L’existence de centres dédiés à l’instruction de la carte nationale d’identité (CNI)/CEDEAO à puce devrait, en principe, mettre fin à la controverse autour de la CONFIRMATION. En effet le citoyen qui souhaite disposer uniquement d’une CNI devra, pour formuler sa demande, se rendre dans les communes urbaines, auprès des commissariats de police ou des brigades de gendarmerie en faisant fonction ou auprès des sous-préfectures s’il est dans les communes rurales.
L’électeur qui, en sus de la demande de délivrance de CNI, souhaite être maintenu dans le fichier électoral avec ou sans changement d’adresse électorale ou qui décide de faire une nouvelle d’inscription, devra se présenter devant l’une des 168 commissions administratives, instituées à cet effet par arrêté de l’autorité administrative dans les Préfectures et Sous-préfecture, auxquelles seront rattachées 300 commissions mobiles qui seront réparties selon les besoins.
Afin de lever les équivoques, il me semble judicieux de clarifier les procédures en permettant aux citoyens sénégalais de distinguer et d’identifier aisément les deux types de commissions : le centre d’instruction de la CNI et la commission administrative (CA).
Si l’électeur opte pour sa radiation des listes électorales, il lui suffira juste de ne pas se présenter devant une CA. Toutefois, il devra obligatoirement, se rapprocher des centres susvisés et traditionnellement dédiés, pour la délivrance de la CNI/CEDEAO à puce électronique multi application.
Ne devront donc se présenter devant une C.A que les citoyens qui veulent être enrôlés sur les listes électorales. Subséquemment, la présence de l’électeur déjà enregistré dans la base de données vaudra confirmation. Ainsi les électeurs qui figurent dans l’actuel fichier devront automatiquement y être maintenus et seront bien prises en compte les demandes éventuelles de modifications et de changement d’adresse électorale prévues à l’article 2 de la loi n°2016-27 du 19 août 2016 portant refonte partielle des listes électorales. C’est dire que les 2 électeurs sur 100 qui migraient annuellement sans se rapprocher d’une CA auront l’opportunité d’actualiser leur adresse électorale. Voilà qui, en plus de la fusion des cartes, permettra d’espérer l’élimination du stock-mort, favorisera une plus grande maîtrise sur l’électorat réel et boostera en conséquence le taux de participation à l’image de la présidentielle de 2007 (70,62 %).
Au terme de la refonte partielle, seront radiés tous les électeurs qui ne se seront pas présentés devant une C.A notamment les 300 000 électeurs décédés durant les dix dernières années qui ont suivi la refonte totale de 2005. La refonte (partielle ou totale) demeure une procédure exceptionnelle de mise à jour du fichier électoral. Par conséquent, l’acception du principe de la refonte par l’ensemble des acteurs du processus a une conséquence logique : c’est la radiation automatique des électeurs qui ne feraient pas partie du noyau dur connu à posteriori.
Cette clarification apporterait assurément une réponse aux suspicions et récriminations de certains acteurs politiques. Sous ce rapport, je continue de croire que les divergences superficielles sur les procédures de la refonte partielle des listes électorales seront dépassées du moment que le cadre légal et réglementaire a été fixé et les opérations lancées officiellement par le chef de l’Etat. Au fond, ce n’est nullement la capacité du système à garantir la fiabilité et la sécurité du fichier qui est remise en cause. Il faut relever que les incompréhensions découlent surtout de la complexité des procédés initiés dans le cadre de la présente révision des listes électorales. Certes, il aura été plus simple d’opérer une refonte totale (annulation de toutes les listes) mais, dans ce cas, il serait difficile d’exploiter la base de données d’un fichier qui juridiquement n’existerait plus. Voilà l’équation qu’on a voulu manifestement résoudre et qui justifierait l’instauration de la CONFIRMATION édictée par l’article 3 de la loi précitée.
Il est vrai que la polémique sur la capacité du système à garantir l’unicité de l’électeur dans la base n’a connu son épilogue qu’en 2011 lorsque la Mission d’Audit indépendant conclut que « les données biométriques étaient authentiques en raison des mécanismes mis en œuvre, que les procédures mises en œuvre dans les différentes phases de la chaîne d’inscription des électeurs garantissent un processus égalitaire pour tous les citoyens, et que les anomalies ou les manquements dans le système ne peuvent être imputés à des fins partisanes ou discriminatoires visant à exclure une catégorie de la population ».[1] Et la seconde alternance politique fut réalisée en toute transparence !
Tournons la page de la contestation sur l’accessoire et focalisons-nous sur le véritable défi, le temps. Avec au total à 468 commissions administratives, si chacune d’elle parvient en moyenne à prendre 50 personnes par jour (hypothèse basse) l’on obtiendra 3.510. 000 électeurs au terme de 150 jours (5 mois). Ce qui est loin du potentiel électoral. Il va falloir que chaque CA enrôle plus de 80 électeurs par jour pour atteindre le niveau du fichier actuel.
Pour rappel, en 2005, le Ministre de l’intérieur avait annoncé la création de 500 Commissions fixes et 200 commissions mobiles pour une population de onze (11) millions d’habitants. Selon les prévisions, six (06) millions de cartes nationales d’identité numérisées (C.N.I.N.) et trois (03) millions de cartes d’électeurs numérisées devaient être confectionnées. Prévue pour une période de six (06) mois, la refonte totale a finalement duré prés de 15 mois à cause des dysfonctionnements entraînant la prorogation à quatre reprises du délai initial. Souvenons-nous qu’entre-temps loi constitutionnelle n° 2006-11 du 20 janvier 2006 prorogeant le mandat des députés élus à l’issue des élections du 29 avril 2001 fut adoptée par voie parlementaire.
Dès lors, il urge de prendre des mesures appropriées pour la réussite des opérations d’enrôlement des électeurs bien avant le dimanche 4 juin 2017 date butoir pour la tenue des élections législatives conformément aux articles L.149 et LO. 150 du code électoral.
1. Les autorités en charge des élections doivent communiquer davantage et sensibiliser sur les procédures et les innovations de la refonte partielle ;
2. Rassurer les acteurs en mettant en place un cadre de concertation et de suivi du processus électoral ;
3. Promouvoir l’implication de l’ensemble des acteurs du processus, notamment les partis politiques et les organisations de la société civile
4. Installer un nombre suffisant de commissions administratives et garantir leur fonctionnalité en temps plein ;
5. Veiller à l’application des recommandations (à long terme) de la MAFE non encore exécutées et relatives à l’examen des fichiers et l’adéquation technologique[2] ;
6. Mobiliser toutes les énergies et les volontés, tel que le recommande la CENA[3], en vue d’une plus grande participation des citoyens aux différentes séquences du processus électoral ;
7. Rationaliser et encadrer la distribution des cartes en particulier celles éditées en vertu de la compétence nationale des CA.
Au surplus et en toute légitimité, les citoyens mineurs ainsi que ceux venant d’atteindre la majorité et qui se présenteront pour la délivrance de la CNI devront être exemptés de la quittance de 10.000 francs CFA même au-delà de la période prévue pour la refonte partielle. Toutefois, celle-ci pourraient être revue à la baisse et exigée des citoyens qui perdront leur cartes et demanderont un duplicata.
Même si la loi 2016-27 dispose en son article 7 que : « Si des élections sont organisés avant la constitution définitive de ce fichier issu de la refonte, celles-ci se tiendront avec l’actuel fichier général des électeurs, mis à jour » ; l’idéal serait d’éviter ce cas de figure qui ne devrait intervenir qu’à titre exceptionnelle en cas d’élection anticipée. Il faudra impérativement empêcher un tel chevauchement dans ce contexte particulier marqué par le renouvellement général couplé des cartes nationales d’identité et d’électeur !
Ma conviction est que la véritable problématique demeure celle formulée en juin dernier à l’entame des travaux de la Commission Technique de Revue du Code électoral (CTRCE) : « … J’ose espérer que notre classe politique parviendra à résoudre l’équation que pose la nécessité de moderniser le système électoral et l’impératif de respecter le calendrier républicain : l’instauration de la carte d’identité biométrique CEDEAO à partir de 2017, la refonte (totale ou partielle) du fichier électoral et l’organisation des élections législatives à date échue… »
Le 25 octobre 2016
Ndiaga SYLLA
[1] Rapport final de la mission d’audit du fichier électoral – février 2011, section principale, résumé p 7.
[2] Rapport général du Comité de Veille – 2012
[3] Rapport sur les élections départementales et municipales du 29 juin 2014, CENA