Recrutement des compétences dans le secteur public : la nécessité d’une gestion transparente! par Ibrahima Gassama

Date:

Les Sénégalais dans leur grande majorité ont pensé qu’avec la prise de fonction de l’administration Macky Sall, les pratiques inefficaces du passé seraient derrière nous et qu’un nouveau cycle de gestion vertueuse du pouvoir allait se déclencher, en mettant les sénégalais qu’il faut à la place qu’il faut. Mais aujourd’hui, force est de constater que nous sommes très loin d’une gouvernance publique où la compétence est valorisée et où des institutions stables sont mises en place pour une gestion efficiente de la chose publique.
L’une des grandes ruptures que tous les esprits avertis attendaient du pouvoir actuel était la mise en place d’un processus transparent dans lequel tout sénégalais, quelque soit sa localisation géographique, puisse participer à au développement et apporter son savoir et son savoir faire à la marche d’un État viable. Nous pouvons aujourd’hui remarquer que les décideurs politiques, dont certains ne disposent d’aucune formation conséquente et sans vision de long terme occupent notre espace public et rabaissent le niveau du débat politique à tel point qu’on peut légitimement se demander si de tels politiciens sont capables de développer le Sénégal. Il est très rare d’apercevoir dans la gouvernance actuelle, une stratégie claire et cohérente parce que très souvent, nos politiques sont mises en place et incarnées par des hommes et des femmes politiques qui sont dépassées par l’évolution du monde moderne.
Par ailleurs, même si dans le programme Yoonu Yokkute, la mobilisation des compétences du pays et de la diaspora occupait une place de choix, on peut se demander ce que deviennent ces intensions en raison de leur faible visibilité. Les sénégalais, qui possèdent de plus en plus de compétences recherchées par les pays occidentaux, sont en mesure de trouver une solution viable aux nombreuses difficultés que le pays traverse. Toutefois, les processus de recrutement sont malheureusement très peu transparents et aucun mécanisme fiable n’est mis en place pour faire appel à ces compétences dont tous les pays du monde ont besoin. À la place, le pays privilégie le recrutement de politiciens, pas toujours compétents dans les domaines concernés, à des sphères techniques et à la tête des grandes institutions et entreprises publiques ou parapubliques. Même si certaines nominations sont à la discrétion du Président, il s’avère utile au nom de l’efficience et de la bonne gouvernance, de mettre en place des processus de recrutement cohérents et transparents au lieu de toujours découvrir ces désignations à postériori dans des communiqués du conseil des ministres.
De ce point de vue, il y a une grande déception vis-à-vis du pouvoir actuel, car la bonne gouvernance commence dans la transparence du choix des citoyens appelés à exercer des fonctions publiques. Il est donc grand temps que prennent fin les nominations publiques à saveur politique aux postes pour lesquels la prospérité du pays est intiment liée. Des processus transparents de recrutement doivent être mis en place et permettre au président de choisir en dernier ressort la personne que les pairs auront reconnue comme compétent pour occuper le poste.
La bonne gouvernance, telle qu’elle est conçue de nos jours, ne peut se limiter à la simple connaissance superficielle et à du pilotage à vue sans comprendre les grands enjeux qui gouvernent la vie des nations. La stratégie que toutes les nations ambitieuses sont en train de mener c’est de chercher à s’accaparer des compétences du marché et de les valoriser dans leur pays pour bénéficier des avantages comparatifs dans un monde où l’ignorance est synonyme de retard.
Il est aujourd’hui admis que l’économie du savoir, de par son effet d’entrainement sur tous segments d’une nation, est ce qui fait la différence de développement entre les nations. Des pays comme le Canada et l’Allemagne sont assez agressifs sur le marché international pour chercher les meilleurs talents et les mettre à profit pour leur développement. Aux États-Unis également, se développe un débat récurrent pour augmenter le nombre le visas attribués aux talents et relancer la reprise économique. Toujours dans ce pays, un nombre important de ressortissants immigrés siège dans les instances de décision stratégiques du groupe des puissantes entreprises de « Fortune 500 ». L’Afrique, sans aucun doute le continent de l’avenir, avec un taux de croissance annuel moyen d’environ 5 % ces dernières années, verra plusieurs chantiers se développer sur son territoire dans les années à venir. Nos États doivent donc essayer de recruter les meilleures ressources humaines à travers une politique dédiée à cette finalité pour être présent aux grands rendez-vous où l’avenir du monde se dessine. Si nous ne le faisons pas, d’autres pays plus organisés exploiteront davantage nos ressources disponibles avec leur propre main d’œuvre, ce qui se traduirait par des pertes d’opportunités et une exacerbation de la crise de l’emploi qui pourrait déstabiliser nos États. À l’ère des grandes avancées technologiques et informationnelles, toutes les nations ont besoin d’une main d’œuvre qualifiée pour pouvoir se développer.
Il est donc temps que le pouvoir actuel développe une politique cohérente et incitative pour attirer la main d’œuvre sénégalaise qualifiée à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Cette expertise sera fort-utile pour accompagner le développement du Sénégal. Pour ce faire, la stratégie serait de sortir de la logique purement politicienne pour aller vers le rapatriement des compétences rares, et les mettre à la disposition de notre développement. Ce processus doit être une partie intégrante de notre politique administrative et industrielle de manière à ce que la jeunesse du pays soit mise à contribution pour un avenir plus reluisant.
Par ailleurs, d’un point de vue institutionnel, des politiques d’emplois doivent inciter les entreprises qui investissent au Sénégal à recruter la jeunesse sénégalaise. Ces incitations peuvent être de nature fiscale comme le crédit d’impôt sur les salaires en cas de recrutement de jeunes diplômés; il peut aussi s’agir d’inclure des clauses d’embauche d’une portion de la jeunesse dans les termes de référence des marchés publics. D’autres clauses de transferts de connaissances et de technologie de la part de ces compagnies doivent également être de mise comme en Chine, un pays qui le fait actuellement avec beaucoup de succès. Par exemple, dans le domaine ferroviaire, ce pays a bénéficié du transfert de technologique de la part du Japon, du Canada et de l’Allemagne, et a pu aujourd’hui construire la plus longue ligne de TGV au monde en reliant Pékin à Canton (2300 km). Une autre idée émergente à l’échelle internationale est d’obliger les entreprises qui ont un certain niveau de chiffre d’affaire à publier annuellement leur bilan de responsabilité sociale dans lequel elles démontrent leurs efforts d’inclusion sociale, en particulier les emplois locaux créés. Toutes ces politiques auront pour finalité de valoriser nos ressources humaines mais également de profiter des opportunités offertes par la mondialisation.
À la lumière de tout ce qui précède, il est temps que notre modèle de gouvernance au Sénégal sorte de la logique du « tout politique » pour aller vers une logique de valorisation de nos compétences internes. Dans ce combat de valorisation du capital humain, la jeunesse a un grand rôle à jouer. Pour réussir ce pari, il est inéluctable d’associer cette jeunesse aux grandes idées qui devront construire le Sénégal de demain. Nous tirerons alors beaucoup de dividendes d’un tel virage si le gouvernement se donne les moyens de sa mise en œuvre.

Ibrahima Gassama, Montréal
Économiste du développement durable au Ministère des Ressources naturelles du Québec
Membre du directoire Diisoo ? MNR
Contact : [email protected]

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

Le Pastef a décidé de suspendre jusqu’à nouvel ordre la vente de ses cartes de membres

XALIMANEWS: Des journaux dans leurs publications du samedi,...

Bon déroulement du pèlerinage à la Mecque : Le gouvernement prend les devants

XALIMANEWS- Ils seront 12860 pèlerins sénégalais à rallier les...

Parti Socialiste : Khalifa Sall revient à la « maison », les sages exultent

XALIMANEWS-Le bureau du Conseil consultatif des sages du Parti...

La cinglante réplique de Thérèse Faye Diouf face aux accusations de Cheikh Bara Ndiaye

XALIMANEWS-Thérèse Faye Diouf, ancienne Ministre du Développement Communautaire, de...