Histoire secrète – Diouf a pourtant hésité à se représenter en 2000 (Par Thierno Diop, journaliste)

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Selon la version connue, Abdou Diouf a démocratiquement concédé sa défaite face à Abdoulaye Wade en 2000. Mais ce que l’on ne dit pas souvent, c’est que des pontes du régime socialiste avaient tenté d’exercer des pressions pour l’amener à s’accrocher au pouvoir. C’est que l’on nous explique dans un livre intitulé FRANÇAFRIQUE : OPERATIONS SECRETES ET AFFAIRES D’ETAT, signé Pierre Airault et Jean-Pierre Bat, publié en 2016. « En début de soirée, plusieurs caciques socialistes sont passés le voir pour lui suggérer de passer en force », confirme le livre, revenant sur le 19 mars 2000.

« Diouf a pourtant hésité à se représenter – la France lui a conseillé de ne pas le faire. Il s’est finalement laissé convaincre par des cadres de son parti comme Ousmane Tanor Dieng, Daouda Sow et Robert Sagna, de crainte de voir exploser le parti », précise encore l’enquête.
En réalité, Paris était soucieux de défendre ses intérêts au Sénégal. De plus, pendant tout ce temps qu’il a été dans l’opposition, Me Abdoulaye Wade n’était pas perçu comme une menace. Il a toujours promis de « maintenir les axes de la coopération avec la France », comme il en fit la promesse à la présidentielle de 1993, à l’étape de Thiès. D’ailleurs, François Mitterrand n’a-t-il pas joué un grand rôle pour obtenir la libération du pape du Sopi, qui va intégrer le gouvernement de majorité présidentielle élargie, quelques mois après sa sortie de prison ?

De toutes les façons, la France prenait très au sérieux l’éventualité d’un passage en force. C’est pourquoi pendant l’entre-deux tours, l’ambassade de la France à Dakar a passé plusieurs messages afin que Diouf et sa famille acceptent la défaite qui se profile. L’alors ambassadeur de France, Jean de Gligniasty, fit diffuser plusieurs messages, via l’antenne locale de la Radio Nostalgie, pour indiquer les pions de regroupement, en cas de troubles.

Même après le fameux coup de fil de Abdou Diouf, Abdoulaye Wade ne sera pas rassuré. Le livre détaille : « Francis Kpatindé, l’envoyé spécial de Jeune Afrique, se trouve au domicile de Wade avec lequel il discute quand son factotum vient l’informer d’un appel urgent. Wade sort alors de la pièce pour aller s’isoler dans son bureau avec Abdoulaye Bathily, un proche allié.
À son retour, Francis Kpatindé l’interroge : « Que se passe-t-il ? » Réponse de l’intéressé : « C’était Diouf. Il vient de me dire que j’ai gagné. » « Félicitations, Monsieur le Président ! » lui déclare le journaliste. « Pas si vite. Avec Diouf, il faut s’attendre à tout », lui rétorque celui qui ne veut pas encore y croire. Wade, qui se présente pour la cinquième fois à la magistrature suprême (dont trois défaites contre Diouf), n’a foulé le sol sénégalais que le 20 octobre, venu par un Falcon de location, et a dépensé peu d’argent dans la campagne. Son retour a été difficile. À son arrivée à Dakar, des instructions ont été données pour qu’il soit privé du salon d’honneur. La télévision nationale n’a pas montré une seule image. Il y a pourtant un million de personnes dans la rue.
Mais l’heure n’est plus à la nostalgie. Juste après son coup de fil, Diouf a fait envoyer une déclaration aux journaux, reconnaissant sa défaite, sans attendre la proclamation des résultats officiels, prévue le vendredi. La transition sera exemplaire. Afin de préparer la prestation de serment, Diouf recevra Wade avant de l’accueillir, une fois investi, pour lui faire visiter le palais présidentiel et lui présenter le personnel. Il quittera ensuite les lieux avec sa famille. Certains ont rapporté – pour se venger ? – que Viviane Wade, une fois Adbou Diouf parti du palais, aurait déclaré : « Désormais, nous n’aurons plus de problème d’argent ! »

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