«Ça dégamme» au sein de l’Orchestre national. Les pensionnaires font face à de nombreuses difficultés d’existence et de fonctionnement. Pour déverser leur ras-le-bol, certains agents flèchent le ministre de la Culture et de la communication, Mbagnick Ndiaye. Pourtant, le directeur de l’Orchestre national, Cheikh Mouhamed Tidiane Diallo, prend leur contre-pied et dédouane la tutelle. En attendant que les choses rentrent dans l’ordre, les retraités eux aussi dénoncent le non-paiement de leur pension.
Cinq mois d’arriérés de salaires pour les agents contractuels et 4 mois pour les vacataires, non-paiement des pensions de retraite après 25 à 30 ans de service (pour 11 agents), salaires obsolètes, absence de prise en charge (allocation familiale, couverture maladie), non titularisation des vacataires depuis de nombreuses années, retards récurrents sur les salaires, matériel vétuste… Ce sont les nombreuses difficultés que soulèvent une partie des agents de l’Orchestre national du Sénégal. Ceux-ci imputent la responsabilité de ces nombreuses difficultés à la tutelle. Pour eux, «le ministre de la Culture ne fait rien depuis qu’il est là pour améliorer les difficultés que rencontre l’Orchestre national. Alors que cet orchestre reste quand même l’un des grands groupes sur le plan de la musique ici au Sénégal». A en croire ces membres de l’Orchestre national venus spontanément poser leur récriminations, «ces nombreuses difficultés ne sont pas inconnues du ministre Mbagnick Ndiaye». «Nous sommes allés le rencontrer et nous lui avons parlé pour que cela s’améliore. Nous lui avons expliqué que l’Orchestre national ne dispose pas de salaire à proprement parler, ni de production ni de promotion et son budget reste toujours un budget de fonctionnement. Ce qui n’est pas normal. Nous ne pouvons plus continuer ainsi», expliquent ces artistes.
Outre les retards récurrents sur les salaires, ils dénoncent également le peu d’intérêt que la tutelle accorde à cette formation musicale. Pour preuve, avancent-ils, «le matériel vétuste de l’Orchestre national qui date de 1998 et qui n’a jamais été renouvelé». Aussi, sont-ils frustrés de «l’absence de l’Orchestre national dans les cérémonies officielles, festivités, soirées de gala ou festivals internationaux au détriment d’autres groupes musicaux», ainsi que le «non avancement des agents». Pour ces agents, malgré leur rencontre avec le ministre Mbagnick Ndiaye au mois d’avril dernier, la visite dans leurs locaux du Conseiller technique N°1, M. Aziz Dieng, au mois de février, la rencontre au mois de mai de la secrétaire du ministre après que le secrétaire général du ministère ait «catégoriquement refusé de les recevoir», il ne savent plus à quel saint se vouer pour remédier à leurs nombreux problèmes. «Nous avons même écrit au président de la République en personne au mois de juillet passé, mais nous ne savons pas toujours s’il a reçu le courrier et quelle suite on réserve à cela pour remettre l’Orchestre national sur un bon pied», confient-ils.
En réalité ces agents contractuels, vacataires et retraités de l’Orchestre national disent être au regret de «porter leurs nombreuses frustrations sur la place publique». «Si nous le faisons aujourd’hui, c’est pour défendre nos intérêts matériels et moraux ainsi que préserver pour une meilleure forme notre outil de travail après 35 ans d’existence», avancent-ils, convaincus tout de même que leur voie de salut reste la tutelle. «Nous ne le faisons pas pour mettre à mal quiconque. Mais nous en parlons dans l’intérêt de faire avancer les choses», insistent-ils. Interpellé sur ces nombreuses plaintes de ses collègues ainsi que leurs jérémiades, le directeur de l’Orchestre national pense que «ceux qui sont venus se plaindre au journal Le Quotidien ont consenti des prêts à la banque et se trouvent dos au mur. Ils sont en difficultés…» Si l’on en croit Cheikh Mouhamed Tidiane Diallo, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. «L’Orchestre national du Sénégal a effectivement de nombreuses difficultés. Mais cela ne date pas de maintenant. C’est bien avant l’arrivée au ministère de Mbagnick Ndiaye», dit-il, se désolant que l’on jette la pierre à la tutelle. «Ces problèmes d’arriérés de salaires datent de 2012. L’Orchestre national a toujours fonctionné sur subvention de l’Etat. Et chaque année, le budget a toujours été ponctionné. Ce budget qui s’élève à hauteur de 52 millions a été plusieurs fois ponctionné suivant les années. En 2012 par exemple, nous avons eu 26 millions, car le budget est viré sur le compte par semestre et nous n’avons pas eu le second semestre. Donc, cela fait qu’à chaque fin d’année, on nous doit toujours environ 6 mois d’arriérés de salaires», explique-t-il.
Cheikh Mouhamed Tidiane Diallo dédouane la tutelle
Cheikh Mouhamed Tidiane Diallo poursuit ses explications, affirmant qu’«en 2013, le même budget ponctionné avait été reconduit. Mais en 2014, l’ancien ministre Abdoul Aziz Mbaye avait consenti des efforts, ramenant le budget de 36 millions à l’époque à 42 millions». «On ne peut donc dire que des efforts ne sont pas faits par la tutelle», relève-t-il. Mieux pour dédouaner la tutelle, le directeur de l’Orchestre national informe qu’à la suite de l’audience que leur a accordée le ministre Mbagnick Ndiaye, «il a été retenu une nouvelle augmentation du budget afin de permettre d’éponger les arriérés dus aux agents de l’orchestre». «Le ministre a donné des instructions afin que le budget soit porté à 62 millions de francs Cfa. Cela nous permettra en 2016 de régulariser la situation et de payer les arriérés», a insisté Tidiane Diallo qui dit avoir eu les confirmations auprès de la Direction de l’administration général et de l’équipement (Dag). Pourquoi alors ses collègues se plaignent-ils encore après que toutes ces mesures soient prisent par le ministre ? «Je leur ai expliqué tout cela. Chaque fois que j’ai des informations, je leur en parle. Ce sont des gens qui refusent de croire», réagit M. Diallo qui mentionne par ailleurs que «le ministre n’est pas resté indifférent ou les bras croisés sur les questions ou difficultés sociales auxquelles sont confrontés les agents de l’Orchestre national». Pour lui, c’est une question de temps. Et il faut savoir prendre son mal en patience. De leur côté, ces collègues «réactionnaires» ne veulent pas entendre la chose de cet oreille. «Pour eux, un salaire reste un dû et la tutelle les a assez condamnés à la précarité.» Leur coup de gueule trouvera-t-il un écho favorable aux allés Papa Guèye Fall au 11e et 12e étages où loge désormais le ministère de la Culture et de la communication ? Affaire à suivre.
Le Quotidien
ILS SONT TOUJOURS VIVANTS?