Un exceptionnel orateur peut masquer une oratrice exceptionnelle. Les délégués démocrates ont pu en avoir la conviction lundi soir 25 juillet, lorsque Michelle Obama a quitté la tribune de la convention d’investiture rassemblée à Philadelphie (Pennsylvanie), deux jours avant que son mari vienne mettre son verbe au service de la future candidate démocrate, Hillary Clinton.
La First lady partageait la soirée avec trois élus passés maîtres dans l’art d’enflammer les foules. Elle avait été programmée après le fougueux sénateur afro-américain du New Jersey Cory Booker, avant la passionaria de la gauche démocrate Elizabeth Warren, et surtout avant le rival malheureux de Mme Clinton, Bernie Sanders, venu prendre congé de supporteurs enfiévrés au terme d’une campagne haletante.
Les contraintes attachées à son statut empêchaient Michelle Obama de jouer sur tous les registres oratoires, mais elle a pourtant su s’en affranchir pour prononcer le plus talentueux plaidoyer de la soirée pour Mme Clinton. La First lady est partie de son saisissement lorsque pour la première fois ses deux filles ont quitté la Maison Blanche pour leur école sous l’étroite surveillance du Secret Service. « Je me suis dit : ‘qu’avons-nous fait !’ J’ai pensé que notre passage à la Maison Blanche constituerait le socle de ce qu’elle deviendraient et que la manière dont nous allions le gérer ferait qu’elles se construiraient, ou qu’elles se briseraient. »
Le récit de cette quête universelle d’exemplarité lui a permis d’attaquer le candidat républicain, Donald Trump, sans jamais le nommer. « Nous les avons exhortées à ignorer ceux qui remettent en question la citoyenneté ou la foi de leur père. Nous leur avons répété que les mots haineux prononcés par des personnalités à la télévision ne représente pas ce pays, expliqué que lorsque quelqu’un est cruel ou agit comme une brute, on ne s’abaisse pas à son niveau. »
« Quand je pense à un président pour mes filles et pour tous nos enfants, voilà ce que je veux : quelqu’un qui sait ce que représente cette charge et qui la prend au sérieux. Quelqu’un qui comprend que les problèmes de notre nation ne sont pas noir ou blanc. Qu’on ne peut pas les expédier en 140 caractères [comme un micromessage sur Twitter]. Que quand vous avez les codes nucléaires à votre disposition et les militaires sous vos ordres (…), vous ne pouvez pas vous permettre d’être susceptible, ou d’avoir tendance à vous emporter. »
Mme Obama a ensuite décliné les qualités prêtées à Mme Clinton, parvenant par son talent à neutraliser ceux qui en avaient jusqu’alors accueilli chaque mention par des huées. « Grâce à Hillary Clinton, mes filles et tous nos fils et nos filles savent qu’une femme peut être élue présidente des Etats-Unis. Ne laissez personne vous dire que ce pays n’est pas grand, qu’il faudrait lui rendre sa grandeur. Car aujourd’hui, ce pays est le plus grand de la Terre », a-t-elle poursuivi, avant de sonner la mobilisation du camp démocrate.
« Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et espérer que tout aille au mieux. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être las, frustré ou cynique », a conclu Mme Obama en invitant son public à « frapper à toutes les portes », et à dépenser « toute son énergie » pour faire élire l’ancienne rivale de son mari.
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