Macky Par Ci, Macky Par Là ! Par Momar Seyni Ndiaye

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Pendant une quinzaine de jours, il y en a eu que pour le président de la République. En communication, cela s’appelle une stratégie de duplication, tous médias. Et en communication politique, on aurait tout simplement parlé de fixation des occurrences positives. Partant de ce dernier postulat, on comprendrait alors, pourquoi la stratégie devient une combinaison savante des moyens et des objectifs pour une finalité précise.

Le Président, et c’est le moins qu’on puisse dire, n’a pas lésiné sur les moyens. L’inauguration festive du Centre International de Conférences de Dakar. Une vraie bamboula en direct ! Une tournée économique hyper médiatisée avec un déploiement politique de grande envergure. Une invite à la table de la presse passée en boucle jusqu’à complète saturation. Des allers et retours au Burkina et au Ghana, pour ramener Ouaga sur le chemin de la normalité démocratique.

Dans cet enchevêtrement d’évènements, le Président aurait bien pu tirer son épingle du jeu, si l’excès de présence médiatique n’avait pas confiné à la propagande politique. Et surtout si l’effort de cohérence des messages était prégnant. Ce matraquage médiatique, particulièrement de la presse publique, a fini par créer une sorte d’overdose comme au bon vieux temps des Senghor, Diouf et Wade.

Or, il apparaît bien à travers ces évènements subis (Burkina) ou créés (l’inauguration du Centre International des Conférences de Dakar, la tournée économique et la ‘Table de la presse’), que le message du Président pouvait se résumer en deux axes de communication : l’ancrage démocratique du Sénégal dans son rôle de sentinelle, et l’autosuffisance alimentaire en riz, une perspective rassurante.

Dans un contexte aussi fertile à la valorisation, interdire un meeting politique normal transfigure l’image présidentielle. Comment peut-on être à la fois précurseur et pourfendeur ? L’armure a été fendue et l’image présidentielle avec !

Sur l’image du Sénégal comme modèle démocratique, pas l’ombre d’un doute, même si les intentions prêtées au Président d’avoir soutenu Blaise Compaoré ont fait flop. Le choix d’un référendum en 2016 pour rendre effective la réduction à cinq ans du mandat du Président a paru crédible, balayant de fait toutes les accusations de duplicité. Même sur l’autosuffisance alimentaire, les promesses, avec de forts accents de réchauffé, ont fait mouche, malgré tout.

Certainement, l’idée de donner aux Sénégalais l’opportunité de s’auto-suffire en riz dans les deux ans à suivre, est-elle charmante ? Même réalisé à 80%, c’est la bagatelle de 100 milliards de F CFA qui retomberait dans l’escarcelle de notre Trésor national. Et des centaines de milliers d’emplois agricoles et commerciaux créés.

À vrai dire cette perspective est plus simple, plus mesurable, plus accessible, plus réalisable dans le temps (smart), que les 500 000 emplois promis, il y a juste un an. Sans qu’on nous ait vraiment démontré comment les obtenir. Un vrai miroir aux alouettes, vite rangé aux oubliettes, puisque ce communicable manquait tout simplement de crédibilité. Il n’est pas «vendable», comme qui dirait dans le jargon communicationnel.

En substituant l’autosuffisance à l’emploi, Macky Sall a au moins réussi à rééquilibrer les termes de l’échange. S’auto-suffire en riz vaut bien plus qu’un demi-million d’emplois créés. En dépit d’une forte contestation des experts économistes, importateurs et autres professionnels, pour qui le Président prend des vessies pour des lanternes. Qu’à cela ne tienne !

Seulement voilà, la sur-communication présidentielle a brouillé le message. Ce qui apparaissait comme une préconisation tout à fait acceptable et convenable est passé pour un mantra, un engagement, une promesse, une certitude presqu’à portée de main.

Or, on sait ce qu’il en est des promesses de pré-campagne. Elles se transforment en critères ante d’évaluation au moment du choix. Et le retour de manivelle en cas de non réalisation est fatal au candidat. Un président de la République s’était publiquement engagé à ramener le kilo de riz à 50 francs Cfa. C’est sous son magistère que le coût d’achat de cette céréale a été multiplié par cinq, voire dix. Passons sur les congelés ou les surgelés du mafé, un emploi pour tous les jeunes, un conjoint pour les célibataires.

Son successeur, en l’occurrence, l’actuel locataire du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor avait fait croire aux paysans qu’il doterait nos aires de culture de 1000 tracteurs indiens. L’agriculture sénégalaise, et le président Macky l’a vu et dit au Fouta, n’a jamais été aussi artisanale. Que valent alors les promesses politiques ?

En squattant quasiment les médias, la télévision notamment, souvent à raison de plus deux heures par jour, le Président a tout simplement réduit la portée d’une mesure salutaire, devenue vœu pieux. Le caractère politique de l’environnement et du cadre a également affecté la crédibilité du message, considéré comme une simple promesse de pré-campagne.

Mais bien plus que l’effet de saturation, c’est la concomitance des messages présidentiels, qui en ont accentué le brouillage.

En effet, comment allier dans le même découpage spatio-temporel, une préconisation aussi rassurante que l’autosuffisance alimentaire et la mesure autoritaire d’interdiction du meeting du 21 novembre ? Le paradoxe est d’autant plus flagrant que les arguments du Président tendant à empêcher le meeting du FPDR sont spécieux. Les risques et menaces sur les participants du XVème Sommet de la Francophonie autant que le contexte sous-régional invoqué relèvent plus de l’argutie politique que d’une volonté réelle de sécurisation.

L’alliage entre une image valorisante de garant démocratique et de développeur et celle d’un autocrate plus prompt à manier le bâton que la carotte est tout simplement désastreux. Il conduit à une sorte de communication paradoxale, dont la principale conséquence est tout simplement de brouiller ses messages, de rendre le Président inaudible ou incompréhensible.

Cette communication en clair-obscur donne un double visage qui se traduit par un sentiment trouble de contradiction. Et au bout du compte le doute. Tout a péché dans cette démarche calamiteuse de communication. La conception du message d’interdiction attribuée dans un premier temps au pauvre gouverneur de Dakar. Alors que tout le monde sait que pareille décision relève de l’autorité suprême, le président de la République.

La gestion du message, apparu comme sécuritaire, alors qu’il est essentiellement politique. Et le sort du message qui s’est conclu par un reniement du gouverneur démentant avoir interdit une telle manifestation. Comment le Président peut-il avoir développé devant la presse, toute une théorie sur la sécurisation du sommet et imposer par la suite au gouverneur un auto-démenti ?

Même dans sa Déclaration de politique générale, le Premier ministre a été entraîné dans cette stratégie contradictoire de durcissement et de reculade en fin de compte. Quelle est alors la valeur de la décision présidentielle, si elle est soumise à des aléas informels ou officieux (réception de Sidy Lamine Niasse au Palais, pressions des marabouts, des chancelleries diplomatiques) ?

Le PDS vient en tout cas de remporter une victoire symbolique dans ce bras de fer que le gouvernement a illogiquement engagé avec toutes les chances de le perdre. Parce que le Président a mal communiqué. Parce qu’il a fait preuve insensée d’autoritarisme. La gestion de la parole dans une période sensible est technique fine de communication. Il apparaît bien que dans ce domaine, le Président ait encore beaucoup de progrès à faire. Retenir que la communication n’est pas l’action, permettra certainement de mettre efficacement, l’une au service de l’autre, dans une congruence parfaite. Une démarche plus réfléchie que les artifices communicationnels, relevant plus du bruit médiatique que de la stratégie.

Momar Seyni Ndiaye De Seneplus
seneplus.com

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