Comment Idrissa Seck a étouffé la révolte contre Wade: Mara éteint le feu

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La communauté rurale de Sangalkam a failli imploser dans la nuit du mardi 5 au mercredi 6 avril 2011 à la suite de l’annonce de la décision du ministère de la décentralisation et des collectivités locales de créer de nouvelles communes et communautés rurales au Sénégal. N’eût été la prompte intervention de l’ancien Premier ministre et du Président de la communauté rurale, Omar Guèye, pour apaiser la tension Sangalkam serait embrasée.

es populations très remontées, femmes et jeunes, ont massivement manifesté leur colère en barrant la route principale du village avec des pneus en feu. Pour réparer “l’injustice subie“, il n’y aura pas alors de « Talaatay Nder » à Sangalkam ou d’immolation au feu, mais une réponse politique à la décision politique de l’Etat.

Les femmes de Sangalkam ne vont finalement pas s’immoler au feu ou répéter le préjudice des femmes de « Talaatay Nder » au Walo qui refusaient l’esclavage. Très remontées contre la décision du ministre de la Décentralisation et des collectivités locales mardi dernier 5 avril, de créer de nouvelles communes et communautés rurales au Sénégal, les populations de Sangalkam, femmes et jeunes, se sont fortement mobilisées comme un seul homme dans la nuit du mardi à mercredi 6 avril 2011 devant l’hôtel communautaire du village pour manifester leur mécontentement. Des jeunes en colère se rassemblent, barrent la route menant dans le village à quelques encablures de la sous-préfecture et y mettent le feu. La tension monte, certains suggèrent d’aller mettre le feu à la sous-préfecture, d’autres les en dissuadent.

Les femmes se mobilisent et condamnent la décision du ministre de la décentralisation et des collectivités locales. Les populations tiennent à leur président de communauté rurale qui est « un bon travailleur ». Les forces de l’ordre de la sous-préfecture lancent des grenades lacrymogènes et les jeunes résistent avec des pierres. C’est le branle bas. Et la veillée d’armes. Les jeunes jurent de faire face aux balles des forces de l’ordre que de renoncer.

Idrissa Seck joue au pompier

Après près d’une heure de mobilisation et de tension, Sangalkam, presque au bord de l’implosion, va connaître une petite accalmie. Vers minuit, Idrissa Seck, ancien Premier ministre de l’alternance arrive sur les lieux pour apaiser la tension. Il se fait entourer par la foule qui diminue son ardeur. Son discours va calmer les populations en colère. « Je suis venu vous témoigner de mon soutien à l’occasion de cette injustice que les populations de Sangalkam et du Sénégal viennent de subir. C’est parce que je sais pertinemment que vous êtes des gens d’honneur, des gens qui savent dire non et que vous risquez d’exécuter vos menaces que je ne pouvais pas attendre jusqu’à demain pour venir ici. Je sais que vous n’avez jamais accepté d’assister à l’injustice sans réagi », dit-il sous les ovations de la foule.

Pour lui, « combattre l’injustice vaut la mort », mais avec ce qui se passe actuellement au Sénégal, « il y a plusieurs injustices à réparer ». Idrissa Seck propose dès lors d’attendre d’ici à dix mois pour réparer toutes ces injustices. « Donc, d’ici à dix mois, il y a quelque chose qui prendra fin et une autre ère va commencer. Dans dix mois, un soleil va se coucher et un autre soleil va se lever. Et je veux que vos âmes assistent à cet évènement », prédit-il. Avant de poursuivre : « C’est pour cette raison que je me suis nuitamment déplacé pour que vous honoriez le séjour de vos hôtes venus de France soutenir la bravoure de votre Président de Communauté rurale qui abat un bon travail à Sangalkam ».

« Talaatay Nder » n’est pas pour demain

L’ancien Premier ministre du Sénégal a fustigé la méthode utilisée qui est injuste à ses yeux. « Ce qu’ils ont fait nécessite la mobilisation pour se battre contre l’injustice, pour lutter contre la violation du suffrage des citoyens, parce que ce qui est derrière tout ceci n’est pas un découpage mais c’est juste parce qu’ils ne peuvent pas supporter que les citoyens aient pris eux-mêmes la décision d’élire leur leader. C’est pour cette raison qu’ils veulent amener une délégation spéciale à Sangalkam », a-t-il souligné tout en prenant soin de signaler que ce n’est pas la seule injustice qui doit être réparée au Sénégal. « Toutes les injustices qui existent dans le pays, toutes les ignominies qu’il y a, devront être réparées comme je l’ai dit d’ici à dix mois. C’est à cette échéance que nous aurons besoin de votre mobilisation et de vos vies. C’est pourquoi je dis aux femmes de Sangalkam que « Talatay Nder » n’est ni aujourd’hui, ni demain. Il peut-être dans dix mois, donc ne le faites ni demain, ni après-demain », diit-il à l’égard des femmes qui avaient l’intention de s’immoler au feu.

La leçon du baobab qui s’écroule

Aux jeunes de Sangalkam, Idrissa Seck a annoncé le pacte qui le lie à leur président de la communauté rurale, Omar Guèye. « A votre Président de la Communauté rurale, Omar Guèye, j’ai dit avoir besoin de sa personne près de moi le jour où je rentrerai au Palais de la République. Je ne veux pas que les provocations qu’il y a entre temps gâchent ce travail qui est le plus important et le plus utile pour le Sénégal. Je vous avais dit ici même qu’un baobab qui tombe fait beaucoup de bruit et qu’une graine qui éclore personne ne l’entend », a-t-il révélé.

Pour sa part, Omar Guèye, Président de la Communauté rurale de Sangalkam, très serein, a joué à l’apaisement. “Je comprends  les jeunes, c’est pourquoi je suis personnellement venu leur dire de garder le calme et leur sérénité“. « Je vais comme Idrissa Seck demander aux populations d’apporter une réponse politique à cette injustice en s’inscrivant massivement sur les listes électorales et préparer les échéances futures de février 2012. Nous sommes élus et ce qui me préoccupe aujourd’hui c’est comment résoudre le problème de l’eau de nos villages, comment faire en sorte que tous les villages soient électrifiés, faire en sorte qu’ils soient des villages propres, faire en sorte que nos écoles soient équipées, que le chômage diminue et que les femmes puissent avoir des activités génératrices de revenues », a-t-il réitéré.

Omar guèye a renouvelé son engagement auprès de Idrissa Seck. « Notre engagement auprès du frère Idrissa Seck est inébranlable. Nous continuerons à travailler à ses côtés. Et s’il plait à Dieu, nous pensons qu’il sera le 4e Président de la République du Sénégal », a laissé entendre le Pcr de Sangalkam qui soutient avec conviction que cette décision ne peut pas leur couper les pieds car ils continueront à œuvrer pour le bien des populations.

Combattre par la force des idées

Idrissa Diop, Président du Conseil national du Tourisme, habitant du village de Niaga, a fustigé la décision du ministre de la décentralisation en ces termes : « C’est sur la base d’appréciation politique parce que sinon la communauté elle-même a défini sa position. Elle n’a jamais aimé se disperser, ni se séparer de ceux avec qui elle partage le même destin, parce que c’est ça la communauté. On peut ne pas s’aimer les uns les autres mais on regarde toujours ensemble vers la même direction. C’est ça la communauté de base. Or jusqu’ici nous ne sommes au courant de rien du tout. Nous savons simplement qu’il y avait des dessous politiques. Moi en tant que citoyen, je me moque absolument des dessous politiques, ce que je veux c’est l’intérêt de la communauté. C’est pourquoi la décision du Gouvernement me surprend et me déçoit ». De son point de vue, cette décision est simplement prise « pour diviser les gens », ce qui est « mesquin », dit-il tout en annonçant qu’ils la combattront par la force des idées. « Nous combattrons cette décision, même si nous n’avons pas de force politique, nous combattrons par nos idées et par nos actions pour que la vérité soit rétablie. Seule la vérité est révolutionnaire. Voilà mon point de vue ».

Le soutien de la communauté

La Présidente de l’association des femmes rurales de l’arrondissement de Sangalkam (Fras), Awa Guèye, a dit que le Sénégal vient de connaître le premier coup d’Etat de son histoire et a tiré le chapeau à Omar Guèye. « Le Sénégal n’a jamais vu de coup d’Etat, celui-ci en est un. C’est cause des populations que Omar Guèye n’a pas de vie de famille, du lundi au samedi, jusqu’au dimanche, il est à Sangalkam. Il n’y a rien qui manque dans cette communauté rurale. Il a rempli son devoir vis-à-vis des populations. Il est déjà proche d’elles et c’est qu’on demande aux élus locaux. Nous ne sommes pas d’accord de cette décision, ni aujourd’hui, ni demain. Ils ne peuvent pas ôter Omar Guèye du cœur des gens. C’est à grâce à Idrissa Seck et à lui  que Sangalkam ne s’est pas embrasée », explique-t-elle.

Awa Guèye faisant le procès de la délégation spéciale qui n’est qu’un « moyen pour les gens du Gouvernement de s’enrichir en spoliant leurs terres », souligne qu’elles ont leurs cartes d’électeurs pour combattre cette décision. « Wade devait féliciter Omar Guèye qui est un travailleur. Mais c’est Aliou Sow qui est à l’origine de toute cette situation. Ce n’est pas un ministre, c’est un incapable car un bon ministre serait content de l’œuvre du Président Omar Guèye, malheureusement il en a fait son rival, alors qu’il n’est pas son égal », a-t-elle déclaré.

Abass Babacar Guèye, Conseiller en communication du Pcr et Président de la Commission Coopération décentralisée, s’est réjoui que le décret ne les a pas trouvés dans la léthargie, ce qui leur aurait fait honte. « Si le décret nous avait trouvé dans la léthargie, nous aurions eu honte, mais heureusement que ces dons que vous voyez là sont une preuve de notre combat et notre engagement pour le bien-être des populations de Sangalkam », a-t-il laissé entendre.

Le fruit de la coopération

La communauté rurale de Sangalkam réceptionnait hier mercredi 6 avril 2011 dans le cadre de la coopération décentralisée deux bennes issues de leur coopération avec l’agglomération du Val d’Orge en France. Les deux camions avec une quinzaine de bacs sont d’une valeur de 60 000 euros, soit un montant de près de 39 000 000 FCFA. Ils ont été remis par Eric Braive, Vice Président de l’agglomération du Val d’Orge en France, à la tête d’une importante délégation. Le matériel va aider à la collecte des ordures ménagères dans la communauté rurale. « Nous sommes venus dans le cadre d’une coopération décentralisation avec la communauté rurale de Sangalkam à l’initiative du Président Omar Guèye. Nous avons travaillé avec lui, il est venu de la France et nous avons décidé de mettre en place un partenariat avec lui afin de lui fournir deux bennes tasseuses qui sont venues cette semaine à Dakar pour qu’il puisse collecter l’ensemble des déchets dans la communauté rurale de Sangalkam », a déclaré Eric Braive. Malheureusement, la délégation spéciale ne pourra pas concrétiser les bonnes actions de la coopération décentralisée.

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Le Président du Conseil rural de Sangalkam, Oumar Guèye, et ses partisans avaient menacé d’organiser la révolte contre le régime de Wade si jamais ce dernier signait le décret portant nouveau découpage administratif. Après la publication dudit décret, il y a certes eu quelques manifestations de colère. Mais il n’y a pas eu de révolte. Et la descente d’Idrissa Seck à Sangalkam y a été pour beaucoup. Le pouvoir libéral se préparait certainement à une révolte des populations de Sangalkam après la publication du décret signé par le Président Abdoulaye Wade et qui fait de cette communauté rurale une commune, l’amputant ainsi d’une bonne partie de son territoire. D’ailleurs, c’est un imposant dispositif de sécurité qui a été envoyé à Sangalkam pour parer à toute éventualité. Résultat : il n’y a pas eu de révolte contre Abdoulaye Wade et son régime. Toutefois, il faut reconnaître que l’ancien Premier ministre Idrissa Seck a beaucoup contribué à calmer les jeunes de Sangalkam. En effet, dès la publication du décret en question, Idrissa Seck s’est déplacé, dans la nuit du mardi, à Sangalkam où il est resté jusque bien après zéro heure. Le maire de Thiès a ainsi demandé à Oumar Guèye, un de ses lieutenants, et aux populations de Sangalkam de ne pas céder à la « provocation » du pouvoir. Aux femmes de Sangalkam qui menaçaient de s’immoler par le feu, Idrissa Seck a dit qu’il avait besoin de leurs vies dans dix mois. Une façon de leur demander de ne pas se suicider et d’attendre la présidentielle de février 2012 pour sanctionner le régime de Wade. Idrissa Seck confie même qu’il veut entrer au palais présidentiel avec Oumar Guèye à ses côtés. D’ailleurs, au cours d’une cérémonie tenue ce mercredi, Oumar Guèye a salué la démarche de son leader, par ailleurs maire de Thiès. « Idrissa est venu et il est resté jusqu’à une heure du matin parce que ça a chauffé hier (mardi, ndlr) à Sangalkam. Idrissa a lancé un message de paix et à inviter les uns et les autres à se ressaisir afin de préparer les échéances qui viennent », soutient Oumar Guèye. Mais, ajoute-t-il, « il a lancé son message, nous sommes en train de l’étudier et de l’analyser. Il a joué son rôle et sa partition dans cette affaire ». Toutefois, le Pcr de Sangalkam a tenu à préciser : « Nous allons mettre tout dans la moulinette et nous allons sortir une résolution par rapport à une situation que nous considérons comme étant des plus sauvages. » Quoi qu’il en soit, Idrissa Seck aura au moins réussi à étouffer la révolte que Sangalkam promettait au régime de Wade. En tout cas pour le moment.

Nettali.net

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