Les propos de Donald Trump sur les femmes, les immigrés et les musulmans ne semblent pas sans effet. De nombreux psychologues s’inquiètent des conséquences psychologiques des sorties du candidat républicain sur les plus fragiles. Explications.
Les propos du candidat républicain nuisent gravement à la santé mentale. C’est du moins le constat émis par de nombreux thérapeutes américains. Depuis plusieurs semaines, psychologues et enseignants américains tirent la sonnette d’alarme sur les effets pervers que peuvent avoir les sorties de Donald Trump sur les esprits les plus vulnérables.
« Dans l’ensemble, je remarque qu’il y a une augmentation significative des symptômes des troubles de l’anxiété, explique à France 24 Meredith Shirey, une psychologue spécialisée dans le mariage et la famille, basée à New York. Le discours de Donald Trump et l’élection présidentielle semblent avoir un effet sur beaucoup de mes patients, et notamment sur ceux issus de minorités ethniques qui sont régulièrement visés ».
Les propositions phares du candidat sur la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique pour empêcher ce peuple de « trafiquants de drogue, de criminels, de violeurs » de pénétrer aux États-Unis ou l’interdiction aux musulmans de fouler le sol américain, semblent avoir perturbé les esprits. Mais ce sont surtout ses propos sur les femmes et les allégations d’agressions sexuelles récemment révélées dans la presse qui ont eu les conséquences les plus troublantes.
« Trump, Trump, Trump »
« Les confidences de Trump sur ses pratiques sexuelles avec les femmes ont réveillé de profonds traumatismes chez certaines victimes, explique à France 24 Lindsey Pratt, une psychothérapeute de New York spécialisée dans les traumatismes sexuels. Beaucoup de patients qui n’ont pas pansé leurs plaies car leurs propres agresseurs ont été tirés d’affaire, ont été horrifiés d’entendre Trump se vanter de ses prouesses sexuelles. Les révélations de cet homme, qui n’a pas non plus été inquiété par la justice, sont d’autant plus dures à entendre pour les victimes qu’il tente de les réduire à de simples ‘discussions de vestiaires’ ».
Et la large couverture médiatique de la campagne présidentielle n’aide en rien ces victimes qui « affirment ne pas pouvoir échapper à ses déclarations » et aux souvenirs douloureux qu’ils font resurgir, poursuit Lindsey Pratt.
Meredith Shirey et Lindsey Pratt sont loin d’être les seules à tenir un tel discours. Comme elles, des centaines d’autres psychologues à travers le pays ont apporté leur signature à un manifeste publié en ligne pour dénoncer les effets dévastateurs des propos du candidat à la Maison Blanche.
À l’origine de ce manifeste : William J. Doherty, professeur au Département de la famille des sciences sociales à l’Université du Minnesota et un thérapeute avec quarante années de métier. Ce dernier a décidé d’agir après avoir vu de jeunes néo-facistes dans les rues d’une ville autrichienne pendant ses vacances et par crainte de voir le même phenomène dans son propre pays. Tous deux partagent l’idée que le discours de Trump peut avoir un effet direct sur le bien être des gens et peut creuser un fossé au sein de la population ».
D’autres psychologues se montrent plus inquiets encore : ils redoutent que les paroles et les actions du candidat républicain n’influencent le comportement des Américains – qu’il s’agisse d’agressions sexuelles ou d’injures raciales. La parole de magnat de l’immobilier a largement contribué « aux États-Unis à légitimer et normaliser les pires instincts, qu’il s’agisse d’ostraciser ou d’insulter ceux que l’on appelle ‘les autres' », explique Doherty. »
Nombre de professionnels, notamment ceux qui travaillent avec un jeune public ont déjà pu constater que les jeunes se comportaient mal avec les plus faibles et les minorités ethniques. Un patient a récemment rapporté, selon un thérapeute, que lors d’un match de basket-ball dans un lycée, de jeunes spectateurs reprenaient en cœur depuis les gradins des slogans comme « Trump, Trump, Trump » et des chants relatifs à la construction d’un mur contre une des équipes composée d’une majorité de joueurs issus de l’immigration ».
« L’effet Trump »
William J. Doherty n’est pas le seul à avoir analysé l’impact des déclarations de Trump sur les plus vulnérables. Cela porte même un nom : « l’effet Trump ». L’expression est née d’un rapport publié en avril par la Southern Poverty Law Center, une association américaine apolitique reconnue pour ses travaux de surveillance sur l’extrême droite et les associations prônant la haine aux États-Unis. Dans ce rapport, environ 2 000 enseignants ont été interrogés sur la manière dont la campagne présidentielle affectait les élèves. Les résultats de l’étude sont édifiants : plus d’un tiers des professeurs ont affirmé avoir observé une augmentation du sentiment anti-musulman ou anti-immigré chez leurs élèves.
Un enseignant a même rapporté que l’un de ses élèves a affirmé à un camarade musulman qu’il soutenait Donald Trump « parce qu’il allait tuer tous les musulmans s’il est devenait président ! ». Un autre enseignant a lui raconté comment le terme « sale mexicain » était devenu une insulte commune au sein de l’école. « Avant la saison la campagne présidentielle, je n’avais jamais entendu cette expression », a déclaré le professeur.
Reste que cette étude a été réalisée avant les révélations de Trump sur les femmes et les allégations d’agression sexuelle ne deviennent publiques. Shirey et Pratt craignent logiquement que ces nouveaux propos scabreux ne provoquent des comportements similaires. « Ses commentaires risquent de rationaliser les comportements des plus pervers », s’inquiète Shirey, elle-même victime d’une agression sexuelle par le passé. « Quand un personnage public se vante de ce genre de choses, il donne l’impression que ces actes peuvent être pris à la légère », ajoute Pratt. « Cela peut encourager quiconque à penser qu’il peut s’en sortir sans être inquiété ».
France 24