La décision du gouvernement d’introduire un projet de loi portant modification de l’article 29 alinéa 1 de la loi 2004-09 du 6 février 2004 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux n’est pas du goût des députés. Le président de la Commission des lois à l’Assemblée nationale, le député Me Abdoulaye Babou qui était l’invité de l’émission ‘’Grand Jury’’ sur la Rfm, ce dimanche 5 juin, l’a fait savoir. Pour Me Abdoulaye Babou, il s’agit là d’un « des projets de loi les plus sensibles depuis l’alternance.
Le gouvernement du Sénégal a initié un projet de loi portant modification de l’article 29 alinéa 1 de la loi 2004-09 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Jusqu’ici, l’article en question déclare : « Lorsque les opérations mettent en évidence des faits susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment de capitaux, la Centif (Cellule nationale de traitement des informations financières) transmet un rapport sur ces faits au procureur de la République qui saisit immédiatement le juge d’instruction ».
Un article qui risque d’être modifié avec les changements que compte y apporter le gouvernement. Ainsi, dans le projet de loi introduit par le gouvernement, il est mentionné ceci : « Lorsque des opérations mettent en évidence des faits susceptibles de constituer l’infraction de blanchiment, la Centif transmet un rapport sur les faits au procureur de la République qui apprécie la suite à donner ».
Le procureur ne saisit plus donc immédiatement le juge d’instruction, mais apprécie la suite à donner aux dossiers qui lui sont transmis par la Centif. Un projet de loi du gouvernement désapprouvé par les bailleurs de fonds étrangers, notamment les Etats-Unis d’Amérique ainsi que l’Union européenne.
Ce projet de loi viole également les dispositions de l’Union économique monétaire ouest-africaine (Uemoa) qui a décidé la création de Centifs dans tous les pays membres. Pour Me Abdoulaye Babou : « Ce dossier est extrêmement sensible. C’est l’un des projets de loi les plus sensibles depuis l’alternance ».
En plus, souligne Me Abdoulaye Babou, le président de la Centif lui-même interpellé à l’Assemblée nationale, a déclaré qu’avec un tel projet de loi, le Sénégal viole les dispositions de l’Uemoa. « En matière de blanchiment des capitaux, dans tous les pays de l’Uemoa, il est créé la Centif. Quand les banques constatent des mouvements louches, elles doivent les signaler à la Centif. Et la Centif, quand elle est convaincue qu’il y a des suspicions, transmet le dossier en justice », indique Me Abdoulaye Babou.
Voilà pourquoi, fait-il remarquer, avec ce projet du loi du gouvernement, « les bailleurs de fonds ne sont pas contents ». Qui plus est, avance Me Babou, l’Assemblée nationale du Sénégal est « incompétente » pour voter un tel projet de loi. Le président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale avance qu’il appartient au Sénégal, s’il veut modifier une telle disposition, de saisir le conseil des ministres de l’Uemoa. Quoi qu’il en soit, révèle Me Abdoulaye Babou, « l’Assemblée nationale a pris sa responsabilité et a renvoyé le projet de loi à l’exécutif ».
Me Abdoulaye Babou ne s’en limite pas là. Il interpelle le procureur de la République. Selon lui, ce dernier « est le mieux placé. Il doit édifier l’opinion publique sur les dossiers qui lui ont été transmis par la Centif, il y en a combien, le préjudice financier ainsi causé ».
aps.sn