[Editorial de Abdou Ndukur Kacc Ndao] Remaniement ministériel: In-com-pétence présidentielle

EDITORIAL DE ABDOU NDUKUR KACC NDAO
REMANIEMENT MINISTÉRIEL : IN-COM-PÉTENCE PRÉSIDENTIELLE
«La diablerie n’est que la sauce que les idiots
répandent à pleine louche sur leurs échecs pour
masquer le fumet de leur incompétence». L’Ombre maléfique (1999)
George Raymond Richard Martin

Abdou Ndukur Kacc Ndao
Socio-Athropologue

L’humoriste Kouthia aurait pu prolonger sa satire en écrivant un nouveau scénario qui s’intitulera « Mimi moungui deem wayé Dione mougui ñew ». Une Mimi limogée le Vendredi 04. Un Dionne, nommé le dimanche 06 Juillet 2014. Un Etat qui est resté sans Premier ministre pendant 48 heures. Un PM qui a battu les records de constitution d’un gouvernement. Un gouvernement qui n’a pas encore de Secrétaire général. Un gouvernement de 33 ministres dont 3 délégués et 5 Secrétaires d’Etat. Un gouvernement qui a conservé ses alliés « stratégiques » (PS, LD, PIT, AFP). En revanche, un gouvernement qui s’est délesté de ses enfants qui ont perdu les locales dans leurs fiefs (Mbaye Ndiaye, Abdou Latif Coulibaly, Seydou Gueye, Benoit Sambou, etc.). Sans exception. Un gouvernement qui a récompensé ses enfants gagnants (Abdoulaye Diouf Sarr, Matar Ba, Mame Mbaye Niang, Mariama Sarr, etc.). Le Gladiateur de Fatick avait averti, sur une pointe de colère dont il a le secret, pour que nul n’ignore son destin post-électoral.

Pourtant, dans ce fouillis d’amères et de sucrés bons bonbons distribués par le Gladiateur de Fatick, on ne sait pas où classer Aminata Mbengue Ndiaye, du PS, pourtant perdante lors des locales. Compromis politiques acceptables ne serait-ce, peut être, que pour faire face à Khalifa Sall, ce jeune politicien aux dents longues et tellement efficace qui a laminé Mimi et la Coalition BBY, à Dakar, ville oh combien stratégique !

Un gouvernement de politiciens récompensés avec des bonbons sucrés ? Un gouvernement de cadres dits hauts ? Les compétences de ces politiciens récompensés seront-elles vraiment efficaces pour répondre aux nombreuses attentes de sénégalais ? Au royaume du Gladiateur de Fatick, seul le temps nous le dira avec assurance.

Un gouvernement où les grandes gueules sont devenues institutionnellement Secrétaires d’Etat, pour l’essentiel en charge de la propagande du Chef ? Pourquoi pas ? Un gouvernement de coquetteries familiales avec l’entrée en fanfare du « beauf » qui a gagné Saint-Louis. Pourquoi pas ? Car, parallélisme de formes pour parallélisme de formes, Monsieur le beauf a bel et bien gagné, dit-on, comme tous ceux qui ont gagné. Alors pourquoi lui priver l’entrée dans les feutrés lambris dorés du pouvoir où il mérite bien sa place comme citoyen qui a gagné aux côtés de son beauf et de sa sœur-première-dame-bien-aimée? Pourquoi ? On est en démocratie, non ? Heureusement que l’autre frangin, du moins pour le moment, n’est pas venu grossir les rangs de la fratrie qui fait son ascension lentement et surement au sommet de l’État. Ce beauf saura-t-il se contenter de sa Mairie de Guédiawaye qu’il a gagnée lui aussi, en bon citoyen libre ?
Il reste que pour beaucoup de sénégalais, le « clan Sall-Faye » tisse sa toile, progressivement, au cœur de la République et de l’appareil d’Etat. Et ce fait qui nous rappelle le clan Wade poussé en prison en partie pour ces raisons, les laudateurs du régime n’en ont cure. L’anthropologue français, Claude Lévi-Strauss, ne saurait pas si bien dire, lorsqu’il compare le mariage à une forme de d’alliance et communication sociale. En mettant l’accent sur les interdépendances, le mariage sert indéfiniment à l’extension des lignages et des bases sociales des familles. Et s’il sert, dans le cas d’espèce, au bitumage des fleurs et au partage du butin !!!

Dans ce lourd climat d’accusations de patrimonialisation et de « filiation » de notre appareil d’Etat, le Gladiateur de Fatick aurait dû réfléchir deux fois à tout ça avant de placer son clan et ses beauf au sommet de l’Etat. Mais, enfin, que voulez-vous, tout le monde ne pense pas pareil !!!!

Alors, le PM, lui-même. À peine nommé, il appelle les sénégalais au travail, comme s’il a constaté que ces derniers ne travaillaient pas depuis si longtemps que le Gladiateur de Fatick est aux commandes du pays. Peut-être devrait-il faire un tour à Lagane pour voir ces milliers d’hectares de terres labourés à chaud par ces paysans aux mains nues qui doivent être ahuris qu’on les appelle au travail qu’ils font seuls depuis des générations.

Devrait-il faire le tour de la vallée du fleuve Sénégal pour voire nos agriculteurs dans les périmètres irrigués villageois. Qu’il aille rendre visite aux femmes des faros de la Casamance qui travaillent, en moyenne, 16 heures de temps par jour. Ou les bonnes vieilles dames de Guédiawaye ou Pikine qui se lèvent à 5 heures du matin, ballottées par les vents et brises matinaux et « sardinées » dans les Ndiaga Ndiaye ou Cars Rapides, pour chercheur du poisson à revendre dans les marchés. Peut être devrait il aller au PAD, pour voir les centaines de Dockers ou matelots au boulot!!!

Appeler les Sénégalais qui travaillent, au travail, est d’une indécence frivole et bureaucratique. C’est un regard hautain et urbano-bourgeois fait aux travailleurs qui travaillent, par ceux qui, sourds aux appels des travailleurs, ne savent pas qu’ils ne travaillent pas ou travaillent très mal. Je n’aime pas ceux qui mesurent la quantité de travail des sénégalais à l’aune de la quantité de travail de nos administrations trop laxistes et, parfois, absentes.

S’il rendait visite aux Sénégalais de l’intérieur et de l’extérieur, le PM se rendra vite compte que les sénégalais qui travaillent dur tous les jours, il y en a une tonne et un quintal. Ô immigrés et immigrées, je vous parle en ce mois de ramadan et vous dis ceci : malgré l’exclusion, le racisme, les brimades, la précarité et le manque de considération dont vous êtes souvent victimes dans vos pays d’accueil, réussir chaque année à rapatrier plus de 700 milliards de FCFA au pays, il faut travailler pour le faire, non ?

Le PM a parlé. Nous sommes circonspects mais lui souhaitons bonne route. Nous attendons de savoir s’il est capable sous la direction du Gladiateur, de faire Émerger le Sénégal. Après tout il était tout récemment le grand manitou de ce programme qui a été pensé par l’étranger pour nous et qui nous a coûté, au bas mot, 1 milliard 300 millions de FCFA. Quelle juteuse expertise et quelle transparence démocratique, surtout que le rapport estampillé McKinsey qui en est le sceau, reste mystérieusement introuvable !

Je dois dire mon scepticisme face à ce nouveau gouvernement car le vrai problème du Sénégal, c’est l’incompétence du Président Macky Sall et de nombreux ministres qui l’entourent à prendre les solutions radicales pour mettre de l’ordre et la discipline dans ce pays où personne ne devait en principe être au dessus de la loi républicaine. Qu’a-t-il vraiment appris en vérité, le Gladiateur de Fatick, de sa carrière administrative et technique, de son passage au ministère des mines, de l’intérieur, en tant que PM, comme Président de l’Assemblée nationale et comme président de la République ? Quoi ? Que les Sénégalais ne travaillent pas ? Ouf !!!!
Si le gouvernement ne travaille pas ou ne travaille pas assez, c’est parce que le Président Macky Sall n’a pas la force et l’énergie intellectuelle pour conduire le pays vers les ruptures que les travailleurs de ce pays attendent de lui comme chef d’État responsable. Où va sa politique des biens mal acquis ? Les prochains mois nous édifieront des suites de cette opération salutaire devenue une des plus grande farce collective qu’il nous ait inventée.

Il est vrai qu’il faut se garder de caricaturer aussi les difficultés profondes que traverse notre pays et qui dépassent les seules responsabilités du Chef de l’Etat et de son camp. Il reste que les Sénégalais l’ont élu pour ramener l’orthodoxie institutionnelle et financière, renforcer notre Etat de droit, punir ceux qui portent atteinte à nos libertés, approfondir notre système démocratique et répondre à la forte demande sociale.

De tout cela, le Président Macky Sall est incapable, jusqu’à présent, d’inventer des solutions qui nous rassurent. Voilà la triste vérité des faits !!!!Et si ça continue, cette farce collective, il doit savoir que 2019 c’est dans 5 ans et 5 ans en politique, n’est pas loin.

Abdou Ndukur Kacc Ndao