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Sénégal: L’âge sombre d’un pays… Adama Gaye!!! (Par Idrissa Fall Cissé)

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Ce matin, l’effroyable souffrance des sénégalais. Dans l’histoire post-indépendance du pays, de près de 60 ans, rarement la vie n’a paru aussi dure, invivable, intenable, qu’en ces temps d’une crise si multiforme et profonde qu’elle met le citoyen ordinaire dans une angoisse permanente sans limites. Les familles sont devenues un espace inclément où triomphent misère et pauvreté, tiraillements et absence de relations cordiales alors que la communication interpersonnelle est réduite au strict minimum.

Le temps où l’on partageait bol de riz et rêves ou douleurs, joies et peines, en mutualisant les réponses, dans des liens societaux puissants, relève de la préhistoire. Il fait froid au Sénégalie…D’un froid pesant, glacial, au point de réduire les uns et les autres à des vies autarciques, recroquevillées, en solitaire. Avec qui parler, rire, se libérer? Difficile de se dire que la société humaine n’est plus celle du roseau pensant et parlant. Chacun, en son coin ou réduit beffroi, grommelle, maugrée, s’auto-parle. Comme dans un asile psychiatrique, à ciel ouvert !

Surpris et frappé de plein fouet par les pénuries et l’indigence, le sénégalais en a perdu sa légendaire joie de vivre. Même les exploits des footballeurs du pays (…et les grands événements de lutte) ne le tirent plus de sa torpeur. Il a la tête ailleurs. Il souffre. Ses habits sont défroqués. Ce n’est plus l’individu amateur des belles fringues de naguère. Il s’habille désormais en fripes ou chez le chinois -à moindre qualité et prix. Ses yeux implorent. C’est à peine s’il se retient de tendre la main, en mendiant masqué. Sur les 16 millions d’entre-nous, ceux qui se réveillent, ce matin, avec un boulot se comptent. Leurs salaires ne sont pas assurés, nombre de projets et sociétés étant à l’arrêt; les investisseurs, prudents, restent dans une angoissante expectative; et, secouée par une crise majeure sur ses hydrocarbures, son foncier et ses finances publiques, la nation n’a presque plus rien à lui offrir.

Dans les rues, c’est un autre homo-senegalensis qui se donne a voir. Yeux livides, il semble errer. Il n’a plus rien à voir avec celui, altier et fier, sans être riche, que de belles plumes, de Senghor à Aminata Sow-Fall, savaient si bien décrire. Sa jovialité n’inspire plus le plus sagace des auteurs.

D’anciens dignes fonctionnaires, à la retraite, des mères de familles, prises de honte, des villageois, citadins, pères de famille de toutes extractions sociales circulent, sans but, pour tenter de se faire offrir, en aumône, subrepticement, de quoi sauver l’honneur et remplir, à domicile, les ventres rugissant de creux. Cafés et restaurants sont désertés par le peuple. Hier, il aimait s’y faire voir. Il n’ose plus. La pression sociale l’étrangle davantage: prendre le bus ou ne pas être en mesure de sacrifier aux cérémonies de baptême ou décès coûteux le déshumanise chaque jour plus. Il en devient fuyant -forcément plus solitaire et malheureux!

Les attaques cardiaques font des ravages. Malades, combien de sénégalais craignent-ils plus la vue des factures à honorer pour obtenir les bons médicaments ou accéder aux rares, branlantes, structures sanitaires? Beaucoup vivent avec leur mal, dans l’attente d’une lente, et d’autant plus terrifiante, mort. C’est le seul leg de la vertu sénégalaise de la persévérance. Les autres valeurs de solidarité, générosité, respect de l’autre et de l’inter-générationnel partage, les valeurs d’honneur et de retenue ne sont plus que de vagues souvenirs. C’est un peuple et son pays qui sont brutalement saisis dans une violente, disruptive tourmente. Tous ou presque, en dehors d’un cercle de pilleurs, savent de quoi leurs jours sont faits. Se démener pour tirer le diable invisible par la queue prend le dessus sur les nombreuses autres urgences. Le citoyen est frappé d’une extranéité qui ne dit pas son nom.

En face de lui, froid, cynique, impotent, bavard sur sa promesse d’une émergence économique arlequin, l’Etat-nation est aux abonnés-absents. Plus que jamais, c’est une fiction. Qui règne sur un vide, un tas de ruines!

Le chômage illimité. Les divorces et dissensions dans la société, répétitifs. Le capital social bazardé. Les ressources naturelles piratées. Des tensions ethniques ou religieuses, hier inexistantes, se manifestent. Des institutions étatiques, telles que le CESE, le HCCT, le Parlement, le Gouvernement, le CNRA, la CENA et tant d’autres bidouilles institutions, vivent, elles, sur un grand pied. Voitures rutilantes, dépenses somptuaires, gâchis en tout. Les priorités sont massacrées. L’espoir, pour le commun des citoyens, est rare. Les pilleurs, sur-factureurs, alliés avec les forces nocives, du patronat aux syndicats de travailleurs, de la presse aux religieux, s’en donnent à cœur joie. L’Etat, déconstructeur, non-stratège ni développementaliste, leur facilite la tâche. Il mène la danse !

Au final, le résultat se passe de commentaires, il se résume en un mot, le désespoir, plus que jamais le nouveau nom du quotidien national.

En 2019, le Sénégal vit donc le plus saisissant paradoxe qui soit. Ses malheurs détonnent. Ce, alors que tout le prédispose à entrer dans le cercle des pays épanouis. Ses capacités sont visibles, immenses: découvertes de pétrole et gaz, talents de nos footballeurs, atouts géopolitiques et économiques ou encore regain d’intérêt vers la poche de croissance qu’il projette, avec d’autres sur le continent africain, sans oublier son label démocratique, longtemps son principal avantage comparatif, en même temps que l’exceptionnelle brilliance de ses ressources et valeurs humaines.

Mais aujourd’hui, les sénégalais souffrent. Pour une principale raison: le pacte national est rompu, détourné de son sens originel, privatisé par quelques égoïstes qui étaient plutôt censés le fructifier. La mal-gouvernance est le premier goulot d’étranglement du pays. Qui raté une chance unique de monter en gammes. En cela, les forfaits de Macky SALL, ceux de son entourage, familial et politique, sont de l’ordre du crime contre l’humanité…sénégalaise. Voir son frère jouer avec la détresse d’un tel peuple, sous l’œil goguenard de son aîné de frère, voilà pourquoi, plus que tout, la souffrance, matérielle et morale, tue, à petits feux, un peuple désormais n’ayant plus la force de vivre dans la joie. Beaucoup en arrivent à repenser au grand large au moment précis où les vannes du ciel et les entrailles maritimes et terrestres signalent la possibilité d’une perspective autre.

Hélas !

LIBÉREZADAMAGAYE

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