C’est la sentence rendue par Me Mame Adama Gueye dans l’affaire opposant son client Wärtsilä West Africa (WWA) et la SARL Résidences Jardins (SARL RJ). Ces deux entités étaient liées par un contrat de location de 16 mobile homes pour la durée de la construction de de la centrale électrique de Kahone. Ce contrat de location concernait seize (16) mobile homes à raison d’un million trois cent cinquante mille francs CFA TTC (1.350.000 FCFA TTC) par mois et par mobile home, avec une possibilité de ne payer que les mobile homes occupés et de payer des nuitées à quarante-cinq mille francs CFA pour les mobile homes partiellement utilisés dans le mois.
A la fin de la construction, la société WWA obtient la concession de la gestion de la centrale pour une quinzaine d’années. « Face à l’obligation de faire venir les familles de nos agents, les mobile homes ne répondaient plus à nos besoins en matière d’espace et de confort » a expliqué Mamadou Goumble, le directeur général de WWA. La firme finlandaise a donc servi par voie d’huissier un préavis de résiliation dudit contrat le 05 février 2009, ce que la SARL RJ n’a pas voulu entendre de cette oreille. Elle estime que WWA ne devait pas résilier le contrat puisqu’elle qu’elle doit encore rester une quinzaine d’années. Sur cette base, la SARL RJ a esté en justice, réclamant à WWA la somme de trois milliards cinq cent vingt millions huit cent mille francs FCFA (3.520.800.000 FCFA) à titre d’arriérés de loyers, ce qui est incongru selon Me Mame Adama Gueye, la société n’ayant investi que trois cent millions de francs CFA (300.000.000 FCFA).
Dans un premier jugement rendu le 16 juin 2016, le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar a condamné WWA à verser la somme de cent quatre-vingt-quatorze millions FCFA (194.000.000 FCFA) à titre d’arriérés de loyers à la SARL RJ et a débouté cette dernière de toutes ses autres demandes. Les deux parties ayant fait appel de cette décision, la cour d’Appel de Dakar a réduit cette somme à quatre-vingt millions de francs CFA (80.000.000 FCFA) à titre de dommages et intérêts ; ce qui ne satisfaisait pas la SARL RJ. Elle était déboutée de sa demande de paiement d’arriérés de loyers. Elle se pourvoit donc en cassation devant la Cour Suprême. Cette dernière casse le jugement de la cour d’Appel et renvoie le dossier devant la Cour d’Appel de Saint-Louis.
C’est là-bas que s’est passée la forfaiture que dénonce Me Gueye. Convoquées le 26 juin 2014, les deux parties se sont présentées à Saint-Louis, sauf qu’en lieu et place de ses avocats, une dame du nom de Aïssatou Niang Touré s’est présentée au nom de la SARL RJ dont elle dit être la générale. Elle a aussi « déclaré vouloir que l’affaire soit jugée immédiatement, même en l’absence de ses avocats ». « Ce qui est absolument impossible » tonné Me Gueye. L’avocat de WWA explique que s’agissant de sociétés, la représentation des deux parties par leur avocat est obligatoire. Cela n’a pas dérangé les trois magistrats qui se sont retirés pour délibéré et rendre une décision… en moins d’une heure. Cette décision condamne WWA à payer à la SARL RJ les sommes d’un milliard deux cent trente-un millions deux cent mille francs CFA (1.231.200.000FCFA) et cent quatre-vingt-quatorze millions de francs CFA (194.000.000FCFA) soit un total d’un milliard quatre cent vingt-cent millions deux cent mille francs FCFA (1.425.200.000 FCFA). « En une heure, les magistrats ont reçu les conclusions des avocats, les ont lues et vérifiées et ont pris une décision » s’étonne Me Gueye avant de continuer : « j’appelle ça la vente en attendant le service après-vente puisqu’il arrive ». L’avocat poursuit en expliquant « la décision rendue, l’arrêt a été rédigé, déposé à l’enregistrement ce même 26 juin 2014 et enregistré le lendemain, 27 juin 2014. C’est une première dans les annales judiciaires du Sénégal. Je n’ai jamais vu un arrêt rédigé aussi vite en plus de 30 ans de barreau ». La durée minimale pour obtenir un arrêt qui soit bien rédigé au Sénégal est de deux mois. Mme Niang a obtenu le sien en 24h chrono. Cela est largement suffisant pour éveiller des soupçons de corruption poussant WWA et son avocat à saisir par lettre les autorités telles que le Président de la République, le Premier Ministre et le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, mais également des corps comme l’Office Nationale de Lutte contre la Corruption (OFNAC) et la Corps Suprême via son premier président. Ce dernier avait, suite à cette saisine, diligenté l’Inspection Générale de l’Administration de la Justice (IGAJ). Suite à cette mission, les trois magistrats de Saint-Louis avaient été mutés, ce qui a été considéré comme une sanction. D’ailleurs, auditionné par l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS), l’un deux, Pape Aliou Sané, avait déclaré que « dans ce dossier il n’y a jamais eu de délibéré et que le projet d’arrêt était dans la chemise du dossier au moment de la mise en état ». Il avait aussi ajouté « avoir été abusé par ses deux collègues et le Premier Président de la Cour d’Appel de Saint-Louis lui a dit que ce dossier est une affaire dans laquelle le Secrétaire Général de la Cour d’Appel (le juge Pape Amadou Sow) est intéressé et qu’ils ont déjà délibéré alors que le dossier était dans sa phase de mise en état». Ce même premier président avait été écarté de la Formation Spéciale qui devait trancher cette affaire alors qu’il en est un membre de droit. « Surement parce qu’il a refusé de tremper dans la corruption » en a conclu Me Gueye. Et l’avocat n’en a pas fini avec ses charges. L’avocat signale que « ce 26 juin, toutes les affaires qui devaient être examinées par la Cour d’Appel de Saint-Louis avaient été renvoyées pour raison électorale à l’exception de WWA. C’est la seule qui a été jugée et dans les conditions que l’on sait ». Et pourtant WWA et son conseil ne sont pas au bout de leurs surprises.
Contre toute attente selon eux, la Chambre Civile et Commerciale de la Cour Suprême a confirmé le jugement rendu par la Formation Spéciale de Saint-Louis en rejetant les neuf moyens de pourvoi déposés par le conseil de WWA. « La Chambre Civile et Commerciale de la Cour Suprême, par cette décision, a entériné le hold-up judiciaire » selon Me Gueye. Sur la base de cette décision du 06 mai 2015, la SARL RJ a fait bloquer les comptes de WWA à hauteur d’un milliard quatre cent millions de francs CFA (1.400.000.000 FCFA). Cet argent sera viré dans les comptes de la SARL RJ dès le 16 octobre si rien n’est fait.
En attendant, WWA a introduit une requête en rabat d’arrêt sur laquelle la Cour Suprême doit statuer.
Sur un autre plan, M. Goumble explique que Wärtsilä a choisi le Sénégal comme hub pour ses activités en Afrique de l’Ouest et du Centre pour sa stabilité et la clarté des lois sur les investissements, « mais cette affaire pourrait amener la firme à reconsidérer ce choix, parce qu’on ne sent plus en sécurité ».
Me Gueye a conclu en appelant l’OFNAC à se saisir de ce dossier parce que « si elle fait bien son travail, les personnes incriminés devront passer devant le tribunal correctionnel ». Il fonde tous ses espoirs sur la requête en rabat d’arrêt car après cela, il n’y aura plus de recours possible.
Il faut aussi signaler que le magistrat Taïfour Diop qui avait présidé la Formation Spéciale est aussi indexé pour une autre affaire de corruption dans un recours électoral qui opposait Aïssata Tall Sall à Racine Sy pour la municipalité de Podor.
Afffaire Wärtsilä West Africa / SARL Résidences Jardins : Une affaire de collusion frauduleuse !
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