Bassirou Diomaye Faye est-il apte à diriger le Sénégal ? (Par Pr Oumar Samb)

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C’est cette question saugrenue qui agite le landerneau politique sénégalais depuis quelques jours. En réalité, elle est agitée par certains contempteurs du candidat du PASTEF pour le discréditer, grâce à une confusion savamment orchestrée autour d’une artificielle intrication entre l’âge, l’expérience et les qualités intrinsèques d’un leader politique. 

Toutefois, posée autrement et de façon impersonnelle, cette question revêt un caractère central dans le contexte actuel. Car elle pose le débat sur les critères qui doivent fonder le choix de notre prochain président de la République.

Tout d’abord, évacuons un premier poncif qui veut que Bassirou Diomaye Faye soit trop jeune et donc peu expérimenté pour diriger le Sénégal. Ceux qui soutiennent cette idée le font sciemment, car ils n’ignorent surtout pas que Bassirou diomaye Faye a 44 ans. Un âge dont beaucoup de dirigeants politiques n’avaient pas quand ils assumaient de lourdes responsabilités dans leurs pays.Citons-en quelques-uns.

1. Emmanuel Macron – France : Il est devenu président de la France en 2017 à l’âge de 39 ans.

2. Justin Trudeau – Canada : Il est devenu Premier ministre du Canada en 2015 à l’âge de 43 ans.

3. Sebastian Kurz – Autriche : Il est devenu chancelier d’Autriche en 2017 à l’âge de 31 ans, faisant de lui l’un des plus jeunes dirigeants du monde.

4. Jacinda Ardern – Nouvelle-Zélande : Elle est devenue Première ministre de la Nouvelle-Zélande en 2017 à l’âge de 37 ans.

5. Kim Jong-un – Corée du Nord : Il est devenu le dirigeant suprême de la Corée du Nord en 2011 à l’âge d’environ 27 ans.

6. Benazir Bhutto – Pakistan : Elle est devenue Première ministre du Pakistan en 1988 à l’âge de 35 ans, devenant ainsi la première femme à diriger un pays musulman.

Il convient de noter que cette liste n’est pas exhaustive, mais elle a le mérite de présenter quelques exemples significatifs de dirigeants politiques qui ont assumé des responsabilités importantes à un âge relativement jeune. 

A ces critiques sur l’expérience de Bassirou Diomaye Faye se sont ajouté d’autres, plus nauséabondes, et portant sur son accent et parfois même sur son physique. 

L’inanité d’un tel débat pouvait prêter à rire si le manège n’était pas aussi visible qu’un cafard sur un carrelage blanc. Il ne s’agit ni plus ni moins d’empêcher le débat de fonds sur les questions de bonne gouvernance et de reddition des comptes et surtout sur le profil de la personne capable d’en garantir l’effectivité. 

Par conséquent, il nous faut éviter ce piège, ce qui passe d’abord par une simplification des termes du débat. Le pervertir par des attaques crypto personnelles ou le noyer par l’utilisation d’un langage technique et des fois ténébreux rejoint le même objectif qui est d’empêcher le peuple de se faire entendre. Il nous faut donc comme le préconisait Cheikh Anta Diop « libérer le peuple sénégalais du poids du pédantisme creux afin que les débats populaires sur les problèmes essentiels du pays puissent s’instaurer sans que les participants craignent de faire des fautes de majuscules » (p.69). 

Au moment où le Sénégal s’apprête à entrer dans le cercle restreint des pays exploiteurs de pétrole et de gaz, on ne peut pas faire l’économie de débattre sur les enjeux essentiels de l’heure comme la bonne gouvernance et la gestion transparente de nos maigres ressources.

Les intellectuels ont une responsabilité majeure dans ce combat comme l’avait compris très tôt Cheikh Anta Diop : « Tous les intellectuels, tous les patriotes doivent comprendre que le combat que nous menons en ce moment est le leur : c’est le combat qu’il importe de mener avec ténacité pour que l’ère des menaces grotesques, de la crainte, de la peur sous ses formes variées, économiques, physiques, soit révolue. C’est le combat pour la vraie liberté individuelle, pour la dignité. Si des Bokassa et des Idi Amin ont pu exister en Afrique, c’est parce que des intellectuels et des cadres africains ont abdiqué leur responsabilité, ont préféré ronger des os, au lieu de s’occuper de l’essentiel, c’est-à-dire de la sauvegarde des droits imprescriptibles du citoyen, pensant que cela présentait moins de risques. Les intellectuels, tous les citoyens lucides, doivent opposer une résistance morale à l’arbitraire » (p.76).

C’est le moment pour chaque citoyen d’être exigeant dans ses critères de choix. Le Sénégal n’a pas besoin d’un démiurge, d’un mannequin ou d’un beau parleur, mais simplement d’un président normal comme dirait l’autre,mais qui incarne une probité morale jamais prise à défaut. Choisir notre prochain président sur la base de ce critère est la seule garantie d’en finir avec l’impunité, la corruption et la concussion. 

Par conséquent, il faudra se demander si Bassirou DiomayeFaye, Thierno Alassane Sall, Amadou Ba , Anta BabacarNgom pour ne citer que ceux-là  ont démontré dans leursparcours qu’ils sont porteurs de telles valeurs de probité et d’intégrité morale?

C’est cette question principicule que les citoyens sénégalais devront se poser avant de mettre leurs bulletins dans l’urne. Car sans ces valeurs morales et d’éthique que d’aucuns veulent évacuer du débat, point de salut. Pour paraphraser encore Cheikh Anta Diop, un pays dont les assises morales sont pourries est un pays appelé à s’effondrer. 

Pr Oumar Samb 

Sociologue, docteur en santé publique 

Source : Khadim Ndiaye (2023), Cheikh Anta Diop Par lui-même : Itinéraire, pensées, confidences, opinions et combats. Ed Afrikana

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