De la nécessité d’une véritable réforme

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Non-application ou inadéquation de la loi en vigueur sur le foncier ? Les textes disponibles au Sénégal ne permettent pas d’élucider les récurrents litiges fonciers.
Le foncier continue de diviser. Il reste sans nul doute le secteur où l’Alternance a le plus imprimé sa marque avec des cas récurrents de corruption et d’accaparement de terres. Les menaces qui pèsent sur le secteur sont aujourd’hui innombrables et de plus en plus inquiétantes. Raréfaction des réserves foncières, exploitation illégale du domaine public maritime, pillage systématique des forêts classées…Sans parler de toute la spéculation sur le patrimoine national. A côté de ces pratiques dans la capitale et ses alentours, les litiges fonciers sont perpétuels dans les Communautés rurales et sujets à divers conflits. En témoigne les récentes confrontations dans la communauté rurale de Fanaye. Face aux enjeux fonciers devenus importants et largement favorisés par l’inadéquation du cadre juridique et institutionnel, les pratiques des acteurs (Etat, élus locaux, investisseurs…) s’éloignent davantage des textes législatifs. Et c’est sous l’ère Wade que ces incohérences se sont révélées au grand jour et que la course effrénée à la terre s’est amplifiée. Démasquant ainsi des personnes bénéficiant d’une proximité avec les élus, de relations politiques et d’autres moyens de corruption mis en œuvre pour accaparer les dernières réserves de terres exploitables. Pourtant, la propriété foncière au Sénégal est tout de même régie par des textes et organisée même bien avant l’indépendance. C’est ainsi qu’elle se divise en 3 catégories : le titre foncier individuel, qui donne l’entière propriété inaliénable d’un bien foncier ; le titre foncier d’Etat (bien foncier de l’Etat sénégalais) donnant la possibilité de devenir locataire par bail qui offre toutes les sécurités pour l’investisseur et enfin le titre non inventorié, biens fonciers attribués aux communautés rurales.

Malgré tout, l’accaparement des terres s’est fortement accentué sous l’ère Abdoulaye Wade. En plus des réserves foncières régulièrement pillées et déclassées (Cices, aéroport…), la gestion du patrimoine foncier est un des points de cristallisation, dans pratiquement toutes les communautés rurales du Sénégal, des rancœurs des populations. Pour cause, le foncier constitue le fondement et la base de la légitimité du pouvoir local.

Des réformes inabouties

Considérée comme une mutation sans bruit, la loi du 17 juin 1964 marque sans doute les débuts de la législation foncière au Sénégal. Mais elle apparait alors plus comme une « nationalisation » de 90% des terres. A l’entrée en vigueur de la loi de 1964 sur le domaine national, les communautés rurales n’existaient pas encore. La loi avait alors simplement stipulé que ceux qui détenaient des terres selon la coutume en devenaient automatiquement affectataires. Ainsi, le regroupement sous le contrôle de l’Etat de toutes les terres gérées dans le passé par la coutume continuait à suivre le schéma coutumier, selon les prévisions du Plan ministériel.

Jusqu’en 1996, la loi confiait aux services de l’Etat la gestion de son domaine (public et privé). C’est ensuite dans le cadre de la décentralisation avec l’intervention des collectivités locales que certaines terres relevant jusque là du pouvoir foncier des conseils ruraux ont été soumises à un régime spécifique. Seulement cette gestion du domaine national souffre de plus en plus de maux tels la corruption, le clientélisme. Très souvent, les accusations de corruption de conseillers ruraux, et aussi d’autorités administratives dans des transactions, ne sont pas rares, surtout dans les terroirs proches des villes. « La gestion du domaine national par les conseils ruraux est de plus en plus décriée par les ruraux bien que sur certains aspects, celle-ci résulte d’un compromis tacite entre les conseillers et les populations, et aussi les autorités de tutelle », écrit M. Jacques Faye dans une étude intitulée « Foncier et décentralisation, l’expérience du Sénégal » (Mai 2008).

De plus, les paysans ancrés dans la tradition, n’ont jamais réellement adhéré à la législation sur le domaine national, se considérant donc toujours comme les « propriétaires » et continuant de gérer suivant les règles coutumières. Par ailleurs, le déficit d’infrastructures et la mauvaise gestion n’arrangent en rien la situation actuelle. Selon les spécialistes, « le conseil rural ne dispose ni des compétences ni des ressources pour gérer son domaine : pas de cadastre, pas de personnel technique, pas de taxe perçue sur les terres affectées. Il ferme les yeux sur les locations de terres et n’hésite pas à régulariser des ventes de terres, y compris à des étrangers à la communauté rurale, par le biais de procès verbaux de désaffectation et réaffectation de terres ». S’y ajoute l’absence d’un système centralisé d’informations statistiques dans le domaine du foncier et le déphasage entre la réglementation en vigueur et les réalités qui constituent les premières contraintes dans le secteur.

La complexité de la législation foncière a conduit à des pratiques foncières difficilement maitrisables notamment par les populations locales qui ne peuvent presque plus y adhérer. Dans un communiqué publié le 27 Octobre dernier (suite aux incidents de Fanaye), le Cncr rappelle qu’« en dépit de la volonté pacifique de traiter équitablement la question foncière, un nouveau projet de texte qui visait à créer de vastes zones d’investissements intensifs en immatriculant les terres au nom de l’Etat a été, en 2008, introduit par le Gouvernement du Sénégal. Le projet de texte stipulait que ces terres devaient être cédées à titre de bail, droit de superficie ou titre foncier, uniquement à des investisseurs capables de les mettre en valeur suivant un modèle d’entreprenariat agricole ou d’agrobusiness. Ce qui excluait forcément les exploitations agricoles familiales ».

Aujourd’hui, toutes les lois ainsi que les projets de textes (loi du 18 juin 1964, réforme, loi agro-sylvo-pastorale…) sont soit en l’état ou alors ont montré leurs limites. Par conséquent, pour éviter les dérives constatées ça et là, il serait urgent de faire respecter la loi et les textes disponibles avant de procéder à des réformes importantes en adéquation avec les besoins de l’heure.

Pape Adama TOURE

Lagazette.sn

1 COMMENTAIRE

  1. FAITES-VOUS PARTIE DES INNOMBRABLES VICTIMES DE EGBOS (ENTREPRISE GENERALE DE BATIMENT OLAR SY) ET DE SON PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL, OMAR SY ?
    SI VOUS VIVEZ AU SENEGAL, EN EUROPE, EN AFRIQUE OU AUX USA, SOYEZ PRETS POUR VOUS FAIRE CONNAITRE AFIN DE FAIRE VALOIR VOS DROITS.
    .UN COLLECTIF DE TOUTES LES VICTIMES DE EGBOS VERRA BIENTOT LE JOUR

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