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Quel avenir pour les deux pays de la Sénégambie ?

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Les récents événements en Gambie et leur dénouement, avec le départ de Yaya Jameh ouvre des perspectives pour les deux pays, le Sénégal et la Gambie. Au-delà de l’aspect subjectif et émotionnel, il serait bien de jeter un regard critique et objectif sur l’avenir de ces deux pays que tout rapproche, la géographie, l’histoire, la sociologie, la religion et j’en passe. Tenant compte des relations heurtées ou violentes que le Sénégal a connu ces dernières années avec son voisin, notamment l’intervention militaire en 1981, l’animosité du régime de Yaya Jameh et la dernière intervention pour faire partir Jameh, il serait bon de mener cette réflexion sommaire pour essayer de trouver de nouvelles pistes pour un raffermissement et une stabilisation de leurs relations.

Nous ne pouvons pas revenir sur la passé colonial qui a fait naitre ces deux pays, même si nous le voulions, 50 ans d‘existence ont fait naitre des nationalismes qu’il serait difficile ne pas reconnaitre, le Sénégalais se sent de plus en plus sénégalais et le gambien, gambien ; les troupes de la CEDEAO ont été accueillies par des jeunes qui entonnaient l’hymne gambien. Mais tout en reconnaissant la personnalité juridique de ces deux états, nous pouvons établir entre nous des liens inédits, d’un genre particulier, qui leur permettraient de vivre dans la solidarité, le respect mutuel et la fraternité. Il s’agirait de mettre en place un cadre légal et une démarche cohérente tendant à améliorer leurs relations et à assurer le développement solidaire de leurs économies en tirant profit des avantages comparatifs de chacun des deux pays. Je ne saurai être exhaustif, dans cette réflexion mais je pourrai donner quelques pistes de réflexion sur un certain nombre de points.

D’abord les infrastructures dont le pont de Farafegné en particulier qui est le projet phare, constituent pour les deux pays un enjeu de la plus grande importance. La question du pont a été l’une de premières questions posées par les journalistes au nouveau président gambien. Ce problème qui relève de la souveraineté de l’état gambien, est essentiel pour la sauvegarde de la paix au Sénégal, le déplacement des populations et le développement économique de la Casamance. Au-delà de la question du pont, c’est la question de la traversée de la Gambie par les transporteurs et les simples citoyens qui se pose. Les deux pays doivent trouver une solution à cette douloureuse situation artificiellement transformée en contentieux par quelques agents corrompus qui y trouvaient un moyen pour racketter les populations.

La réalisation du pont de Farafegné pourrait faciliter la fluidité des relations entre la Casamance et le reste du Sénégal, mais elle permettrait aussi à la Gambie d’avoir un ouvrage d’art qui lui permettrait de joindre par la route les deux parties de son territoire, une première dans l’histoire de ce pays. Ce projet est donc d’une importance capitale pour les deux pays, car il faciliterait l’intégration de leur territoire et pourrait entrainer la naissance et le développement d’un nouveau pôle économique mettant en contact le Saloum méridional, la moyenne Casamance, le North Bank et le Lower River en Gambie. La logique économique pourrait entrainer la création d’un port fluvial sur ce site pour favoriser l’évacuation des produits, le développement des villes comme Nioro, Farafégné, Mansa Konko, Soma, Bounkiling et, pour compléter le dispositif, l’installation d’unités de transformation.

Comme on le voit, ce point de transit pourrait facilement devenir un important pôle industriel et un nœud important assurant une parfaite liaison entre le Sénégal central, la moyenne Casamance, le centre de la Gambie avec une possibilité d’ouverture sur la Guinée Bissau. Le pont serait ainsi un facteur de rapprochement et un vecteur de développement et non une simple réalisation pour faciliter les échanges entre les deux parties du Sénégal. Le Sénégal comme la Gambie sont les gagnants dans la réalisation de cet ouvrage d’art. !

Le développement des infrastructures dans le centre du pays permettrait donc d’installer un nouvel équilibre régional jusque là favorable aux zones côtières. En effet, la plupart des aménagements urbains et des activités économiques sont concentrées sur les franges côtières, au détriment de l’intérieur du pays. Pour une fois on aura un important projet autour de grands axes situés dans l’hinterland des cotes. Il serait donc heureux que la réalisation de ce pont soit étudié du coté sénégalais comme du coté gambien dans son aspect intégrateur, pour voir, au-delà de la fluidité des déplacements qu’il entrainerait, quel serait son impact sur l’aménagement de l’espace et les activités économiques. La circulation sur ce pont devra bien sûr être libre et totalement gratuite, on n’a pas besoin de nouveaux points de racket dans nos deux pays. La liberté de circulation appliquée dans la CEDEAO doit avoir donc cours dans tout cet espace économique, on n’a pas idée de faire payer des droits de passage sur le pont Emile Badiane !

Le tourisme est un autre chantier à exploiter pour renforcer les relations entre les deux pays. C’est une activité particulièrement rentable sur la petite cote, la base Casamance et le littoral gambien. Il est temps que les autorités des deux pays trouvent un accord sur l’exploitation de ce vaste littoral qui s’étend de Dakar à Cap Skirring en passant par Banjul, en harmonisant les textes pour permettre aux tours opérators qui interviennent dans ce secteur, aux entreprises qui aménagent dans les sites, aux guides touristiques des deux pays, aux populations riveraines dont les intérêts doivent être sauvegardés, de fédérer leurs efforts pour tirer le meilleur profit de cette activité qui occupent une place si importants dans l’économie des deux pays.

Certes il n’est pas facile d’avoir une politique tarifaire et monétaire commune du fait de l’appartenance du Sénégal à une organisation sous régionale, mais il doit trouver avec ses partenaires de l’UMEOA un accord lui permettant de bénéficier de mesures exceptionnelles afin de créer des liens économiques solides avec ses frères gambiens. Ces derniers pourrait ainsi adhérer à l’OHADA, les conditions d’investissement seront allégées, permettant aux hommes d’affaires des deux pays d’intervenir librement dans le pays de leur choix et de voir leurs placements être garantis par les mêmes textes.

La même politique devrait être menée dans les autres activités économiques, l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’exploitation de la forêt. Les résultats de la recherche devraient être partagés, une politique commune dans le domaine de la production et de la commercialisation de certains produits comme l’arachide, l’anacarde, le coton, les produits maraichers et fruitiers, pourrait être appliquée d’un commun accord. Ceci favoriserait la production de denrées de consommation courante comme le riz, les exportations des mangues ou des melons vers la Grande Bretagne et les autres pays du Commonwealth. La vallée de la Gambie pourrait être l’objet d’importants aménagements et l’arboriculture, déjà bien présente dans le Saloum méridionale et la Casamance pourrait mieux se déployer dans le West coast et le North bank gambien.

Au plan de l’éducation, au-delà de l’harmonisation des caractères utilisés dans les langues nationales, nous devons encourager l’enseignement de ces langues dans nos écoles au moins dans le cycle élémentaire. Mais l’enseignement de l’anglais doit être progressivement introduit dans le cycle élémentaire du Sénégal et cette langue devra devenir la langue officielle de cette union d’états Sénégal/Gambie. Dès maintenant, on doit enseigner l’anglais dans toutes nos écoles de formation professionnelle. Une étude plus approfondie prenant en compte tous les domaines de l’éducation et de la formation professionnelle sera faite pour harmoniser la politique éducative des deux pays et tirer le meilleur profit de leurs expériences.

Au plan sécuritaire, les deux territoires doivent avoir une seule armée mais chaque pays doit avoir sa propre police, sa gendarmerie et ses institutions judiciaires. La sécurité intérieur de chaque pays sera du ressors de ses forces de police et de gendarmerie mais il peut, s’il le désire, solliciter et obtenir l’intervention de l’état frère. Les accords de défense des deux pays devront être acceptés par les deux parlements avant toute ratification. Cette armée commune interviendra dans les théâtres d’intervention si elle est sollicitée par les instances internationales comme l’ONU ou la CEDEAO.

Toute cette organisation va reposer sur une disposition institutionnelle de type nouveau, que les deux états devront mettre en place. Celle-ci sera basée sur la volonté sincère des autorités des deux pays à travailler pour le rapprochement entre les deux peuples. C’est pourquoi nous souhaitons une grande implication des partis politiques sans distinction, de la majorité comme de l’opposition. Pour ma part, je ne propose pas de confédération, encore moins de fédération, mais des rencontres régulières et sérieuses entre les autorités des deux pays, pour le suivi de tous les points d’accord allant dans le sens de la consolidation de leurs relations et l’élaboration de nouveaux projets. Ainsi, le 19 janvier de chaque année, les deux gouvernements se retrouvent alternativement à Dakar et à Banjul pour passer en revue cette coopération. Ces autorités réfléchiront sur le modèle institutionnelle qui devra être mis en place pour accompagner ce chantier.

Ce sont là quelques modestes propositions que je voudrais porter à l’attention des deux populations condamnées à vivre ensemble dans le bonheur comme dans l’adversité.

Babacar Diagne,

Historien, Inspecteur de l’enseignement

Tel : 77 437 66 38 /77 117 90 07

Email : [email protected]

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