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«Le virus Ebola s’est retrouvé à 2500 kilomètres de sa zone habituelle de circulation»

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INTERVIEW-Sylvain Baize, responsable du centre national de référence (CNR) des fièvres hémorragiques virales au laboratoire P4 Pasteur-Inserm de Lyon, a, le premier, identifié le 21 mars le virus Ebola à l’origine de l’épidémie apparue en Guinée qui s’étend désormais aux pays limitrophes de l’Afrique de l’ouest: la Côte d’ivoire, la Sierra Leone, le Mali… Entretien.

Cette nouvelle épidémie du virus Ebola qui frappe l’Afrique de l’ouest est-elle sans précédent?
Oui et non. Des épidémies similaires en République démocratique du Congo, en Angola et d’une manière plus générale en Afrique centrale ont déjà été recensées faisant à chaque fois entre 100 et 300 morts. Cependant, l’émergence nouvelle du virus en Afrique de l’Ouest et l’apparition de foyers secondaires à Conakry, la capitale de Guinée, est une première. Ce qui est étonnant, c’est qu’il n’y a pas vraiment de particularité pour cette souche. On s’attendait à découvrir celle dite «Taï forest», recensée en Côte d’Ivoire, pas très loin de la source de l’épidémie actuelle. La «Taï forest» avait été découverte en 1994 et avait été à l’origine de plusieurs cas chez les grands singes. Il n’y avait eu qu’un seul cas humain, conséquence d’une manipulation d’un chimpanzé atteint du virus Ebola. Cependant, comme on savait qu’il évoluait dans la forêt de cette région, on s’attendait à trouver cette espèce-là (en Guinée). On est donc très étonné que le virus à l’origine de cette nouvelle épidémie soit issu de la même souche que celle présente en Afrique centrale. Ce qui est vraiment singulier, c’est qu’il se soit retrouvé à 2 500 kilomètres de sa zone habituelle de circulation.

Comment le virus a-t-il pu arriver jusqu’en Guinée?
C’est la grande question, à laquelle il va falloir essayer de répondre une fois que l’épisode épidémique sera passé. Une réponse ne pourra être apportée qu’à plus ou moins long terme, grâce à des études sur le terrain, notamment en capturant des chauves-souris ou en étudiant des cadavres de grands singes. Ce qu’il faut savoir, c’est que le virus Ebola est maintenu dans la nature par le biais de son réservoir, qui, a priori, serait la chauve-souris. Même si cela n’a pas été totalement démontré, c’est une très forte probabilité. Ces chauves-souris hébergent le virus de façon permanente, persistante, sans être symptomatique. Elles le transmettent par voie verticale à leur descendance et par voie horizontale à leurs congénères. C’est ainsi que le virus persiste dans la nature depuis des milliers d’années. De temps en temps, accidentellement, il va se transmettre par erreur à un autre animal comme le grand singe. Quand ces grands singes sont affectés, ils développent la même pathologie que l’homme et peuvent mourir très rapidement. En cas d’épidémie on a donc souvent des épizooties (maladie frappant une espèce animale ndlr). Donc il sera utile d’essayer de mettre la main sur des grands singes atteints, pour comprendre d’où vient le virus. Pour l’instant, on n’a aucune information sur la souche index (la première souche, ndlr). Le premier homme qui a contracté la maladie est mort en 1976 et n’a pas été documenté. On pourra difficilement remonter l’histoire à partir de ce cadavre et il sera bien plus intelligent d’essayer de comprendre ce qui se passe dans la forêt. C’est-à-dire savoir si le virus est implanté de manière définitive chez les chauves-souris de la région, ce qui donnera un éclairage sur les conséquences pour demain. Si c’est le cas, ça voudra dire que la zone d’Afrique de l’Ouest, qui était jusque-là préservée, est aujourd’hui atteinte.

Comment le virus se transmet-il à l’homme?
L’homme se contamine le plus souvent par contact avec un animal infecté. Quelqu’un par exemple qui va aller en forêt, chasser des animaux ou manipuler des cadavres infectés. En Guinée, on consomme la viande de chauve-souris, comme en Afrique centrale celle des singes. La manipulation de ces animaux morts avant la cuisson est parfois source de transmission du virus index. Une fois cuit, le virus n’est plus contaminant, on ne peut donc l’attraper en mangeant de la viande cuite.

Après l’infection du premier cas, la maladie se transmet de proche en proche et l’épidémie démarre. Entre humains, heureusement, le virus ne se propage pas par l’air et par voie respiratoire. Auquel cas les épidémies seraient catastrophiques. Il se transmet par contact étroit avec un malade. Comme celui avec son patient d’un membre du corps médical qui peut manipuler les draps sales, le soigner, lui tamponner le front. Le plus grand risque vient d’un contact avec les muqueuses ou avec des lésions ou des microlésions.

Comment briser la chaîne de propagation du virus?
Depuis quarante ans, on limite les propagations des épidémies de la fièvre hémorragique Ebola de la même manière, qui est d’ailleurs très efficace. Il est impératif d’empêcher l’interaction humaine pour endiguer l’épidémie. Cela passe par trois approches. Primo: isoler les malades, il faut donc établir un diagnostic le plus rapidement possible et protéger au mieux le personnel soignant. On harnache les gens avec des combinaisons intégrales, qu’on décontamine dans des sas intermédiaires. C’est extrêmement efficace. Deuzio: empêcher le patient de contaminer ses proches. Evidemment, c’est un peu brutal pour les familles, on les empêche même de faire des obsèques dignes de ce nom pour les patients. Il y a eu du progrès, mais il y a 20 ans au Gabon c’est la Croix Rouge qui enterrait les patients morts du virus et la famille ne pouvait même pas les voir. Tertio: il faut tenter de recenser tous les contacts potentiels qu’ont eus les malades, et c’est sans doute la chose la plus difficile à mettre en place. Aujourd’hui, on est à peu près à 400 contacts suivis en Guinée, c’est un travail et une logistique énormes. Ces contacts sont suivis, informés. On leur dit que s’ils ont le moindre symptôme, il faut tout de suite aller se faire isoler, car au premier symptôme (une forte fièvre, ndlr), on devient contagieux. C’est aussi toute la difficulté, car les gens n’ont pas forcément envie de se retrouver en chambre d’isolement au milieu de plein d’autres patients atteints du virus Ebola. Si on arrive à mettre en place ces trois principes, on parvient très vite à arrêter l’épidémie.

Où en sont les recherches d’un traitement?
Le traitement aujourd’hui est toujours au stade expérimental et, à mon sens, il ne doit pas être très avancé au vu des données publiées. Il y a bien quelques molécules à l’étude qui ont démontré des propriétés intéressantes, mais il n’y aura rien de disponible dans les prochaines années. Pour les vaccins, c’est le même problème. Il y en a plusieurs en étude qui ont des résultats probants sur les singes. Des vaccins ont même démontré une efficacité chez les primates en post-exposition. C’est-à-dire que l’on a pu sauver des singes infectés, puis vaccinés à titre thérapeutique. Mais on est encore loin de pouvoir l’appliquer sur l’homme. En plus, le processus pour mettre le vaccin en place demande un investissement financier tellement énorme que même si on avait un candidat formidable, ça prendrait des années pour le développer à grande échelle. C’est encore plus vrai et difficile pour les maladies orphelines comme le virus Ebola. Dans ces conditions pourrait-on aller jusqu’à la commercialisation au vu des coûts? La question est là, sachant que Ebola représente environ 2 000 cas en quarante ans, soit entre 1 200 et 1 500 morts, il n’est pas sûr que la mise en circulation d’un vaccin pourrait rentrer dans la stratégie d’un laboratoire pharmaceutique.

En France, le ministère de la Santé a mis en place un certain nombre de mesures de prévention, comme la prise en charge des voyageurs provenant des pays concernés ou un appel à la vigilance des médecins sur le territoire. Y a-t-il un risque réel d’importation du virus?
Nous sommes impliqués comme conseil auprès des autorités de santé. On participe aux débats et aux réflexions sur le sujet. Nous adhérons complètement aux mesures mises en place. Même si le risque d’importation est très peu probable. Il y a très peu de cas d’importation. On en a recensé un par exemple, en 1997, d’une infirmière infectée en Afrique du Sud via une personne qui venait du Gabon. Evidemment le risque sera à réévaluer en fonction de l’évolution de la situation à Conakry. Si l’épidémie reste dans ses foyers, le risque est proche de zéro. Après, si l’épidémie explose, le risque pourrait augmenter. On n’en arrivera sûrement pas là. Mais même si le risque est minime, il est absolument nécessaire de le prendre en considération. Il est indispensable de prendre un certain nombre de mesures de prévention, vu la gravité qu’aurait l’importation d’un cas sur le territoire national.
liberation.fr

1 COMMENTAIRE

  1. Au secours! Au secours!
    Tout le sable entre la Cité Biagui 2 de Guédiawaye et la plage est en train d’être enlevé par les charretiers!! En plein jour! Chaque jour! Et le Poste de Police est situé à moins de 500 mètres!
    Où est la Brigade de l’Environnement?
    Où est le Service des eaux et Forêts?
    C’est triste

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