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Quand le pouvoir exécutif impose un mariage forcé et la polygamie aux autres pouvoirs pour combattre les opposants. (Par Mohamed Dia).

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Le pouvoir est fait pour servir. Il est passager ; l’argent ne sert qu’à satisfaire les besoins ; au-delà, il est inutile. Le respect de soi et le respect des autres en revanche est un bien éternel et sans limite. Dieu lui-même le prend en considération dans le jugement qu’il porte et portera sur chacun de nous. Kéba Mbaye

L’un des fondements d’un Etat de droit est la séparation des pouvoirs. Les juges et magistrats ne doivent avoir aucun compte à rendre au pouvoir législatif encore moins au pouvoir exécutif. Ils doivent jouir d’une indépendance totale pour pouvoir juger de manière impartiale tous les actes commis par les gouvernants. Au Sénégal, depuis l’indépendance, les présidents utilisent le pouvoir judiciaire comme arme politique pour liquider les adversaires politiques. Le pouvoir judiciaire se laisse influencer par l’exécutif pour des avantages, et la situation se dégrade d’un président à l’autre. Quand une société est pourrie, tous les appareils à tous les niveaux sont occupés par des femmes et des hommes pourris. Il faut que cela change pour que le Sénégal puisse devenir un Etat de droit.

Voulant se retirer de la scène politique pour des raisons personnelles, le père de la nation devait faire le choix de son dauphin putatif entre Babacar Ba, ministre de l’Économie et Abdou Diouf. Le premier mène une campagne négative contre l’ancien Premier ministre, l’accusant d’être impliqué dans une affaire de trafic d’influence. Abdou Diouf formera un bouclier, composé de Moustapha Niasse, Djibo Ka et Jean Collin, pour influencer le président Senghor afin qu’il le maintienne à la Primature. La stratégie du président Diouf a été payante, car après les élections de 1978, Abdou Diouf reste à la Primature et Babacar Ba a été muté aux affaires étrangères pour l’éloigner des deniers publics. C’est en quelque sorte ce que Macky Sall a fait à Amadou Ba, sachant que ce dernier semblait afficher des ambitions présidentielles, il l’a éloigné des deniers publics pour le muter aux affaires étrangères.

Au Sénégal, pour être président, il faut être prêt à détruire ses meilleurs amis et ne pas prendre des décisions émotionnelles. Par exemple, quand Senghor était en vacances à Verson, il y avait un petit incident entre Diouf et Ba et le trio en a profité pour le rapporter à Senghor, qui est immédiatement rentré de vacances. Un comité central est convoqué et Senghor a pris la décision de procéder à un remaniement ministériel. Abdou Diouf, qui était chef du gouvernement, était responsable de cette tache ; c’est naturellement que Babacar Ba ne figurait pas sur cette nouvelle liste de ministres proposée par Abdou Diouf à Senghor. Quand les présidents sénégalais sont au pouvoir, ils deviennent obstinés par le pouvoir et ils veulent liquider tout potentiel adversaire à tout prix.

Sous l’ère Senghor, nous assisterons à beaucoup de condamnations. Charles Gueye était condamné à 10 ans d’emprisonnement pour complot contre la sécurité de l’état. Malik Samb, aussi connu sous Max Mader, était condamné à un an de prison pour une manifestation interdite. Ils étaient des proches de Majemout Diop du PAI, disaient-ils. Le 22 mars 1967, pendant que Senghor assistait à une cérémonie à la grande mosquée de Dakar, une tentative d’assassinat fut déjouée. Celui qui est accusé n’est autre que Moustapha Lô, et il fut exécuté en 1967. D’autres étaient lourdement condamnés pour avoir pris part à la tentative d’assassinat ou pour ne pas avoir dénoncé les commanditaires du plan. Il s’agit de Mamadou Moustapha Dramé, Doudou Ndiaye et Abdoul Baila Wane.

Le président Senghor était peu sûr de soi et cela s’est fait sentir avant l’arrestation du président Dia. Le PAI de Majemout Diop avait disparu en 1960, car il était accusé d’être à l’origine des troubles lors des élections municipales de la même année. Le parti de Cheikh Anta Diop était aussi interdit de toute activité en 1962. La même année, le président Dia fut arrêté. Ne faisant plus confiance à son entourage, le président Senghor avait fait voter une nouvelle constitution le 3 mars 1963 qui fait de lui chef de l’Etat et du gouvernement. Il va plus loin et fait voter une autre loi constitutionnelle le 20 juin 1967 lui donnant le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale quand il veut.

A l’aube des élections de 83, l’opposition était éparpillée et l’ouverture démocratique, qui a permis l’avènement du multipartisme, a été l’ennemi de l’opposition. Il n’y avait aucun programme ni un plan d’action commune. Comme le PDS était le parti le plus en vue de l’opposition, il fallait réduire sa force. Le gouvernement a profité de l’affaire Mamadou Fall, ancien officier, pour tourner l’affaire en une affaire politique. Doudou Camara, député du PDS a été placé sous examen après que son immunité parlementaire fût levée. Abdoulaye Wade s’exila en France pour éviter d’être mouillé dans cette affaire des membres de son parti qui étaient accusés de se rendre en Libye pour recevoir une formation militaire.

Les jeux de phrases avaient commencé à l’aube des élections de 1988, Abdou Diouf accusait Abdoulaye Wade d’être financé par la Libye du Colonel Kadhafi. Jean Collin, ira plus loin, pour accuser Abdoulaye Wade et le discréditer. Le ministre d’État disait que « Wade est un homme dangereux. Il n’a qu’une idée, c’est de devenir Président, il est prêt à tout sacrifier à cette idée. Il n’est pas l’homme d’un programme, mais l’homme d’une ambition personnelle ». Comme en 1983, Abdou Diouf refusait toujours de changer le code électorat ; en politique, tous les moyens sont bons pour rester au pouvoir. Quelques jours avant les élections, deux personnes, d’origine libyenne, étaient arrêtées avec de faux papiers, à l’aéroport de Dakar, en compagnie de Ahmed Khalifa Niasse. Étant donné qu’Abdou Diouf avait accusé Abdoulaye Wade d’être financé par Kadhafi, le gouvernement en a profité pour aussi lui coller cette affaire. Finalement, il parait que c’est Jean Colin qui avait acheté les billets de ces deux Libyens. Il y aura d’autres problèmes pour le pouvoir, comme l’assassinat de Maitre Babacar Sèye.

Après le déracinement du président Diouf, Abdoulaye Wade était devenu le troisième président du Sénégal. Il y avait toujours de l’euphorie dans l’air, et après quelques années au pouvoir, le bilan de Wade était piteux et l’euphorie donnait sa place au mécontentement. Abdoulaye Wade changeait alors le fusil d’épaule. Malgré qu’il soit très vulnérable, sa personne faisait peur, car il était prêt à tout pour garder le pouvoir, ce pouvoir, qu’il recherchait depuis 1978. Alors qu’il était le « fils spirituel » et le stratège d’Abdoulaye Wade, Idrissa Seck sera viré et emprisonné, car il commençait à afficher des ambitions présidentielles. Il a fallu l’accuser de quelque chose pour l’écarter. L’autre fils, Macky Sall, était chargé du dossier d’Idrissa Seck. Restant convaincu que l’ancien Premier ministre Idrissa Seck a détourné des fonds et s’est illégalement enrichi aux dos du peuple sénégalais, Macky Sall voulait profiter de cette occasion pour éliminer un adversaire redoutable. Macky disait ne pas vouloir rester au sein du parti tant qu’Idrissa Seck y serait, et que sa place, c’était plutôt la prison. N’avait-il pas accusé Abdoul Latif Coulibaly d’avoir conspiré avec Idrissa Seck pour avoir publié certains de ses livres contre Wade ? Macky ne voulait pas laisser l’affaire et il s’assurait que les enquêtes se poursuivraient en France et en Suisse et il avait même transmis une commission rogatoire au gouvernement suisse afin d’identifier les fonds qu’il pensait être logé dans ces banques. Il avait même dit qu’Idrissa Seck avait accepté de restituer les fonds, ce que l’équipe juridique avait catégoriquement nié. Il disait encore qu’il était nécessaire de poursuivre Idrissa Seck si on voulait éradiquer la corruption au Sénégal. Il faut se rappeler qu’Idrissa Seck avait refusé de demander une mise en liberté provisoire, car il disait être innocent. Macky Sall disait aussi qu’il avait reconstruit le PDS et qu’il ne pouvait pas se permettre qu’on ternisse l’image du parti. Il était prêt à démissionner de n’importe quel poste si le président Wade avait donné à Idrissa Seck un poste de responsabilité au sein du gouvernement. Après que Macky Sall ait fait le sale travail pour Abdoulaye Wade, c’était à son tour d’être destitué, car après tout, c’était la seconde personnalité de l’Etat.

Macky Sall est reproché d’avoir commis une erreur politique en n’ayant pas avisé le président Wade avant de convoquer le patron de l’ANOCI devant le Parlement. La machine judiciaire va être mise en marche pour démettre le chef de l’organe législatif. Le ministre de l’Intérieur du temps, Cheikh Tidiane Sy, avait demandé à Macky Sall de se présenter au commissariat central pour être placé en garde à vue. En ce moment, Macky Sall commençait à s’inquiéter, car il croyait qu’il allait être emprisonné. Il lui était reproché d’être impliqué dans une affaire de blanchiment d’argent avec un Sénégalais établi au Gabon. Une correspondance, fut interceptée par les renseignements sénégalais, entre Macky Sall et un chef d’État africain, qui prouve que les fonds provenaient de ce dernier. Les carottes pouvaient être cuites pour Macky Sall sur ces charges. Il a fallu l’intervention de feu Serigne Bara Mbacké pour calmer l’affaire. Serigne Abdou Lahad Mbacké, ancien ambassadeur et Madické Niang, étaient les médiateurs auprès du Khalife. Macky Sall, avait auparavant, déjà demandé une intercession auprès de feu Serigne Saliou pour une réconciliation avec le président Wade. Le président Wade finira par le recevoir et il était convenu d’enterrer la hache de guerre. Ce sera avec l’aide de feu Serigne Bara Mbacké quand même que cela se passera et le chef du groupe parlementaire, Doudou Wade, s’était chargé d’annoncer la bonne nouvelle de réconciliation. Le destin voulait que Macky Sall devienne président.

Une fois sur le trône, il faut maintenant écarter tous les opposants qui puissent lui poser des problèmes. Le premier opposant, qui n’était certes pas redoutable, a été écarté. Karim Wade sera condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), une juridiction spéciale, à une peine de six ans d’emprisonnement et à une amende de 138 milliards de francs CFA. Il était accusé de montages financiers complexes quand il était au sein du gouvernement. À la suite d’un décret daté le 24 juin 2016, il bénéficie d’une grâce présidentielle même si les sanctions et l’amende sont toujours maintenus.

Après s’être vengé du fils du président Wade, il fallait maintenant écarter l’opposant qui était le plus redoutable. Khalifa Sall a remporté toutes les élections contre le régime de Macky Sall. Il a battu Aminata Touré, aux élections municipales, dans la localité de Grand-Yoff et avait même remporté les quinze communes sur les dix-neuf de Dakar. Étant donné que la condamnation de l’ancien maire est exécutoire et définitive, une demande de grâce pouvait être introduite par lui, son avocat ou sa famille pour pouvoir bénéficier d’une liberté. Cette demande a été introduite et Khalifa Sall est libre, mais ne jouit toujours pas de ses droits civiques.

Maintenant que Macky Sall est à son dernier mandat, il faut forcement qu’il facilite la voie à quelqu’un à qui il peut faire confiance pour protéger son arrière. Vu qu’aucun militant de l’APR n’est éloquent pour aspirer à devenir président, il faut mettre quelqu’un d’autre de fiable, ce qui le pousse à gracier certains et à forcer au pouvoir législatif d’amnistier d’autres pour mieux choisir son dauphin. Le gouvernement discute dans les couloirs de la Présidence de la stratégie « Tout sauf Sonko », car c’est le seul candidat parmi les cinq qui s’étaient présentés à ne pas accepter de deal de la part de Macky Sall. Il faut que Sonko fasse très attention, car en politique, ils sont prêts à tout et Macky Sall en sait quelque chose, car quand Abdoulaye Wade voulait le détruire, il avait tout le temps peur pour sa vie et il l’a dit dans des réunions privées.

Si à chaque fois qu’un président accède au pouvoir, il utilise le pouvoir judiciaire et les autres pouvoirs à sa guise pour détruire les adversaires politiques, quand est-ce que le Sénégal deviendra un Etat de droit ?

Il est temps que des mesures correctives soient prises pour s’attaquer à ce problème. N’importe quel pays qui aspire à devenir une nation émergente doit avoir une police libre, une presse libre, une séparation des pouvoirs et surtout une justice indépendante. Le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire est la raison principale qu’il n’arrive pas à faire respecter la loi. Quand les procureurs, les juges et les magistrats sont redevables d’intérêts politiques et que le président et son ministre de la Justice contrôlent leur carrière, pensez-vous qu’ils pourront faire leur travail avec impartialité ? 

Mohamed Dia

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