MORT D’EMMANUEL GORGIO GABRIELI, PDG D’AFRICAMER Il a coulé avec son usine

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Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis ?
Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfoui ?
Victor Hugo (Oceano Nox)

Emmanuel Giorgio Gabrieli, Président directeur général de la société de pêche « Africamer » est mort le 19 octobre dernier. Le même jour, l’huissier mettait les scellées sur son unité industrielle sise au Môle 8 du Port autonome de Dakar. La société était déclarée en faillite et sa liquidation prononcée. La fin tragique d’une histoire d’amour entre un homme et sa « chose ».

Africamer, l’une des plus importantes, voire la plus importante unité industrielle de pêche du Sénégal de ces trente dernières années, qui a employé parfois plus de 2500 personnes et a fait entre 18 à 20 milliards de Fcfa de chiffres d’affaires annuels, appartient depuis un mois jour pour jour à notre passé. Elle a rejoint les nécropoles déjà pleines des unités de production de notre pays qui se meurent au fur et à mesure qu’elles sortent de terre. L’usine de pêche de « l’Italien » qui aimait tant le Sénégal au point d’y reposer à jamais au cimetière Saint Lazare de Béthanie, a coulé en même temps que son fondateur. Africamer a été en effet mise en liquidation le 19 octobre 2011 et ses portes closes à jamais au même moment où son propriétaire quittait cette vallée des larmes dans la clinique des Madeleines où son fils était parvenu à l’hospitaliser finalement.

« Papa a rendu l’âme le 19 octobre dernier à 8 heures du matin, il était depuis la veille dans le coma. Sa prostate s’était métastasée et avait atteint un point de non retour. A 9 heures le même jour, mon portable sonne. Ce sont l’huissier de justice et la capitainerie du port qui m’informaient de la pose des scellées sur l’usine en vue de sa mise en liquidation. Comme quoi, Africamer n’aura pas survécu à son créateur. Pourtant Papa s’est battu jusqu’à la mort pour cette unité qu’il aimait à la tyrannie », confie Eric Gabrieli, l’unique héritier qui pleure son père.

Raide sous le pont, Emmanuel Giorgio Gabrieli a coulé avec « son navire amiral ». Pendant 30 ans il s’est évertué à bâtir ce qui a été toute sa raison de vivre, une unité industrielle de pêche au Sénégal. « Mon père a débarqué, il y a quarante au Sénégal. Il venait de France d’où il avait atterri à 17 ans en provenance de son Italie natale. En France, il s’était converti, lui le maçon syndiqué, dans le mareyage. Bouillant syndicaliste, il avait été licencié en effet pour fait de grève au chantier. La mer et le poisson l’attirent. Avec ses « droits », il s’achète une camionnette Peugeot et livre du poisson acheté à Marseille aux revendeurs de Grenoble. Faisant la navette entre ses deux villes pendant plus de sept ans, m’a-t-il raconté ». Puis décide, poursuit Eric « de venir en Afrique, au Sénégal précisément avec un de ses amis italien. Celui-ci a employé celle qui est devenue plus tard, ma mère, Naja Gabrieli, une Sénégalaise d’origine capverdienne. Elle vit en Suisse depuis qu’elle s’est séparée de Papa ».

Et l’ancien conseiller- pêche à la Primature, Sogui Diouf, ami de la famille de renchérir : « c’est Madame Naja qui sera même l’actionnaire majoritaire de la société qui a été créée en 1979 avec un certain Daouda Faye, Tidiane Diop, son ami et compatriote Ottoziani. Parmi aussi les actionnaires, un certain Moustapha Niasse ». Africamer naissait avec le concours également des sociétés comme « Procost et Sardinafric ». Auparavant, Gabrieli avec Naja achetaient du poisson frais à Mbour, Joal, sur la petite côte pour le revendre en Europe. Le couple a vite fait de voir grand. Avec Africamer, il innove et développe. C’est ainsi, que se souvient Eric, le fils, « mon père a introduit le médaillon de sole qui n’était pas connu auparavant. Aujourd’hui tout le monde s’y adonne ».
Gabrieli en prison

Depuis quatre à cinq ans, la rareté du poisson, un environnement économique défavorable, des erreurs de gestion certainement eurent raison de la croissance de l’unité. Rachetée par Gabrieli qui avait vendu ses parts en 1991 à Otto Bongo, Africamer redressée au bout de deux ans, périclite par la suite. La société accuse le coup de la récession, de la rareté du poisson et de la morosité du secteur. La direction générale ne manque pas aussi de responsabilité sur les mécomptes. Tout le monde part. Gabrieli reste. Il cherche par tous les moyens de sauver l’usine. Se démène comme un diable, ruine sa santé et dilapide les biens familiaux. Il se bagarre avec une mer en furie et l’environnement économique, avec sa famille, avec certains ouvriers qui voient leur outil de travail risquer de disparaître. Le gouvernement s’intéresse à l’usine au plus haut niveau. Le Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye ancien ministre de la Pêche et le président de la République, s’émeuvent de la situation dès 2008. Ils instruisent le gouvernement à tout faire pour sauver l’unité. Mais rien n’y fait. Le mal est profond.

L’année dernière, le 25 octobre 2010 précisément pour avoir ordonné le renflouement du dock flottant de sa société, Gabrieli est déféré, parce qu’il y a eu mort accidentel d’homme. Le procureur l’a inculpé et placé sous mandat de dépôt pour homicide involontaire. Il a été jugé par le tribunal des flagrants délits de Dakar et condamné à un mois de prison.

Emmanuel Gabrieli qui a ainsi passé sa première nuit à la prison centrale de Rebeuss depuis qu’il est au Sénégal, répondait du délit selon le parquet d’homicide involontaire. Trois de ses employés, Youssou Diagne, Daouda Guissé et Omar Sarr, avaient trouvé la mort après avoir inhalé une substance toxique, alors qu’ils se trouvaient dans un des compartiments du dock flottant qu’il avait fait renflouer dans le souci de redémarrer les activités et de se trouver un peu de cash qui permettrait de faire tourner l’unité. Celui qui tenait comme à la prunelle de ses yeux à sa société reprit sitôt sortie de prison, la lutte pour la sauver de la faillite, malgré la maladie qui le rongeait. Et jusqu’à la veille de son coma, il songeait à l’usine, confie son fils. Gabrieli mort, Africamer coule le même jour. Aucun d’eux n’a survécu à l’autre.

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