Bons baisers de Corée… au Sénégal

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Le feuilleton sur le cinquantenaire de l’accession des pays francophones d’Afrique bat son plein. La série a traversé mers et continents pour nous amener des colons d’un genre nouveau. Pas de casque colonial, de travail obligatoire ou de mission civilisatrice, mais c’est tout comme sauf que cette fois-ci, le colonisé accueille à bras ouverts. Mais que fait la police politique des indépendances ?

La série « My lovely Sam Soon » est diffusée depuis quinze jours, les samedis et dimanches à partir de 19h sur la Rts 1. La série est une dramatique composée de 16 épisodes de 60 mn. Elle a été produite en 2005 et a connu un franc succès au pays du matin calme. Le film relate le personnage Kim Sam-Soon, la trentaine, célibataire, un petit peu ronde, qui vient de se faire larguer par son petit copain la veille de Noël après 3 ans de relation. Sans travail, sans amour, Kim Sam-Soon ne va pas baisser les bras. Le destin lui fait rencontrer, Hyeon Jin-heon, responsable d’un restaurant qui a besoin d’une pâtissière. Kim Sam-Soon accepte le boulot. Les difficultés vont cependant continuer par le fait que les frais de la maison familiale nécessitent plus d’argent.

L’entente entre Sam-Soon et Jin-Heon est au début difficile, mais une relation va se développer entre eux. Tout se complique avec l’arrivée de Yu Hee-Jin, l’amour de Jin-Heon… Il y a d’abord un problème avec le nom de l’héroïne : Le nom ”Sam Soon” est un vieux nom Coréen, dans le genre « Gertrude » ou « Cunégonde » en français, ou encore « Khandiou » ou « Yamegor » en wolof. Une bonne dose de la production a pour thème l’amour avec un schéma récurrent : une femme F1 est amoureuse d’un homme H1, mais H1 est amoureux de F2, alors que F2 aime H2. (H2 a aussi le droit d’être amoureux de F1) Bon, la combinaison peut changer de sens, ou de variations, mais l’idée générale est là. La morale de fin : on ne peut pas savoir ce qui va arriver, alors il faut vivre chaque jour, se battre pour ce que l’on veut, et ne pas dramatiser avant l’heure.

Voilà ce que nous propose la télévision nationale aux heures de grand spectacle les week-ends, juste avant la principale édition du JT. En 2010, c’est un soap-opera coréen, certes qui pourrait faire courir la gent féminine, mais quand même ! On veut accélérer le départ des soldats français du Sénégal, alors que les pays francophones d’Afrique célèbrent le cinquantenaire de leur indépendance, alors que le Sénégal vient de construire le plus grand monument africain pour chanter la « renaissance » du continent, alors que nos dirigeants, en particulier le président sénégalais, appellent à juste raison leurs compatriotes à relever la tête pour (enfin) refaire face à l’histoire, on nous propose à la consommation un succès télévisuel…coréen.

Beau et grand pays que les Corées. Brillante et riche civilisation, théâtre du premier conflit qui a suivi la seconde guerre mondiale, pion avancé sur l’échiquier de la guerre froide et aujourd’hui doublement présent sur la scène internationale : un nord-communiste –le dernier Etat stalinien de la planète- qui développe son arsenal nucléaire en se foutant royalement des cris d’orfraie de l’occident non-russe, avec une population écrasée par une dictature familialo-militaire qui la tient sous coupe réglée ; et un sud ouvert à l’économie de marché, flamboyant parmi les dragons du sud-est asiatique grâce à un flux massif d’investissements américains et un transfert de technologie, un peu comme le japon en a profité. C’est la terre du Taekwondo, de Samsung et Daewo, le lieu où le football sénégalais a écrit sa plus belle page en 2002, lors de la coupe du monde…

Et puis, leurs films ne coûtent pas cher et leurs ambassades disposent de « sections culturelles » très dynamiques, promptes à assister gracieusement nos médias pour résorber leur déficit de productions audiovisuelles. Toute cette charge ne donne pas pour autant une once de pertinence à la diffusion d’une série coréenne au Sénégal et espérer un quelconque « éveil de conscience » en retour. Une entreprise de fabrication de cubes alimentaires ou de savon en poudre, un promoteur de lute ou quelque chose dans le genre, va, c’est sûr, mettre ses billes dans le téléfilm qui va sans doute faire parler dans le microcosme des « Yamatélé » version Rts. Ce n’est jeter l’anathème sur personne que de dire que c’est un très, très mauvais signal de plus dans la construction de notre identité.

De quoi, finalement, sommes-nous capables ? Presque tout ce que les sociétés ont produit de durable au plan technologique, de l’augmentation de l’espérance de vie et de sa qualité, de progrès tout simplement l’a été par d’autres. Même pas fichus de fabriquer une aiguille –il paraît que c’est le chas qui pose problème-, moi et mes semblables sommes formatés pour la consommation. Rechercher le meilleur pour soi est le premier signe d’indépendance. Pourtant, sous notre nez, que de champs à labourer, de sillons à creuser et de terres fertiles à semer ! Pourtant, il y en a eu des séries télévisées du cru local ! Les téléfilms de la troupe « Daraay Kocc », l’adaptation de la bande dessinée « Gorgorlou », celle de « Aziz le reporter » censurée sans raison par la suite, nos contes et nouvelles, les milliers de scénarii qui dorment dans des tiroirs et disques durs d’ordinateurs, sans oublier le fonds constitué par la somme d’œuvres de la littérature sénégalaise, sont un trésor inestimable.

Quiconque soutient que la matière locale pour produire des séries télévisées de qualité n’existe pas doit être condamné à astiquer le monument de la renaissance africaine jusqu’à une brillance tellement nette que l’énergie solaire ainsi emmagasinée, couplée aux centrales nucléaires annoncées par le gouvernement de l’alternance, fera du Sénégal l’égal de la Corée du sud en potentiel électrique. La languissante mentalité du receveur obère notre rapport au temps, nous le fait subir et nous fige dans la contemplation béate des prouesses de l’autre. La culture, c’est plus que ce qui reste quand on a tout oublié. C’est la rencontre synthétique entre ce que l’on propose au banquet de l’universel et ce que l’on reçoit comme quote-part dans la marche du monde. A force de refuser de proposer –le vote blanc est Ponce-Pilate par essence, la palette de choix se flétrit comme peau de chagrin. Alors, on subit, on subit, on subit…

Post-scriptum : vive la coopération sénégalo-coréenne !

nettaliq.net

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