Pour Une République Des « nawle » (égaux)

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POUR UNE RÉPUBLIQUE DES « NAWLE » (ÉGAUX)

Abdou Ndukur Kacc Ndao

Janvier 2016 tirait sa révérence quand avant de mourir de sa belle mort, il nous léguait l’histoire douloureuse des sacs de Seck Waly. Le jeune Waly sort avec un sac et notre vieille république tremble dans un brouhaha de honte et d’invective. Les branchés et fans du jeune artiste seront pourchassés et agressés comme de vulgaires homosexuels pour une société pourtant naguère tolérante voire complice de ces désorientations sexuelles hors standard admis. Il est vrai que les proportions étaient bien gardées. Nous sommes ainsi en pleine apothéose du désespoir …certains sénégalais font feu de tout bois et se nourrissent de cette buzz.

Fin janvier, c’est aussi le grand pêché de la caricature du Cheikh du mouridisme par Jeune Afrique. La mobilisation s’amplifia cressondo pour dénoncer des lobbies homosexuels derrière cette énième attaque contre l’islam et ses Cheikh. D’ailleurs, le rectificatif de JA est juste subtile car, à y regarder de près, la caricature remplaçante n’a fait que conceptualiser une image proche d’un imam. Sans doute cette nouvelle caricature a échappé à plusieurs observateurs, la caricature étant un métier d’une redoutable et renversante subtilité. Tous les imams du monde devraient d’ailleurs battre le macadam dans toutes les villes pour se plaindre de la caricature de substitution. N’empêche, le plus important aussi est de lire la façon dont les adeptes du Sheikh ont perçu dans leur intériorité cette caricature satanique.

Cette caricature donne l’occasion de parler de nous-mêmes et de notre rapport à nos Saints. En vérité, la véritable caricature originelle, dans ce Sénégal, c’est d’avoir fait de nos grands marabouts soufis des « icônes » qui sont associées à tout et très peu à l’essentiel …Nous louons leurs louanges sous les tentes et dans les cabarets aux lumières tamisées. Nous jurons en mentant souvent en leur nom. Nous les associons à toutes sortes de paganisme et de folklore. Et presque jamais, personne ne pipe mot ou très timidement ! Même lorsque les familles confrériques mettent en garde contre ces déviances, les violations symboliques se poursuivent.

Voilà pourquoi ce jeune garçon, à peine sorti de la puberté, et qui comme par magie fait un « leapfrog », grand saut pour entrer dans le monde nouveau du showbiz, met dans un seul registre et son sac mimétique et son statut de « Baye Fall ». La vraie « rectification » aurait été de demander que nos Sheikh ne soient plus mêlés à des formes d’associationnisme non religieux, véritables gangrènes sur leur dos. Cette « rectification » tardera à arriver tant le contrôle social a enfanté une société d’une très vieille démagogique. Il y a la vérité des « salons feutrés » et la vérité du consensus public avec ses profondeurs démagogiques particulièrement à la sénégalaise à plusieurs variables morales. Voilà le mal profond d’un pays qui manifeste contre des caricatures légitimement mais qui défie dans le mensonge et l’associationnisme quotidien ses Sheikh.

Au Sénégal, il y a des narratifs magico-religieux que personne n’ose questionner. Ils ont été distillés de la même manière : par le tapage et l’intimidation presque organisés tellement, ils sont réguliers. Notre pays continue d’entretenir le mythe du « domu Sokhna »Seigneur ! comme si nos braves mamans à nous qui prient avec leurs forces matinales au plus profonds d’elles n’étaient pas aussi vertueuses, si dévouées, et totalement dignes de nous et pour nous ? Au point que nous devons tous payer cette tare « congénitale  » par une « soumission  » à un ordre qui n’est pas celui du grand et unique maitre et juge incontestable de ses suiveurs. Pourquoi ce principe serait une exemption sénégalaise qui d’ailleurs ne saurait prétendre ni à la paternité berceau de l’islam ni à celle de la piété la plus sacrée de la umma.

Cette sacrée « anomalie » aurait même traversé l’espace politique, avec en toile de fonds, des logiques dépassées de castes enfouies dans les subconscients pour neutraliser des adversaires politiques. D’où le dilemme entre l’égalité et l’équité. Nous pouvons bien « manger » l’argent des «castés ». Mais nous rechignons à ce qu’ils nous dirigent au nom de nos factices positionnements sociaux d’une autre époque. Certaines castes l’ont bien compris d’ailleurs et utilisent leurs ressources pour « s’ennoblir ». Nous devrions un jour faire face à nous-mêmes et accepter de gérer ces contradictions qui ne grandissent pas notre nation.

Comment bâtir une république de « Nawl? » tout en reconnaissant nos différences héritées à notre insu ? Nous vivons au quotidien ces formes perverses de falsification historique et religieuse qui nous dispensent de nous regarder en face. Pourtant le discours de nos saints est sans équivoque sur l’urgence de retourner à Dieu et ses recommandations. Des minorités sociologiques efficaces dans la manipulation ont fini d’infiltrer tous nos espaces politiques et religieux pour dénaturer les véritables enseignements de nos respectés guides religieux qui sont au-dessus de tout soupçon matérialiste.

Nous pouvons continuer de feindre nos peurs et nos démagogies, la véritable caricature qui mérite une vraie mobilisation religieuse est de se battre contre tous ces pales dessinateurs qui révisent et violent par caricatures et/ ou par mélodies endiablées au quotidien les enseignements exceptionnels de nos saints et guides religieux. Sous ce rapport, il nous faut exorciser toutes les caricatures et faire face à nos nous-mêmes sans honte et dans la dignité pour construire une République réconciliée avec des valeurs intrinsèques de foi et de principes émancipés.

ANKN

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