Université : Une thèse sur les Tirailleurs Sénégalais soutenue à Paris

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L’étudiant Amadou Ba d’origine sénégalaise a soutenu le mercredi 29 septembre 2010 une thèse de doctorat en histoire sur le sujet : « Des Sénégalais » à Madagascar, militaires ouest-africains dans la conquête et la colonisation de la Grande Île 1895-1960.

Spécialisé en histoire coloniale et contemporaine de l’Afrique, M. BA a fait ses études universitaires à Dakar (UCAD), puis à l’université Paris VII (Denis Diderot). Il a choisi de faire des recherches sur les militaires africains de l’armée française pendant les guerres d’expéditions coloniales (fin XIXe- début XXe siècle) et plus précisément sur les soldats recrutés en AOF (Afrique Occidentale Française) pour conquérir et pacifier Madagascar.

En effet, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, pour retrouver une partie de sa grandeur perdue pendant les guerres napoléoniennes et surtout après sa défaite humiliante contre la Prusse en 1870, la France reprit sa politique de colonisation en Afrique et dans l’océan Indien. En mars 1895, une expédition lancée contre la Grande Île aboutit à la prise d’Antananarivo en septembre de la même année.

Parmi les troupes envoyées dans ce pays, les originaires de l’Afrique Occidentale Française, généralement connues sous le nom de « tirailleurs sénégalais » bien que la plupart n’aient pas été originaires de la colonie du Sénégal elle-même mais d’autres territoires ont tenu une place importante. Après avoir été utilisées comme éléments de conquête et de « pacification », les recrues de l’Afrique occidentale française (A.O.F) furent maintenues dans cette colonie de l’océan Indien du Sud-Ouest comme force d’occupation puis reconvertis dans la police.

En 1947, une violente insurrection éclata dans la partie est de Madagascar. Pour réprimer ce soulèvement, la France envoya à nouveau des bataillons de tirailleurs sénégalais à partir de sa base de Djibouti, mais aussi de la France. Une partie des ces nouveaux venus fut également maintenus dans la Grande Île en réintégrant notamment la police.

La thèse d’Amadou Ba qui s’étale sur une période assez longue se présente en trois parties. Dans la première partie, il aborde les principales raisons qui ont poussé la France à se tourner vers l’Afrique de l’Ouest pour y recruter des hommes et les envoyer dans une région très loin de chez eux, alors que les autorités coloniales françaises auraient pu trouver d’autres soldats dans les colonies de l’océan Indien ou de la corne de l’Afrique. Il analyse également les stratégies et méthodes mises en place pour attirer les jeunes africains dans l’armée coloniale et explique aussi pourquoi les Africains de leur côté n’hésitaient à s’enrôler dans les rangs de tirailleurs.

Dans la deuxième partie, Mr Ba analyse les différentes fonctions des troupes africaines dans la conquête et la « pacification » et surtout comme éléments de répression de toutes les velléités de conquête depuis l’insurrection des menalamba en 1896 jusqu’à celle de 1947, mais aussi les missions et les tâches qu’on leur faisait faire pendant et après la conquête qui sont souvent différentes de leur métier de soldats (conducteurs, main d’œuvre, gardiens de prisons, etc.) :

Enfin dans la dernière partie, il traite des Africains restés à Madagascar : leur devenir après la vie de soldats, leur intégration dans la société locale ainsi que celle de leurs descendants connus sous le nom de Senegaly, ou Sônagaly (malgachisation de Sénégal) considéré comme des Africains dans la plupart des cas. Il aborde aussi la question de la stigmatisation et les différentes formes d’intégration des Africains et leurs descendants. Cette partie se termine sur la diplomatie, c’est-à-dire le rôle de médiation de l’État du Sénégal dans la crise malgache de 2001-2002.

Les recherches d’Amadou Ba s’inscrivent dans le rapprochement entre ces deux aires géographiques éloignées mais unies par la même histoire à travers la France et posent aussi un débat : En effet, selon A. Ba les Africains doivent étudier et connaître leur continent surtout à leur où l’intégration de celui-ci est dans toutes les lèvres. Combien de fois m’a-t-on posé la question suivante souligne t-il : Mais pourquoi voulez-vous vous spécialiser sur Madagascar, c’est loin de chez vous ?

Comme si les Africains étaient condamnés à ne travailler que sur leurs régions d’origine ou leur propre pays. Pourtant, il n’y a rien d’anormal à ce qu’un Français, une Canadienne, un Britannique ou une Chinoise se spécialise sur le Sénégal, la Colombie ou Sri Lanka, cela ne choque personne. Pour A. Ba le moment est venu donc pour les chercheurs africains de s’investir davantage sur l’histoire des différents pays du contient, mais aussi sur d’autres aires géographiques.

Pour retracer cette histoire qui lie la France et ses anciennes colonies de l’Afrique de l’Ouest et de l’Océan Indien, Amadou Ba a recouru à diverses sources. Il a utilisé des sources archivistiques (archives de Vincennes et Aix-en-Provence en France, Archives nationales du Sénégal et Archives de la République de Madagascar), des documents iconographiques et films, des enquêtes de terrain réalisés à Madagascar en 2006, au Sénégal (2006 et 2008) et en France) mais surtout des ouvrages et revues sur l’histoire de tirailleurs sénégalais, l’histoire militaire de la France pendant la période coloniale et celle de Madagascar.

Amadou Ba a réussi à reconstituer une histoire peu connue et négligée par les chercheurs et dont la France se soucie peu. Il a obtenu la mention Très Honorable.

NB : Amadou Ba est également titulaire d’une maîtrise en Sciences Politiques (option politique africaine) obtenue en 2006 à l’Université Paris Panthéon la Sorbonne.

Publications d’Amadou Ba :

* Des colonisés au service d’État colonial : quand les Tirailleurs Sénégalais agissent à Madagascar au nom de la France, Cahiers d’Histoire de l’Université de Montréal (Québec, Canada), Volume XXVIII, n°2, Hiver 2010.
* Les représentations du Sénégalais à Madagascar, in N. Dodille, (dir), Idées et représentations coloniales dans l’océan Indien, Paris, PUPS, 2009, pp. 419-436.
* Les ‘Sénégalais’ comme éléments de répression à Madagascar, in C. Jabeur-Chanson, (dir), Colonisations et répressions, Colloque organisé par le laboratoire SEDET de Paris VII du 15 au 17 novembre 2007
* Premiers jalons pour une histoire de tirailleurs sénégalais à Madagascar, in D. Nativel et F. Rajaonah, (dir), Madagascar et l’Afrique : Entre insularité et appartenances historiques, Paris, Karthala, 2007
* Les Ouest-Africains dans l’armée coloniale française de Madagascar de 1895 à 1960, Mémoire de DEA, Université Paris VII (Denis-Diderot), 2005.
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