maux qui gangrènent une grande partie du monde arabo-musulman.

C’est dire la terrible responsabilité des dictatures et autres monarchies qui, en maintenant une bonne frange de leurs populations dans l’obscurantisme et en dehors des sphères de redistribution de la richesse, ont fait le lit du fondamentalisme. A l’image du réservoir que constituent les jeunes déscolarisés issus des banlieues défavorisées qui étaient aux avant-postes de la contestation en ayant pour seule ambition de se défouler et d’en découdre avec les flics.

Il est donc important de ne pas occulter cette réalité, en gardant précisément à l’esprit que « toutes les religions ont été capturées à un moment donné par ceux qui ont des projets politiques » (Lire interview Pr Abdoul Aziz Kébé. Sud du 13 Août 2012). C’est déjà le cas, tout près du Sénégal, à Gao, Tombouctou, au Mali, où des groupes salafistes ont imposé leur vision de l’islam à d’autres musulmans de cultures différentes, détruit leurs pratiques cultuelles, interdit aux garçons et jeunes filles de jouer au football ou d’écouter de la musique.

Cette vision importée et imposée à nos portes aurait certainement mérité de grands rassemblements protestataires afin de leur rappeler l’enseignement de feu Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh. En l’occurrence lorsque, comme le souligne le Pr Abdoul Aziz Kébé, cet illustre chef religieux mettait l’accent sur l’importance qu’il y avait à « construire les facteurs de bien-être partagé par l’ensemble de la population » (Lire Le Soleil du 14 septembre). Ce qui suppose forcément de rompre avec des pratiques rongées par le calcul égoïste et prébendier.

C’est dire que la notion de partage suppose une once d’éthique. Ce qui n’est possible que dans une distanciation avec toutes ces postures schizophréniques, où le plus grand voleur ne cesse d’invoquer à tout va Dieu et les Saints, et où celui qui égrène le plus long chapelet est capable des pires forfaitures.

C’est quelque part ce que nous avait appris Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh en rappelant « que les privilèges et les titres n’avaient pas d’importance ». Aussi s’était-il interrogé dans un de ses poèmes : « quel sera mon sort quand je serai seul dans ma tombe, prisonnier de mes œuvres » ?

Il revient par conséquent à tout un chacun de ne pas s’exténuer dans une compulsion d’achat, d’accumuler des biens matériels à n’en savoir quoi faire puisque, de toutes les façons, aucune richesse ne pourra venir à bout de la mort. Point terminal de toute existence, elle nous attend avec sa placidité mortifère. De quoi faire réfléchir. En effet si la mort nous est notre lot commun, il n’en demeure pas moins qu’elles ne se valent pas toutes. Il en est, comme disait le grand timonier Mao Tsé Toung, qui pèse moins qu’une plume. Les privilèges, les titres ne sont donc que des opportunités pour nous permettre d’être des créateurs, des passeurs d’avenir à l’image de l’école publique qui a changé la vie de moult gens de peu. Et paradoxalement cette école fout le camp depuis quelques années, enfermée dans une inexorable descente aux enfers. Il importe alors, comme le souligne le Pr Abdoul Aziz Kébé, de se fondre à l’instar de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, dans cette interrogation existentielle : « Quel sera mon sort quand je serai seul dans ma tombe, prisonnier de mes œuvres » ? Sachant qu’une œuvre est une création, c’est-à-dire de l’inédit que l’on fait advenir dans le monde, cela s’appelle avoir l’intelligence de sa mission.

C’est pourquoi, 15 ans après sa mort, l’œuvre de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh reste plus que vivace dans la mémoire de ses compatriotes. Comme une nostalgie inconsolable. Surtout en ces périodes troubles auxquelles nous renvoient les terribles scènes de violence de foules en folie de ces derniers jours.

sudonline.sn

2 Commentaires

  1. Respect. Votre analyse est très pertinente M.Savané et j’y adhère totalement. Je suis musulmane et pratiquante et je respecte les valeurs de l’Islam, mais je suis contre le fanatisme et les pratiques obscurantistes. L’attaque contre le Prophète (PSL) est certes répréhensible et à blâmer énergiquement. Elle fait partie d’une série, depuis les caricatures, jusqu’à l’urine sur le Coran et sa mise à feu et autres profanations, une série qui ne cesse de croître.Toutefois, il faut réagir avec intelligence. Les réactions démesurées ne font que renforcer l’image négative que veulent donner ceux qui critiquent l’Islam et semer la dissenssion (Fitna) entre les religions et à nourrir les hotilités dans un dessein précis. Il faut également admettre que les extrémistes, salafistes et réactionnaires de tout bord n’ont fait qu’ensanglanter l’image de l’Islam avec la violence qu’ils prêchent et pratiquent.La violence, quel qu’en soit l’instigateur, n’engendre que la violence. Moise avait dit à Dieu: ‘Vas-Tu nous détruire pour ce que les sots d’entre nous ont fait?'(Al Araaf, 155). Il y a là matière à réfléchir.

  2. Les réactions d’un groupe d’individus blessés sont incontrôlables et imprévisibles.
    Votre analyse est nulle et s’attaque aux conséquences sans un mot sur cette série de provocations qui en est la cause. Imaginez un peu que des Tidjianes se mettent à faire des films à la limite de la pornographie un peu personnage nommé Serigne Touba et décrivant sa vie en le qualifiant de toutes les bassesses de la terre. On ne maîtrisera pas la réaction de tous les mourides, on ne les traitera pas non plus de fondamentalistes. On ne doit blâmer que ceux qui cherchent expressément à blesser les musulmans dans leur foi. Ceux la sont défendus systématiquement par la presse occidentale et par vous même. Et pour moi la liberté des uns s’arrête la oú commence celle des autres. Je ne cautionne pas la violence mais je comprends ceux qui l’utilisent comme seul argument pour pousser l’Occident à mettre en place des lois pour interdire toute agression contre les religions, surtout quand l’objectif visé est simplement de profaner.

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