L’artiste comédienne Ndèye Mour Ndiaye s’est fait découvrir au public sénégalais à la fleur de l’âge, au début des années 80. Cette belle comédienne longiligne, à la peau noire éclatante comme la couleur d’ébène, a fait les beaux jours du théâtre sénégalais avec la troupe Daaray Kocc. Malheureusement incomprise, Ndèye Mour Ndiaye est vite « étiquetée » par le public au regard de ses rôles joués comme une fille « belliqueuse ». Dans cet entretien exclusif qu’elle a récemment accordé à Sud Quotidien, elle révèle que le théâtre qu’elle aime pour autant lui a portée préjudice ; car les gens n’ont jamais cherché à découvrir la femme qui se cache derrière l’artiste. Résultat : elle est célibataire et espère que cela change un jour.
L’Etat a récemment engagé des discussions sur les droits culturels des artistes, qu’en pensez-vous ?
Ndèye Mour Ndiaye- Je pense qu’il est temps de respecter les droits des artistes. C’est une bonne idée de rassembler tous les artistes (musiciens, comédiens, etc.) et de discuter sur des questions relatives à leur statut et à leur avenir. Les uns et les autres ont émis des idées qui ont été soumises aux autorités. Et nous attendons de voir ce que cela va donner.
Vous êtes connue pour vos prestations avec Daaray Kocc. Pourquoi est-ce qu’on ne vous voit plus ?
Vous avez parfaitement raison. Les temps ont changé. Auparavant, à part le théâtre national Daniel Sorano, il n’y avait que Daaray Kocc et Jamonoy Tey comme troupes théâtrales. Mais aujourd’hui, il y a tellement de troupes que le marché est inondé de productions. C’est la concurrence. Chaque troupe fait tout pour exister, pour être présente sur la scène. Personnellement, je ne suis plus dans une troupe après avoir quitté Daaray Kocc en 1993. Je travaille pour moi. Mais si on m’appelle et me propose quelque chose qui vaut le coup, je n’hésiterai pas à jouer un rôle. Je suis devenue freelance.
Qu’y a-t-il, Daaray Kocc est dissoute ou quoi ?
Non je ne sais pas. Et je suis très prudente sur les choses qui ne me concernent pas, mais je pense qu’ils travaillent jusqu’à présent car il y a des productions qu’ils ont faites. Je pense qu’elle n’est pas dissoute, mais franchement je n’y sais absolument rien.
Comment vois-tu le théâtre sénégalais de nos jours ?
Il y a trop de gens qui se disent artistes. C’est la triste réalité que j’ai constaté. Quand on ne sait plus où l’on va, on se réveille subitement un bon jour pour se décréter artiste. Moi je fais le théâtre mais je sais que…bon ! L’art dramatique est devenu très vaste. (Rires) Mais c’est au peuple sénégalais d’apprécier. Le peuple est suffisamment mûr à tel point que nul ne peut les tromper. Les gens sont capables de juger les performances et dire ceux qui sont bien et ceux qui ne le sont pas. Tout le monde a le droit de se proclamer artiste, mais c’est le peuple qui départage.
Quelles sont les exigences de votre métier ? Que faut-il faire pour devenir un vrai artiste ?
La première règle est la discrétion. Car être artiste ne nous oblige aucunement à aller partout, à s’accompagner de n’importe qui pour se faire voir et se faire reconnaitre. Deuxièmement, nous sommes des éducateurs. Par conséquent, il y a des choses dont nous devons avoir honte de faire. Mais tout cela dépend de l’éducation de base. Si au fait on t’a donné une bonne éducation de base, je pense que tu ne peux pas tomber dans certains travers. Quelques soient les circonstances, tu pourras toujours faire en sorte de s’en sortir avec dignité sans frustrer ni paraître hautain et suffisant aux yeux des gens. Bref, tu ne vas pas manquer de respect aux gens. Malgré les rôles qu’on interprète, on reste nous-mêmes. C’est mon point de vue.
Quel est le lien entre vos rôles interprétés et votre propre vie ? Il arrive quelquefois que les téléspectateurs vous jugent par votre rôle ?
Cela est vrai. Et vous êtes bien indiqué pour me poser la question directement, mais moi qui vous parle le théâtre m’a portée préjudice selon les rôles que j’ai eu à interpréter. Mais je me dis que ce n’est pas grave parce que c’est un métier que j’ai choisi. J’aime mon métier et je me donne à fond. Oui, je n’ai pas froid aux yeux pour interpréter des rôles que je peux assurer sans problème. Moi j’entre dans la peau du personnage. Je fais mon boulot quoi. Ce sont des habits que je porte, mais après je continue mon chemin, je mène ma vie normale. Je veux quelque chose quand même. Vous êtes journaliste, est-ce que vous me voyez partout ? Ce n’est pas mon style. Je ne vais jamais où on ne m’a pas conviée.
Dans quelle mesure le théâtre vous a-t-elle portée préjudice ?
Mais c’est ce que je vis quotidiennement ! Tout le monde dit que je suis belliqueuse. On dit tout de moi. Les gens ne cherchent pas à connaître la femme qui est derrière l’artiste. Ils te collent une étiquette comme ça sans te connaître.
Vous êtes mariée ?
Non, je suis célibataire. C’est pourquoi je vous dis que le théâtre m’a portée préjudice. Mais de toutes les façons je ne suis pas découragée. J’ai une mission à remplir sur terre. Peut-être qu’un jour, ça va changer.