Succession, demande sociale, locales du 22 mars, présidentielle de 2012, Monument de la Renaissance, terrains de l’aéroport… Wade a abordé tous ces points lors de l’enregistrement d’une interview-portrait avec le journaliste Alain Léauthier de l’hebdomadaire français « Marianne ». En attendant sa parution, L’As livre la quintessence des positions défendues par le Président, qui s’est braqué par moment, comme lorsque le journaliste l’a questionné sur la « véracité » de sa candidature en 2012.
La communication tous azimuts semble être de mise à la Présidence depuis quelques jours. Après El Pais, El Mundo, Euronews, Deutsch Well, Afrique Magazine, Wade a reçu en audience la semaine dernière Alain Léauthier, journaliste à l’hebdomadaire français « Marianne ». Le journaliste a enregistré avec le chef de l’Etat une interview-portrait qui devrait paraître dans les prochains jours. Plusieurs sujets ont été abordés dans cet entretien au cours duquel il est arrivé que le Président se braque. Il fallait s’y attendre, puisque le même journaliste avait récemment publié un article au vitriol contre Wade et le Monument de la Renaissance.
« C’est le peuple qui va choisir mon successeur. Je ne ferai pas comme Senghor »
Revenant sur les indépendances, Me Wade n’a pas été tendre avec la France. Surtout que, selon lui, les « Français ont été les premiers à fausser le jeu démocratique en Afrique ». Pour le président de la République, en effet, aux lendemains des indépendances, les Français n’ont fait qu’installer leurs amis, au lieu d’organiser des élections libres et transparentes. Par ailleurs, le journaliste français a interpellé Wade sur les informations faisant état de sa volonté supposée de « léguer » le pouvoir à son fils, Karim Wade. « Je ne ferai jamais comme Senghor », a répondu Me Wade, non sans indiquer qu’il est un « démocrate » et qu’il n’usera « jamais » de l’article 35 qui a servi à installer Abdou Diouf. Avant d’ajouter : « je tiens à organiser des élections libres et démocratiques, et c’est le peuple qui va choisir mon successeur ».
« Ma popularité perdue ? Sortons tout de suite, vous verrez »
Très pugnace, le journaliste a interpellé le chef de l’Etat sur la prochaine présidentielle : « Avez-vous peur pour 2012 ? » Wade : « Peur de quoi ? Etes-vous au courant de la situation ? Allez interviewer les autres et venez me voir après ». Le pape du Sopi d’indiquer, que si le 22 mars 2009 avait été une élection présidentielle, il l’aurait remportée face à ses adversaires. Pour lui, « c’est le Pds qui a battu le Pds », et non l’opposition. Mais une question a braqué le Président. En effet, le journaliste l’a interrogé sur « sa perte de popularité ». Toutes griffes dehors, Wade a riposté à sa manière : « On sort tout de suite et on verra ». Enfin, Alain Léauthier, égal à lui-même, a demandé à Wade si…sa candidature était sérieuse. « Vous m’avez une seule fois vu jouer avec une élection ? », a répondu Wade.
« Certains pensaient que mes projets étaient des rêves »
Le journaliste français a aussi interpellé Wade sur la « forte demande sociale ». Même s’il reconnaît que tout n’est pas rose, Me Wade a affirmé que même en France ou aux Usa, il existe toujours un « minimum de mécontentement ». Cela dit, le patron des libéraux explique que lui et son gouvernement travaillent pour améliorer les conditions de vie des populations. Citant certains de ses projets, il indique que, quand il en parlait, il y en avait qui croyait que c’était utopique. Trouvant que ces rêves sont aujourd’hui une réalité, il a cité en guise d’exemple l’aéroport Blaise Diagne et l’Autoroute à péage.
Mbakiou Faye, les terrains de l’aéroport, les religieux et le Monument
Le Monument de la renaissance a aussi occupé une bonne place dans l’entretien. D’abord, Wade a été interpellé sur les critiques formulées par certains religieux sur l’œuvre. Il fait remarquer que ce débat s’est estompé. Quid du coût du Monument ? Le Président précise que le projet n’a coûté aucun sou à l’Etat du Sénégal. Comme pour prendre la défense de l’homme d’affaires Mbakiou Faye, il a indiqué ne pas comprendre certaines critiques, puisque les terrains de l’aéroport existaient déjà sous le régime Ps, mais que celui-ci n’a rien fait sur le site. Le Président de révéler que, quand il avait indiqué aux Coréens ne pas disposer d’argent avant ensuite de leur proposer ce « principe qui existe dans le code des obligations civiles français », ces derniers avaient refusé dans un premier temps, avant d’accepter. Après avoir expliqué le principe de la rente foncière, Me Wade a ajouté que le « promoteur », c’est-à-dire Mbakiou Faye, est libre de vendre les terrains au prix qu’il veut.
« Pourquoi des Coréens et non des Sénégalais »
Le journaliste, qui tenait à y voir plus clair, a demandé au Président pourquoi la construction du Monument a été confiée à des Coréens et non à des Sénégalais. Pour Wade, ceux qui se posent cette question ignorent l’historique du Monument de la renaissance. Il explique que, quand il a eu l’idée, il a consulté le musée Rhodin de France, où il connaissait un « monsieur » capable de réaliser le projet. Mais ce dernier n’était plus dans la société à qui il a néanmoins confié sa volonté de construire une statue, qui allait faire 50 mètres de haut. Le musée lui a dit qu’il ne pouvait pas le réaliser, avant de le mettre en contact avec un Hongrois, mais, selon lui, ce dernier ne pouvait pas réaliser une statue de plus de 5 mètres de haut. Et partout où il a demandé, on lui a indiqué que seuls les Coréens en sont capables. Le journaliste lui demande pourquoi il n’a pas confié le projet au sculpteur sénégalais, Ousmane Sow. Wade rétorque que les « géants » de ce dernier ne dépassent pas trois mètres, avant d’expliquer que ce travail est fait à la main.
« La Tour Eiffel ? Pour certains des morceaux de fer entreposés »
N’empêche, Léauthier de revenir à la charge et d’interpeller le Président sur certaines critiques qui disent que le Monument est « hideux ». Wade rappelle que les questions de goût et de couleur ne se discutent pas et explique, comme pour égratigner le journaliste, que les Africains, qui ont vécu trois siècles d’esclavage et deux siècles de colonisation, eux « sentent » le Monument. Le Président sort ensuite de ses gonds et demande si la Tour Eiffel est belle. Car, selon lui, certains l’assimilent à des morceaux de fer entreposés sans aucune forme, esthétiquement parlant. Sacré Wade !
Cheikh Mbacké GUISSE
lasquotidien.com