Percussionniste : Omar Thiam, le gardien du temple

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Dans son registre, il fait l’unanimité auprès des connaisseurs et autres initiés de la rythmique authentique sérère. Véritable bête de scène, Omar  Thiam ne laisse personne indifférent. Malgré son talent qui n’est plus à démontrer, il traine un lourd handicap côté charisme.
Contrairement à Babou Ngom qui règne sans partage dans l’arène, le natif de Mbadakhoune n’est pas très connu du grand public. Ce qui s’explique sans doute par son « conservatisme » et sa propension à se replier sur lui même. Il fait partie des rares batteurs de tam-tams dans l’arène qui ne sont pas nés griots. Une exception à la règle qu’Omar Thiam, puisque c’est de lui qu’il s’agit, explique par « la seule volonté divine ». De l’avis de celui que l’on surnomme le gardien du temple, en référence à sa rythmique profondément ancrée dans la tradition sérère, on n’a pas besoin d’être griot pour battre le tam-tam. « Battre le tam-tam est une science, c’est une musique qu’on étudie. Il s’agit tout juste d’étudier », explique-t-il très simpliste.
Au début, rien ne prédestinait donc le natif de Mbadakhoune, localité située dans la zone de Kahone à être batteur de tam-tam. Surtout que dès le bas âge, il est inscrit à l’école primaire  de Foundiougne où il dit avoir grandi. L’ambition d’Omar Thiam était donc de faire carrière dans les études. Mais le destin décidera autrement. Lors de la grève générale de 1968, il est exclu à l’instar de nombreux de ses camarades du lycée Gaston Berger de Kaolack. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il ne tarda pas à se reconvertir dans la percussion. Une reconversion facilitée par le fait que « j’avais en ce moment presque maîtrisé tous les rouages de la rythmique traditionnelle ».
« En classe, il m’arrivait d’improviser un rythme et chaque samedi, le maître m’accordait 15 minutes pour que je me « produise » devant mes camarades élèves. Parfois,  je chantais, en battant les tables et en récitant des poèmes. On peut dire que c’est à partir de là que  j’ai commencé à toucher à la percussion », poursuit-il.  Mais c’est, selon lui, en 1975 qu’il a véritablement décidé de faire carrière dans la percussion. Une décision qui a, en grande partie, été motivée par l’audience que le président-poète, Léopold Sédar Senghor lui avait accordée dans la foulée de sa distinction comme lauréat du théâtre scolaire.  « Cette audience m’a particulièrement marqué. Je me souviens toujours des propos élogieux qu’il m’a tenus ce jour-là concernant mon potentiel de grand artiste », fait-il savoir tout sourire. Ainsi, sa rencontre avec l’ancien président de la République a été un véritable déclic pour le lancement de sa carrière de percussionniste. « Ces propos, somme toute élogieux, venant d’une personnalité de son rang,  m’ont gonflé à bloc et m’ont poussé à commencer à faire des recherches sur la culture sérère notamment  sur les rythmiques traditionnelles », souligne ce sexagénaire dont le look toujours juvénile trahit l’âge.

Réseau des artistes de Fatick
En dépit d’un talent fou, Omar Thiam peine cependant à se faire connaître notamment du grand public et de la jeune génération qui raffole plus des rythmes assez modernes de Babou Ngom, l’homme qui règne sans partage dans l’arène. D’ailleurs, « la chute libre » de l’enfant de Mbadakoune semble avoir démarré avec l’envol du célébrissime tambour major de Gandiaye.  L’homme ne s’en plaint toutefois pas. « J’ai fait mes preuves bien avant même la mise sur pied du Comité national de gestion de la lutte (Cng) », explique-t-il.
A l’opposé de Babou Ngom qui s’est ouvert à la modernité,  Omar Thiam est toujours resté dans la lutte simple et tient aux rythmes traditionnels comme à la prunelle de ses yeux. Il déplore la mort à petit feu de la rythmique traditionnelle notamment sérère. « Je suis navré de constater que les rythmes traditionnels sont en train d’être travestis. Cela constitue une mauvaise chose pour notre lutte qui doit conserver certains de ses aspects traditionnels notamment les rythmes. Il y va de notre identité». Autre complainte du gardien du temple, ses créations sont, selon lui, utilisées en toute illégalité par beaucoup de percussionnistes de la lutte, y compris celle avec frappe. Mais ce qu’il déplore le plus « c’est l’indifférence totale du Bureau sénégalais des droits d’auteur (Bsda) qui laisse faire ». « Je me demande réellement à quoi sert le BSDA pour la bonne et simple raison que mes œuvres connues de tout le monde ont été attribuées à d’autres et à mon insu », s’insurge-t-il encore. Dans la même lancée, il interpelle le Cng de lutte afin qu’il soit plus juste envers tous les batteurs de tam-tams. « On a l’impression qu’il n’y a qu’un seul percussionniste dans l’arène. C’est injuste qu’une seule personne monopolise comme ça la lutte. Il faut qu’on associe tout le monde dans l’animation des galas de lutte; d’autant plus que nous sommes tous talentueux », éructe-t-il avec amertume. A son avis, l’instance dirigeante de la lutte doit savoir qu’il y a eu des pionniers qui ont balisé le chemin et qu’il est là pour tout le monde et non pour une seule personne.
Régisseur général des Ballets « Diam bougoum », coordonateur du Réseau des artistes de la région de Kaolack et en même temps président de l’Union départementale du théâtre populaire et de la musique de la même région, Omar Thiam prône la solidarité et se veut un homme généreux. L’homme affirme s’être beaucoup investi pour la bonne cause. « Au plan social, je m’investis pour la société. Ainsi, chaque année, à l’ouverture des classes, j’inscris beaucoup d’enfants de mon quartier qui sont démunis à l’école. De même chaque fois qu’il y a une opération de vaccination, « ma maison devient un poste de santé. Je fais du porte-à-porte pour sensibiliser les populations ». Concernant une éventuelle relève au cas où il décrocherait, l’artiste est formel : «J’ai deux garçons mais ils ne vont jamais battre le tam-tam. Il y a trop d’injustices dans ce milieu », laisse-t-il entendre.

Diégane SARR & Amadou Maguette Ndaw

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