xalimasn.com-Heureusement qu’il aura resté un brin de sagesse à nos dirigeants. Ils ont voulu mener leur forfaiture à bout et faire ingurgiter au peuple leur indigeste salade avant d’avoir finalement cet éclair de lucidité qui leur a fait reculer. In extremis, ils ont eu la clairvoyance d’esprit de retirer ce fameux projet de loi sur la vice-présidence qui a mis à feu et à sang toute la journée d’hier et qui aurait pu mener au pire.
Certes, Wade et les libéraux ne l’ont pas fait de gaieté de cœur. Ils l’ont fait contraints et forcés parce que le peuple, justement, a su dire « non ». Non au coup de force constitutionnel ! Non à la Duvaliérisation ou Eyadémisation du pays ! Non au changement unilatéral des règles du jeu à huit mois de la prochaine présidentielle ! Non au tripatouillage continu de la Loi fondamentale ! Aux cris de « Touche pas à ma Constitution », la voix du peuple a été donc assez forte pour être entendue par le pouvoir de Wade. Certains ont même vite fait de comparer ce qui s’est passé hier à la Place Soweto, à plusieurs endroits de la capitale et dans les régions et le vent de changement qui souffla dans le pays en 2000. En vérité, ce n’est pas tout à fait la même chose. Car, en 2000, ce fut la victoire des politiques. Ils avaient été nombreux à taire leurs ambitions, à faire bloc autour du candidat Wade et à trouver, enfin, la parade pour faire tomber l’ogre. Or donc, ce qui s’est passé hier est pratiquement le seul fait du peuple. La seule victoire du peuple qui s’est dressé comme un seul homme pour parer à cette énième tripatouillage qu’a voulu s’autoriser le très autoritaire Wade.
Il est vrai qu’avec toutes les hérésies et hardiesses constitutionnelles qu’il s’est permis en onze ans de magistère, il avait peut-être fini par croire comme jadis François Tombalbaye au Tchad que le peuple sénégalais n’était qu’un « ramassis de ruminants ». Rien moins que des moutons de panurge juste bons à le suivre dans toutes ses lubies. C’est pourtant connu : quand on se dit toujours qu’on a affaire à un chat et qu’on l’accule jusqu’à un cul de sac, il se transforme en lion. Mais cela, Wade ne l’a pas compris. Pas plus qu’il n’a pas compris qu’on est loin des années 80 où, comme disait l’ancien Premier ministre de Mitterrand, Simone Veil, « le gramme l’emportait toujours sur le kilo sur la balance sociale ». Et que le plus petit nombre, fort de sa position dominante, imposait toujours ses vues et ses desiderata au plus grand nombre. Le monde a changé. Le peuple sénégalais aussi, lui qui, on l’a souvent dit et répété, est même en avance sur sa classe politique. Les Sénégalais l’ont déjà prouvé en 2000 quand il leur avait fallu un jour pour détrôner un régime vieux de 40 ans avant de se retrouver tranquillement au travail le lendemain. Ils ont remis ça en février 2007 quand face à une opposition divisée et perdue par ses atermoiements, ils ont préféré poursuivre le bail avec Wade plutôt que de se laisser aller à l’aventure avec des opposants qui ne leur avait guère facilité le choix. Puis, aux locales de mars 2009, ils ont sanctionné Wade pour l’abus qu’il faisait de son trop-plein de pouvoirs et adoubé l’opposition pour la dynamique unitaire enclenchée depuis la tenue des Assises nationales en mars 2008.
Pourvu que Wade et même toute la classe politique sachent enfin en tirer les bonnes leçons. Le petit peuple est manifestement grand. Il a suffisamment fait la preuve de sa maturité et ne se laissera plus voler sa souveraineté. Que les juges aussi le sachent, eux qui sont appelés à arbitrer prochainement le jeu politique. Car « rien ne sera plus comme avant », a sûrement voulu dire ce peuple-là à travers tout sa détermination. Wade l’a en tout cas appris à ses dépens, lui qui a voulu réduire le prochain scrutin à un seul tour avant de se voir imposer de faire demi-tour par les citoyens-électeurs. N’est-ce pas que la voix du peuple est donc celle qui prime. Et sa loi, la meilleure.
Momar DIONGUE rédacteur en chef de Nouvel Horizon
