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Semences de qualité et intrants en quantité, premiers leviers pour l’augmentation de toute production agricole, surtout celle de l’arachide, l’or du Sénégal Par Pr Demba SOW

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La production arachidière de 2015 était estimée à 1.121.400 tonnes environ. Selon le Ministre de l’Agriculture, cette estimation a été largement dépassée puisque la production d’arachide en 2015 a atteint 1 670 000 tonnes. Beaucoup d’observateurs et de spécialistes de l’agriculture ont des réserves sur cette production record d’arachide. En parcourant la presse nationale et étrangère, on peut trouver d’autres chiffres qui contredisent les 1 670 000 tonnes d’arachide. Ainsi, selon Jeune Afrique, citant un haut responsable du Ministère de l’Agriculture, la production finale d’arachide en 2015 devrait se situer autour de 1 050 040 tonnes

Ceux qui ont des doutes sur la production record d’arachide de 1 670 000 tonnes se basent sur un certain nombre de faits avérés :

  • Les semences distribuées aux paysans en 2015 étaient de mauvaise qualité de l’avais général des paysans et des observateurs :
  • Une mauvaise germination des agraines a été constatée dans le bassin arachidier pendant l’hivernage 2015 ;
  • Les surfaces emblavées pour l’arachide baissent régulièrement au Sénégal depuis quelques années suite aux nombreux bons impayés et au système carreau-usine qui a déstabilisé la filière arachidière ;
  • La plupart des producteurs d’arachide n’ont pas eu accès à l’engrais à cause du système de distribution qui favorisent les commerçants et les grands producteurs ;
  • La forte pluviométrie de 2015 a provoqué un envahissement des champs par des herbes sauvages malgré l’abnégation des paysans. Dans certaines localités, l’ensoleillement a été insuffisant à cause des nombreuses pluies successives ;
  • Une quantité importante des semences subventionnées est détournée dans le circuit de consommation : beurre d’arachide, thiaf, noflaye.

Dans ces conditions, des productions record d’arachide peuvent paraître irréalistes et irréalisables.

Les semences distribuées actuellement dans les communes sont de meilleure qualité que celle de 2015 de l’avis majoritaire des paysans bénéficiaires. Il y a cependant des communes où les semences sont de mauvaise qualité.

On ne le dira jamais assez, tant que les semences ne seront pas maitrisées en termes de qualité et de mise à disposition effective aux paysans, on pourra difficilement atteindre des productions d’arachide dépassant le million de tonne l’année. Tant que l’essentiel des semences sera prélevé dans les stocks des graines d’huilerie et que la distribution des graines continue avec la même procédure, il n’est pas prudent de faire des pronostics de production record d’arachide.

L’arachide est une culture à la fois de rente, vivrière et fourragère. Plus de 35% des paysans sénégalais pratiquent la culture de l’arachide. Les 13 000 des 14 000 villages du Sénégal font de l’arachide, l’or du Sénégal. Les pouvoirs publics l’ont très bien compris. C’est pour cette raison que des moyens colossaux sont mobilisés chaque année pour soutenir la première activité agricole du Sénégal. Les semences et divers intrants agricoles sont subventionnés à coup de milliards.

Pour la campagne agricole 2016-2017, des commissions de distribution sont mises en place actuellement dans les différentes communes du Sénégal. Dans la plupart des lieux de distribution, des commerçants sont à l’affut pour acheter les graines des paysans qui n’ont pas les moyens de payer leurs dotations, moyennant un intéressement dérisoire. Ce n’est pas un secret, la subvention des semences contribue à enrichir des commerçants déjà riches. L’essentiel des graines achetées par les commerçants est transformé en beurre d’arachide et vendu à Dakar ou ailleurs. Ces graines, soustraites au tonnage de semences subventionné par l’Etat, vont contribuer à baisser la production annuelle potentielle d’arachide. Une autre raison qui ne favorise pas une production record d’arachide.

Les paysans qui ont pris leur dotation de semences en 2016 se plaignent de la faible quantité reçue. Les quantités distribuées par personne varient selon les communes pour des raisons que les paysans ignorent (25 à 28 kg par personne). Les arachiculteurs constatent pour le déplorer que beaucoup de graines sont distribuées à de grands producteurs dans des conditions qu’ils ignorent.

La distribution des intrants se fait avec la même procédure que celle des semences. Ce sont des commerçants qui achètent l’essentiel de l’engrais subventionnés pour le revendre aux prix forts. Le paysan ordinaire n’a pas en général les moyens d’acheter de l’engrais, même subventionné. Ainsi, beaucoup d’arachiculteurs n’ont pas accès à l’engrais et auront par conséquent des rendements très faibles. Une raison supplémentaire qui ne favorise pas une production record d’arachide.

L’Etat du Sénégal soutient fortement la filière arachidière. Des moyens colossaux sont dégagés pour appuyer les paysans mais, à l’arrivée, c’est d’autres qui en profitent plus

L’audit de l’appui de l’Etat à la filière arachidière s’impose pour une meilleure utilisation des fonds publics conformément à la volonté du Chef de l’Etat. Une rupture est nécessaire pour que les semences et intrants agricoles fortement subventionnés avec l’argent public arrivent effectivement aux paysans.

Au-delà de l’autoévaluation des commissions de distribution au niveau communal, il devrait être obligatoire qu’un corps indépendant audite la distribution des semences et intrants agricoles à la fin de chaque campagne. Il y a trop de gaspillage des fonds publics et de parasites dans les seccos. Les paysans sont impuissants face à certaines pratiques que les autorités ne soupçonnent pas, surtout quand ils entendent à travers les médias, l’autosatisfaction de certains responsables nationaux et locaux.

La commission nationale qui supervise les commissions communales doit également être auditée par une structure externe. Un terme doit être mis à l’autoévaluation interne qui se conclut toujours par l’autosatisfaction, l’autoglorification intempestive qui rassurent faussement les autorités. Les fonds publics colossaux mobilisés pour soutenir la filaire arachidière doivent être gérés de manière vertueuse, conformément au choix de gouvernance du Président de la République.

Les moyens mobilisés chaque année doivent impacter la production d’arachide et le revenu des paysans. A cette fin, il faudra réformer les commissions de distribution. Les présidents de ces commissions devraient prêter serment comme les présidents de CEDA (CENA). Le montant des fonds publics gérés par les commissions justifient cette proposition.

Dans le cadre de la distribution des semences et des intrants agricoles, l’Etat gagnerait à travailler davantage avec le CNCR et ses démembrements, ENDA, ANCAR et les organisations professionnelles des paysans selon leur représentativité. Il serait envisageable la création d’une Agence Nationale de Distribution des Semences et Intrants Agricoles au paysans (ANDSI).

Pour atteindre des productions record d’arachide au Sénégal, il faut impérativement :

  • Des semences de qualité et à temps ;
  • De l’eau à temps et suffisamment ;
  • Des intrants en quantité et à temps.

Il s’agit d’une chaise à trois pieds (trépied), chaque pied étant indispensable. Pour une production record d’arachide, les différends élément du trépied doivent être optimums.

Le Ministère de l’Agriculture est sur la bonne voie pour résoudre l’équation complexe des semences. Il devrait toutefois veiller à une plus grande sincérité des statistiques agricoles. Plus les chiffres annoncés collent à la réalité, plus le gouvernement a à sa disposition des informations fiables et crédibles lui permettant d’ajuster sa politique agricole si c’est nécessaire.

Le Ministre de l’Agriculture a entre ses mains tous les atouts et outils pour relancer la filière arachidière et de façon générale, l’agriculture sénégalaise :

  • Volonté politique exprimée dans le PSE ;
  • Des moyens colossaux mis à sa disposition par l’Etat et les partenaires ;
  • Une structure de recherche à sa disposition (ISRA) :
  • Un nombre d’ingénieurs agronomes impressionnant et d’autres cadres hyper compétents et engagés à sa disposition ;
  • Des organisations paysannes qui travaillent pour une agriculture émergente ;
  • Des agences de développement qui encadrent avec satisfaction les paysans (SAED, SODAGRI, SODEFIDEX, ANCAR,…) ;
  • Une industrie agroalimentaire qui tire la production agricole ;
  • …..

L’environnement actuel est très favorable pour l’atteinte des différentes autosuffisances visées par l’Etat du Sénégal dans le cadre du PSE. Le seul facteur limitant actuellement est d’ordre managérial.

Pr Demba Sow

Ecole Supérieure Polytechnique UCAD

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