A quel Wade se fier ? Par Madior Fall

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Depuis dix ans qu’il est à la tête de l’Etat, Abdoulaye Wade a habitué les Sénégalais à ces métamorphoses quasi quotidiennes de leur président. Pour autant, ils n’en sont pas encore blasés, tant l’homme est d’humeur changeante et de mouvante préoccupation. Vert le matin, jaune l’après-midi, rouge le soir et vice-versa ? Nature profonde ou souci de dérouter son monde ? Un mélange des deux ? Bien malin celui qui saurait trancher la question.

En l’espace de quelques heures, du week-end pendant le week-end dernier, nous avons eu droit à plusieurs Wade, en ce temps de triple célébration : les cinquante ans de souveraineté nationale, la traditionnelle fête de l’indépendance et le dévoilement-inauguration de son Monument de la Renaissance de l’Afrique.

Celui qui se veut le gardien de la force et l’identité remarquables sénégalaises qu’est la démocratie a autorisé finalement la marche organisée par la coalition Benno Siggil Senegal qui s’opposait à l’inauguration du Monument, prévue l’après-midi en présence de plusieurs chefs d’Etats africains et hôtes étrangers ayant fait le déplacement pour la circonstance. Au risque de se voir vilipender à la face d’un monde qu’il veut à ses pieds. Les opposants de Wade engageaient en effet le peuple sénégalais à refuser de s’associer à une opération destinée « à satisfaire les fantasmes de Me Abdoulaye Wade et à asseoir les bases d’un règne dynastique des Wade sur notre pays ». Ils exhortaient également les chefs d’Etat de la sous-région, d’Afrique et d’ailleurs, à ne pas se faire « les complices de cette escroquerie monumentale de Wade, en assistant aux festivités du Sacre du Roi que Wade projette d’organiser sous couvert d’inauguration du Monument de la Renaissance ».

La veille, le préfet de Dakar avait interdit ladite marche et toutes les mesures avaient été prises pour réprimer férocement les contrevenants. Assurément avec l’aval du chef de l’Etat, lui-même. En autorisant la marche à la dernière minute, Abdoulaye Wade ne faisait que promouvoir une exception, celle d’autoriser, la règle étant le droit inaliénable du citoyen à exercer un droit énoncé dans la Constitution, pourvu simplement qu’il ne trouble pas l’ordre public. Il tirait la couverture à lui dans une affaire où il n’était pas forcément gagnant.

De quel Wade dont-on se contenter ? De celui qui, dans l’après-midi du même samedi, tutoie les Dieux de Ouakam, du haut de sa colline des Mamelles, au pied de sa monumentale statue toujours aussi controversée devant une foule convoyée, d’hôtes venus d’Afrique, de la diaspora et du monde entier, de militants, d’affidés et d’intéressés laudateurs ? Du Wade qui dicte les besoins de la planète terre ? « Les peuples de la terre ne veulent plus de l’arme atomique et demandent aux gouvernements de s’engager encore davantage dans la destruction des stocks », a-t-il décrété, lui le président d’un pays qui peine à maîtriser l’éolienne. Du Wade qui interpelle la France et déclare unilatéralement le démantèlement des bases militaires françaises sur le sol national, non sans susciter ou chercher à susciter une certaine fierté nationale ou nationaliste ? « (…) Je déclare solennellement que le Sénégal reprend, à partir de ce jour, 4 avril 2010, à zéro heure, toutes les bases antérieurement détenues, sur notre sol, par la France, et entend y exercer sa souveraineté qui repose de jure sur la présente déclaration (…) » La cause était entendue !

Faut-il s’approprier du Wade redescendu de sa colline des Mamelles, plus sage, plus modeste, le soir du même samedi, qui nous demande de prendre dans un effort à la fois individuel et collectif, « la juste mesure de nos acquis, pour situer nos insuffisances et apporter les améliorations qu’appelle la prise en charge de notre destin commun ». Celui-là qui reconnaît…enfin ? qu’à travers « les âges, des générations avant nous ont eu le mérite et la sagesse de cultiver et d’entretenir un esprit de tolérance, de respect, de partage et de cohésion sociale, pour faire du Sénégal un havre de paix et de stabilité, malgré les épreuves inhérentes à la vie en commun ». Que de soubresauts déséquilibrants pour la Nation en perpétuelle construction, on aurait pu faire l’économie depuis dix ans avec une telle approche !

On ne peut manquer d’apprécier positivement, ce Wade qui « demeure ouvert au dialogue sans exclusive : dialogue politique avec l’opposition, dans le respect des Institutions et de la diversité de nos choix ; dialogue avec les éléments du MFDC… », pour (…) le parachèvement du processus de paix en région naturelle de Casamance.

On ne peut cependant lui faire un chèque en blanc quand il déclare « qu’à l’échelle locale ou nationale, nos ambitions et nos efforts ne sauront prospérer sans une gouvernance vertueuse, affranchie de toutes les pratiques contraires à l’idéal du service public, la corruption et les prébendes ». Trop de scandales ont marqué son magistère depuis dix ans et rythmé sa gouvernance. Mais nous convenons néanmoins avec lui que l’obligation « de rendre compte est l’essence même de la responsabilité » en République et en démocratie. Alors, l’opinion nationale et internationale est à l’écoute. Elle attend de voir la suite qui sera réservée aux dossiers que le président de la République lui-même dit avoir transmis à son Garde des Sceaux pour en tirer toutes les conséquences que de droit. Que dire du Wade au triomphe modeste après l’impeccable défilé civilo militaire du 4 avril ? Sinon qu’il a cherché à se conformer à celui du 3 avril au soir, c’est-à-dire, un Wade soucieux de ses faiblesses, conscient de l’immensité de la tâche, respectueux de ses concitoyens, préoccupé par leurs besoins-aspirations. Aurons-nous désormais droit à ce Wade pour le reste de son mandat ?

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