Abdoulaye Wade: « Au Sénégal, le pouvoir ne s’octroie que par les élections »

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Dans la seconde partie de « la Tribune », l’émission hebdomadaire d’informations diffusée sur « Canal Info », « Océan FM » et reprise par « la Sentinelle », le chef de l’Etat revient sur le dialogue politique, la position de Karim Wade sur l’échiquier politique et gouvernemental, les blocages sur la nomination du Vice- Président, la crise en Casamance et les négociations pour une solution à cette impasse.

Monsieur le Président, lors de la dernière édition du Gamou, le Khalife général des Tidianes a appelé au dialogue politique. Il est même allé jusqu’à désigner son porte – parole, Serigne Abdoul Aziz Sy junior comme médiateur. Quelle est votre opinion là-dessus.

Je ne refuse pas que Junior soit le médiateur. Je ne le refuse à personne d’ailleurs. C’est en 1974 que j’avais dit que le PDS ne gouvernera jamais seul. Si vous regardez les statuts du parti, vous le trouverez. Je pouvais ne pas le faire, et gouverner avec mes hommes, personne n’y pourrait rien. Mais, je leur lance un appel et mes interlocuteurs au lieu de répondre, se mettent à dire qu’il « est fatigué ». Non, loin de là, je tiens les rênes et solidement. Je ne sais pas si je suis fatigué ou pas, mais, je suis toujours là. Et je le tiens comme en 2000. Dans la vie, il faut toujours analyser avant d’interpréter. Puisqu’on n’arrive pas à s’entendre, je leur dis que je vais jusqu’en 2012. Mais il y a eu des médiations et j’ai lancé un appel. L’autre jour à Tivaouane, quelqu’un m’a dit que vous étiez à votre dix neuvième appel. Iba Der Thiam me l’a confirmé tout à l’heure. Je lui ai dit que peut être ce sera le dernier. J’ai relancé le marabout pour lui dire que j’étais prêt à travailler avec tout le monde. Mais on ne peut pas vous appeler pour une chose et vous voulez vous accaparer de tout. Ce n’est pas possible. Il faut venir et discuter pour voir ou aller. Certains pensaient que c’était fini pour le Gouvernement, que c’est le chaos, que les militaires allaient prendre le pouvoir comme au Niger. Mais c’est parce qu’ils ne connaissent pas le Sénégal. Ceux qui réfléchissent comme ça, sont à côté de la plaque. Dans ce Sénégal que je connais, cela n’arrivera jamais. Il n’y aura jamais de coup d’Etat. C’est moi qui vous le dis.

Quand on fait de la politique, il faut une intelligence politique pour comprendre certaines choses. Au Sénégal, le pouvoir ne s’octroie que par les élections. Je leur ai dis à Tivaouane qu’à partir de la semaine prochaine, ceux qui veulent n’ont qu’à venir me voir et on va discuter. Je n’ai pas peur d’être seul. IL y a plusieurs façons de collaborer. Tu peux venir et intégrer ou bien être à la périphérie et soutenir et là je te demande tes prétentions et après, je te dis ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire. Donc tout est possible, à la seule condition qu’ils sachent que le pouvoir est entre mes mains. Il faut qu’on se dise la vérité. Je veux discuter avec eux sur des modalités de collaboration. Donc ma porte est ouverte, le jeu aussi est ouvert. Il faut qu’on arrête les invectives. Si tous ces préalables sont levés, le peuple sera notre témoin et nous pourrons travailler ensemble. Si quelqu’un vient me dire que tu as failli dans tel domaine, je peux faire mieux, je le nomme ministre. Si au bout de trois à six mois, il ne donne pas satisfaction, je le démets. C’est clair. Mais de toute façon, moi je suis satisfait de mon Gouvernement.

Monsieur le Président, beaucoup de personnes disent que vous travaillez à placer votre fils Karim à la tête de l’Etat. Qu’en est-il exactement

Tout le monde sait que Bush père n’est pas plus intelligent que moi. Peut être qu’il est Américain et qu’il dirigeait le plus puissant Etat du monde, mais c’est tout. Les moyens qu’il a utilisés pour placer son fils à la tête des Etats-Unis, je les connais Il ne s’en est pas caché, de même qu’Eyadéma. Je ne dis pas que cela ne sera pas, mais que cela ne m’est pas encore passé par l’esprit. Ca, c’est clair. Je n’ai pas l’intention d’en faire un Président. Le jour où j’aurai cette intention, je le ferai savoir à tous les Sénégalais.

Pour le moment, je l’ai fait entrer dans le Gouvernement. Il était à Londres comme banquier ce qui n’est pas à la portée de beaucoup de noirs, lorsque j’ai lancé un appel aux cadres, ils m’ont dit lui et Syndiéli qu’ils ne peuvent pas rester et voir les autres cadres venir répondre à mon appel. Lorsqu’il est venu, je lui ai dit que l’appel est valable pour tout le monde, mais toi, retournes travailler à ta banque.

Je lui ai confié quelque chose qui est dans ses capacités. En tout cas, nul dans mon entourage n’est plus compétent que lui dans ce domaine. C’est un financier. Il connaît les négociations et les montages financiers. Maintenant, même si dans l’opposition il y a quelqu’un de plus compétent s’il me le dit, je lui fais tout de suite un mandat pour qu’il aille chercher de l’argent pour le Sénégal. L’essentiel est que l’argent aille entre les mains du ministre des Finances. C’est un financier et il est diligent. C’est un grand département ministériel que je lui ai confié parce qu’il peut le gérer. Les petits départements ministériels, j’ai été obligé de les scinder. Il fut des temps, je pensais qu’avec six personnes, je pouvais faire un Gouvernement. A chacun, je collais un ministre délégué. C’est (Karim) un esprit rare. Faire marcher un département ministériel avec quatre à cinq branches, ce n’est pas donné au premier venu. C’est difficile. C’est du management qu’on enseigne dans les écoles de commerce. Celui qui sait le mieux faire travailler les gens est plus compétent en management. Si dans la construction d’un bâtiment par exemple, l’architecte veut s’occuper de la pose des briques, ce ne sera pas possible. Il faut qu’il manage des gens pour y arriver. C’est peut être qu’au Sénégal, les gens ne sont pas formés dans ce domaine. Il ne suffit pas d’avoir des diplômes universitaires, mais il faut aussi une ouverture d’esprit, de l’expérience.

Qu’est ce qui bloque la nomination du vice-président ?

Ma conviction, c’est que les femmes peuvent apporter autant que les hommes. Je veux instaurer la parité dans toutes les institutions électives. Je suis en train de travailler sur cette question au moment où je suis. Le projet sera bientôt au Conseil des ministres pour discussion. Je veux la parité absolue à l’Assemblée Nationale, au Sénat, au Conseil Economique et Social, même dans les tribunaux. Je demanderais à travers un programme de cinq ans pour faire la parité absolue dans toutes les institutions parce que les hommes ne m’ont pas prouvé une supériorité sur les femmes ici au Sénégal. D’après les résultats des examens à l’Université, les femmes sont meilleures que les hommes. Ils sont majoritaires dans l’Armée parce que les femmes ne se sont pas orientées vers ces secteurs, mais je veux la parité absolue. Si ce n’était pas tout ce tollé, j’aurais déjà nommé la vice présidente. Pour moi, ce doit être une femme parce que pour faire de la parité, on doit partir du bas comme du sommet. Mais il y a eu trop de bruit. C’est pour cela que je j’y ai surssied. Mais je ne l’ai pas abandonné

Serigne Barra lors du Magal avait demandé la réouverture des négociations pour le dossier de la Casamance. Un appel réitéré par Serigne Mansour selon qui la famille de Seydi Hadji Malick peut apporter la solution. Vous même, vous disiez que vous pouviez résoudre le conflit en cent jours. On parle de solution culturelle, sociologique … Quel est votre sentiment sur la question ?

Lorsque j’étais ministre d’Etat, Abdou Diouf avait envoyé l’Etat major pour qu’il me dise que vous êtes le seul à pouvoir résoudre le problème de la Casamance. On veut vous confier le dossier. J’ai dit d’accord. J’étais ministre d’Etat. Mais, au moment de finaliser le transfert du dossier, Habib Thiam, c’est lui qui devait piloter le dossier, et Ousmane Tanor Dieng ont montré certaines réticences qui m’ont poussé à me retirer du dossier. Ils pensaient que j’allais utiliser l’argent qui serait mis à ma disposition à des fins politiciennes. Je ne leur avais jamais demandé de l’argent. Mais puisqu’ils pensaient ainsi, je me suis retiré. A l’époque, j’étais en relation avec les indépendantistes. J’ai demandé à Abdou Diouf, la libération des 800 indépendantistes qui étaient en prison. Krumah en faisait partie. Abdou Diouf ne voulait pas le libérer parce qu’il était mêlé à un crime de sang. Je lui ai dit que l’amnistie existe dans tous les pays du monde On discutait et un lundi, il a dit au ministre « je veux qu’ils sortent tous au plus tard mercredi ». Pour le ministre, c’était techniquement impossible, mais finalement il les a libérés. Pendant qu’ils étaient en prison, je les recevais chez moi jusqu’à deux heures du matin. On discutait autour du café et après ils retournaient en prison. J e jouis de ce capital de confiance chez eux.

Abdou Diouf ne voulait pas libérer Krumah. Je lui ai dit que ce n’était pas intéressant de retenir une personne sur 800. La paix en Casamance, valait bien une amnistie. Personne ne leur ait venu en aide après. Ils se sont dit « puisque c’est Abdoulaye Wade qui les a fait sortir, laissez les avec lui ». Ils sont venus me voir. Je n’avais pas beaucoup de moyens. Celui sur qui je comptais ne m’a remis que la somme de 25 000 francs. Néanmoins je leur remis de l’argent à tous au moment de partir. Ils savent ma position. J’ai été le seul à battre campagne en Casamance et à leur dire « je suis contre l’indépendance ». Aucun responsable du PS ne l’a fait. A la place de Gao, je leur ai dit que je suis contre l’indépendance de la Casamance mais que si la Casamance venait à être indépendante, je serai candidat dès la première présidentielle. C’est ce qui me donnait confiance. Mais il faut toujours la part de l’impossible. Abdou Diouf a commis une erreur dans la gestion du dossier Casamance. Il a réunifié la rébellion et l’a confiée à l’Abbé Diamacoune. Pour quelqu’un comme moi qui connait Diamacoune, il sait que c’est une personne qui ne croit qu’en l’indépendance de la Casamance. C’est une erreur. Il y a des gens qui me disent qu’il faut réunifier le maquis. Je ne le ferai jamais. Il y a des gens qui s’agitent mais qui ne sont au courant de rien. Senghor disait qu’on ne fait pas de la diplomatie sur la place publique. On n’a jamais été plus prêts de la paix qu’aujourd’hui. Je suis en discussion avec les combattants armés. Ceux qui s’agitent, ce sont ceux qui ne veulent pas se faire oublier. Ce sont eux qui s’attaquent aux automobiles et autres. Parmi tous ceux avec qui nous sommes en pourparler seul un dit que c’est parce que l’Armée a attaqué les positions rebelles, qu’il y a eu ces réactions. Ce n’est pas vrai. Je n’y crois pas.

Nous sommes en discussion et notre seule motivation, c’est la paix au Sénégal. Il y a des gens qui veulent tirer des subsides et qui s’agitent, mais ils ne m’intéressent pas car ils ne peuvent rien m’apporter. S’ils sont capables, ils n’ont pas m’amener des chefs rebelles ici la nuit pour qu’on discute. Ils ne sont capables de rien. Ce que je déconseillais à Abdou Diouf, je ne vais pas le faire. Il a dépensé énormément d’argent dans ce dossier. Je ne le ferai pas. Il faut que ça soit clair.

LA TRIBUNE (Courani DIARRA, Ousseynou NDIAYE, Demba NDIAYE)

africanglobalnews.com

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