Procès des chantiers de Thiès s’ouvre aujourd’hui: Bara Tall seul devant la barre, Idrissa Seck « l’absent le plus présent… »

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C’est l’un des procès les plus attendus de l’année qui s’ouvre ce mardi 02 novembre devant le tribunal correctionnel de Dakar : l’affaire des « Chantiers de Thiès », qui a culminé avec les six mois d’emprisonnement, du 15 juillet 2005 au 07 février 2006, de l’ancien Premier ministre, sera évoquée en public, mais sans les politiques, pourtant protagonistes au premier chef. Seul l’entrepreneur Bara Tall, propriétaire de « Jean Lefèvre Sénégal » devenue « Talix », et 18 entreprises citées comme témoins, défileront devant la barre. Ni Idrissa Seck, encore moins l’ancien ministre Salif Bâ, et ex-Dg du Pcrpe, tous deux bénéficiaires d’un non-lieu, de la commission d’instruction de la Haute Cour de justice qui avait été constituée et dirigée alors par Cheikh Tidiane Diakhaté, aujourd’hui premier président du Conseil constitutionnel, ne comparaissent.

Bara Tall est un « pion essentiel » dans l’échiquier du dossier des chantiers de Thiès où il avait obtenu la plus grosse part des marchés. Il les avait pré-financés mais l’affaire Idrissa Seck -première étape de la montée en puissance de Karim Wade-viendra tout assombrir…

Le procureur de la République de Dakar a envoyé à la mi-octobre, par voie d’huissier, une assignation à prévenu au PDG de Jean Lefèvre Sénégal, Bara Tall pour une demande de comparution à l’audience de ce mardi. Les charges retenues contre lui dans le cadre du dossier des « Chantiers de Thiès » retiennent l’accusation « d’avoir obtenu de l’Etat la somme de 8,099 milliards de F Cfa au moyen de pièces fausses ou de manœuvres frauduleuses quelconques. » Inculpé et placé sous mandat de dépôt le 20 novembre 2006 par le juge Yakham Lèye du cinquième cabinet d’instruction, il passera presque deux mois et demi en détention préventive à la prison centrale de Rebeuss.

C’est un dossier au caractère hautement politique de cette affaire qui a débuté en juillet 2004, au moment du bouclage du rapport des experts commis par l’Inspection générale d’État (Ige). En combat ouvert avec le président Wade, Idrissa Seck, n’a gagné la bataille judiciaire car l’accusation n’avait pas un témoin à charge de poids comme Bara Tall, surtout après l’élargissement de prison de l’ancien numéro deux du Pds. Il était libre mais les « faucons » du palais n’avaient pas lâché prise…

Alors que le duo Cheikh Tidiane Sy (Justice) et Me Ousmane Ngom (Intérieur) était aux manettes –il s’est reconstitué depuis l’avant-dernier remaniement ministériel-, Idrissa Seck avait réussi à obtenir un non-lieu partiel qui le blanchissait. Bara Tall a toujours soutenu que sa « démonstration » devant la Haute Cour de justice précipita même l’élargissement de l’ancien Premier ministre détenu, dans le cadre de ce dossier,

En fait, le deuxième fait notable dans le dossier des « Chantiers de Thiès » a eu lieu à partir du milieu de l’année 2006, quand les principaux acteurs dans cette affaire, côté pouvoir, sont revenus à la charge pour qu’il les aide « autrement. » Parce que, disaient-ils à Bara Tall, qui rapporte les propos de ses interlocuteurs, « Idrissa Seck refuse maintenant de rendre même la moitié de l’argent pris au Président. » Comment aider ceux qui pourchassent Idrissa Seck ?

Leur plan est simple : vu que l’entrepreneur est accusé d’avoir détourné des deniers publics, en surfacturant dans les travaux de Thiès, il pourrait verser une caution, s’en tirer avec une légère inculpation et leur offrir un piédestal pour atteindre le maire de Thiès, ainsi que l’explique le site baratall.com dédié à sa défense. Selon la même source, les autorités qui ont tenté de « raisonner » Bara Tall dans ce sens, allant même jusqu’à proposer de lui « prêter » de quoi cautionner. L’essentiel étant d’atteindre l’objectif de ramener Idrissa Seck en prison.

Mais l’entrepreneur se montre intraitable : « si vous me donnez cent (100) milliards de F Cfa, je ne cautionnerai pas un seul centime. » Une réponse qui ne manque pas d’énerver jusqu’en haut lieu. Alors, on ne se prive pas d’agiter le spectre de Rebeuss à la face de ce têtu qui réplique : « j’ai déjà préparé mon baluchon. » Et Bara Tall renseigne que fin septembre, début octobre 2006, au moment où tout le pays bruissait de rumeurs se rapportant à une réactivation du dossier des « Chantiers de Thiès », c’est le ministre d’État, Garde des Sceaux qui approche le Directeur général du Groupe Com7, à qui il demande de « raisonner » l’entrepreneur.

Si ce dernier avait fait montre de bonnes dispositions, dans le pire des cas, la réactivation du dossier ne lui aurait coûté qu’un placement sous contrôle judiciaire. Yaxam C.N. Mbaye, alors directeur de publication du « Pop » joint Bara Tall, en déplacement aux États-Unis, pour lui livrer le message. Non seulement l’entrepreneur dit niet, mais il décide de prolonger son séjour pour pouvoir dire ses quatre vérités à Cheikh Tidiane Sy, présent dans la délégation accompagnant le Président Wade au pays de l’oncle Sam où il devait recevoir un prix. Le face-à-face est houleux, pour dire le moins.

Selon « Le Populaire », quotidien propriété de Bara Tall, Pierre Goudiaby a ferraillé durant des jours pour faire sauter tous les verrous et permettre un face-à-face entre le magnat des BTP et le Président Wade. L’audience se passe très mal. Les masques se figent. Me Wade commence à signifier à Bara Tall qu’il a « donné des instructions pour qu’on lui diminue la caution… »

Mais l’entrepreneur lui dit fermement qu’on lui dit « des contrevérités » car il n’a jamais été question pour lui de donner une quelconque caution. Au contraire, il réclame le paiement des 3,5 milliards qu’on lui doit sur les « Chantiers de Thiès » et 1,5 milliard restant sur la Zac de Thiès. Me Wade se raidit, convoque « certaines choses » qu’on lui a dites sur ce dossier et finit par invoquer « la séparation des pouvoirs » pour se défendre d’intervenir dans un dossier pendant devant la justice. » La suit est connue… « Talix » a d’ailleurs été condamné dans l’affaire de la reconstruction de la route Fatick-Kaolack et la justice l’avait contraint à la réparer sous astreinte de paiement de plusieurs millions de francs Cfa par jour.

DES PERES DE FAMILLE DANS LA RUE A CAUSE DE REGLEMENTS DE COMPTES POLITIQUES

Entre temps, Bara Tall, qui a vu son entreprise péricliter, ce qui a entraîné plus d’un millier de pères de famille au chômage, est devenu un acteur en vue des mouvements citoyens. Mieux ou pire, c’est selon, il s’est rangé du côté des pourfendeurs du régime et son discours fait mouche. Il a initié « Yémalé » pour lutter contre l’impunité et les tentations « monarchiques » du pouvoir puis lancé une pétition pour faire la lumière sur les pots-de-vin versés à l’opérateur de téléphonie soudanais, Sudatel, à des proches du président de la République ; la principale cause du procès qui oppose le journaliste Abdou Latif Coulibaly à Thierno Ousmane Sy, conseiller Tic du chef de l’Etat et fils du…garde des sceaux.

Dans son combat, il bénéficie d’importants soutiens de l’opposition politique et de mouvements « citoyens » et qui se réclament de la société civile. Bara Tall, ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique de Thiès, a fait carrière au sein de Jean Lefèvre Senegal avant de racheter l’entreprise de Btp pour un faire un fleuron. Mais le refus de son patron de servir de caution à la mise à mort politique de l’ancien candidat à la présidentielle (14% en 2007) va lui couper les marchés publics et l’asphyxier. De fait, « Talix », nouveau nom de l’entreprise, sera déclarée « paria » et sera exclue de cette manne financière.

L’ouverture de ce procès intervient alors que l’ancien Premier ministre –l’absent le plus présent au tribunal- subit une mauvaise passe politique. Malgré son retour au Pds, le président Wade vient de l’écarter de l’état-major central de sa campagne pour 2012 au profit de l’actuel Premier ministre, Me Souleymane Ndéné Ndiaye, comme directeur, et de son fils, le ministre d’Etat Karim Wade, chargé de lever les fonds.

D’ailleurs, comme ce fut le cas avec Youssou Ndour, alors au front pour obtenir une autorisation d’émission pour sa télévision, la Tfm, les deux hommes ont mené une mission de bons offices auprès de l’entrepreneur Thiessois qui a été reçu à la Primature et dans des lieux privés à plusieurs reprises. Le temps est à l’apaisement et on voit mal le tribunal entrer en voie de condamnation. D’autant que le parquet devra se dêmener pour enfoncer les prévenus et qu’il y a une sorte de « jurisprudence Idrissa Seck et Salif Bâ » qui pèse sur le dossier…

NETTALI.NET

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