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Et quelle Dia-sporà pour un Sénégal émergent ? par Moussa Bala Fofana

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« La politique c’est éphémère mais une équation est éternelle » De Albert Einstein

 

La DIA-SPORÀ est devenue une actrice qui se fait de plus en plus entendre sur les grands enjeux  politiques. Sa revendication d’un droit à la parole et d’un traitement plus soigné semble être légitimée par le pouvoir financier qu’elle déverse dans un pays où la jeunesse n’a qu’un mot à la bouche : partir !

En effet, cet espoir que suscite une vie dans la Dia-sporà peut se mesurer aux sacrifices des parents pour faire émigrer leurs enfants sans savoir s’ils les reverront un jour. Mais la Dia-sporà est aussi un espoir synonyme de désespoir, et cela se mesure par le sacrifice ultime que nos jeunes consentent dans les gouffres amers de l’atlantique, quand la voie des airs leur est coupée !

Ainsi, le poids de la diaspora et sa dimension mythique entrainent une  sollicitation des politiques, des banques, des marabouts, des artistes et même des lutteurs…. Cependant, la dérive est qu’on parle de la diaspora comme d’un groupe doué d’une conscience collective. La Dia-sporà est subitement devenue une entité à part, avec son ministre, son électorat, sa presse, ses revendications et la dernière trouvaille de nos gouvernants, un Secrétaire d’État.

Nos gouvernants considèrent  ainsi la Dia-sporà comme la 15e région ; je dois avouer que cette conception ne repose sur aucune réalité administrative, sociologique ou géographique …

Ma préoccupation est qu’à aucun moment la Dia-sporà n’a été l’objet d’une programmation  stratégique dotée d’un dispositif organisationnel et qui matérialiserait la vision politique d’une émigration comme un pilier de croissance, d’émergence, de développement ou d’un phénomène à atténuer. Par ailleurs, le mal être social qui alimente le phénomène de la folie des pirogues, des meurtres de citoyens sénégalais à l’étranger, des conditions de vie atroces et  les cas de brutalités et d’échecs des émigrés, devrait au moins inciter nos gouvernants à mettre en place un observatoire de l’émigration digne de ce nom pour comprendre ce phénomène et agir conséquemment.

 

Hélas  que nenni! Vous commencez à comprendre le sens de ma préoccupation, la Dia-Sporà ne doit pas et ne peut pas se définir comme une entité à part, tel un groupe social même si elle est une réalité pesante, forte, porteuse de richesses et d’initiatives. Mon postulat est que les émigrés n’ont pas besoin de représentant, de député ou que sais-je encore. Mais plutôt d’un programme d’action publique  basé sur une vision politique globale faisant le lien entre les réalités de notre état de pauvreté et  les opportunités de développement qu’offre l’émigration. Et dans le sens inverse, toutes initiatives politiques et citoyennes qui venaient à être impulsées depuis la diaspora doivent avoir une motivation et des propositions de solution concrète pour nos concitoyens au Sénégal et ces initiatives ne sauraient prospérer si elles ne sont pas portées par ces derniers.

Ainsi, je réfuterai le nombrilisme d’une Dia-sporà qui ne pense qu’à l’amélioration de sa propre condition, et je fustigerai toute stratégie politicienne, ayant pour but latent, la recherche de poste au nom de cette politique politicienne fondée sur la nécessité supposée de représenter un groupe qui n’en est pas un. Il faut comprendre que les partis d’opposition cherchent à amadouer la diaspora dans le seul but financier (cotisation, carte de membre, création de sites web, hébergement et financement lors des tournées politiques). Et au même moment, le parti au pouvoir déverse de l’argent dans cette diaspora pour acheter leur vote afin de pouvoir légitimer les résultats sur le territoire national. Car on ne peut pas dire qu’un régime a volé les élections dans le pays s’il est aussi vainqueur à l’extérieur du pays. Voilà l’enjeu politicien qui plombe les vrais enjeux de développement.

 

Ainsi pour des penchants purement électoralistes, nos politiciens passent à côté des potentialités et des opportunités de la diaspora, notamment en ressource humaine prédisposée à créer le déclic dans un pays qui aspire à la rupture. Car il se trouve que nous sénégalais qui vivons dans la Dia-sporà, évoluons dans les systèmes de recherche, de planification et de gestion (financiers, commerciaux, universitaires, hospitaliers, technologiques, agricoles, énergétiques, industriels, etc.) les plus performants au monde. Et Il se trouve que le Sénégal a un problème de système à tous les niveaux. Notre contribution est importante et décisive, mais elle ne peut être bénéfique si nous sombrons dans l’instrumentalisation politicienne. Le postulat de mon assertion se fonde sur le fait que l’immigration est une condition d’abord individuelle et situationnelle. L’étudiant en France n’a pas les mêmes problèmes que l’étudiant au Canada. Le commerçant du Baol qui va  en Italie n’a pas les mêmes aspirations que le fonctionnaire sénégalais qui émigre au Canada. Nous provenons de différents endroits, partons pour des raisons différentes et nous nous trouvons dans des pays différents. La réussite de notre projet d’immigration, le type d’aide que nous apportons à notre pays et les méthodes pour récupérer cette ressource humaine enrichie par le voyage, changent en fonction de l’origine de l’émigré et du cadre d’accueil dans le pays hôte. Voilà la pertinence d’une approche localisée depuis  le pays d’accueil à travers des ambassades aux missions renforcées et adaptées aux besoins des émigrés et du contexte national.

 

In fine, on comprend alors que la diaspora est bien une « communauté imaginaire » pour reprendre l’expression popularisée par Benedict Anderson. Car elle est diffuse et complexe en ressources, et qu’elle ne mérite  donc pas ce terme générique et simpliste de DIASPORA dont l’étymologie se passe de commentaire. Le terme est  initialement un terme botanique signifiant « dispersion des graines ». Du grec ancien ???????? (diasporá, « dispersion ») construit avec le préfixe ???, (dia-) et ?????, (sporá, « ensemencement ») issu du verbe ?????? (speíro, « semer ») qui a aussi donné « spore » en français. Ce retour à la source du mot par l’étymologie, confirme l’état éclaté de notre objet d’étude et milite, par voie de conséquence, pour une approche diffuse et locale de l’action publique vers les émigrés. Ainsi, le renforcement du dispositif de nos ambassades implique l’information sur la situation des pays d’accueil, l’assistance en cas d’urgence et surtout la connaissance  parfaite des émigrés en terme de profession, de diplôme, de savoir-faire et de capacité d’investissement.

 

Voilà l’enjeu de la gouvernance, elle se situe dans la capacité d’accompagnement des émigrés, et je précise que nous ne demandons pas un privilège, mais seulement de l’assistance publique organisée et adaptée, afin de pouvoir réussir notre projet d’émigration et de pouvoir faire mieux et plus pour notre patrie. C’est honteux que la FAO finance des études pour savoir comment inciter les émigrés originaires de Louga à investir dans l’agriculture et que notre État se complaise à des actes politiciens de distribution d’argent, de nomination politicienne et de déclaration creuse d’une diaspora qui serait la 15e région.

Il faut à ce régime, et c’est ce qui a qui a manqué à ses prédécesseurs, une vision politique exprimée à travers une stratégie nationale de l’émigration sur 20 ans, exprimant le rôle de l’émigré dans notre volonté d’émergence économique. Cette SNED (Stratégie Nationale de l’Émigration pour le Développement) va jeter les bases des programmes et projets quinquennaux qui seront aiguillonnés par une recherche scientifique des flux migratoires. Car retenons que si la diaspora juive est devenue l’un des atouts d’Israël, même dans le combat diplomatique, c’est bien parce qu’Israël en a compris les  enjeux, développé et appuyé  ces flux d’émigration, mieux évalué les opportunités d’affaires et de ressources humaines et tiré ainsi profit des opportunités de transfert de compétences, de technologie et de flux financiers. En somme, l’État du  Sénégal doit comprendre que l’émigré est un acteur potentiel de développement. Et il doit formuler sa logique d’action publique sur cette conviction et proposer une vision dotée d’objectifs globaux et d’objectifs spécifiques et ensuite incuber une stratégie dont la mise en œuvre doit suivre  les principes d’une gestion axée sur les résultats et les ambassades doivent en être les cellules de gestion. Ainsi, ce que nous attendons du pouvoir en place c’est  une contribution effective faisant de chaque projet d’émigration une réussite pour l’émigré et pour le pays.

Mais tout cela demande une volonté politique sincère et éclairée par des connaissances scientifiques avérées. C’est en ce sens qu’un observatoire de l’émigration en bonne et due forme constituerait la tête pensante de cette stratégie politique. Rattaché aux milieux universitaires, son objectif serait de produire des données sur la typologie des flux d’émigrants, les origines régionales, les motivations, les parcours et les réalités du pays d’accueil et les formes d’absorption des fonds venant des émigrés. Il s’agit de produire la connaissance scientifique  nécessaire à une action publique qui se respecte, afin de bien saisir l’ampleur du phénomène, les opportunités et les risques, les tendances et les orientations stratégiques à prendre. Nous sortirons alors de l’ère des politiques étrangères de représentation politicienne et bureaucratique, pour évoluer vers une diplomatie au service des émigrés, ayant le sens des affaires et  participant ainsi à l’effort de développement économique. Nos ambassades cesseront alors d’être des mouroirs pour politicien à la retraite ou de joujou pour jeune politicien de la diaspora et pour enfin devenir des structures proactives, incubatrices et porteuses d’une stratégie de développement faisant de l’émigré un acteur à valeur ajoutée dans notre politique d’émergence.

 

Moussa Bala Fofana (CanadaMontréal)

* Ancien Conseiller Technique de Cabinet Ministériel–Gouvernement du Sénégal 2012-2013

* Conseiller Financier en Banque, Services  Financiers & Représentant en Épargne Collective.

– Ingénieur d’Étude en Planification des Projets et Programmes – l’Institut National Polytechnique Lorraine (INPL)

– Spécialiste en Sociologie du Développement, des Organisations et de l’Action  Publique.

– Expert en Développement Territorial (Aménagement et urbanisme), Développement Économique Local et Transfrontalier.


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