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Rémi JUTEAU Président de l’Olympique de Ngor : « Mon idéal, payer un salaire de 650.000 FCfa à chaque joueur »

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Il présente la particularité d’être un dirigeant de club, d’origine européenne même s’il a longtemps vécu au Sénégal. Il a non seulement réussi la prouesse de hisser le club de l’Olympique de Ngor de la D3 à la Ligue 1, mais Rémi Juteau veut en faire un club modèle. Entretien

Vous avez réussi votre objectif en hissant l’Olympique de Ngor parmi l’élite. Après ce pari, quelle est votre ambition ?

« Le premier objectif, c’était de remonter de la Division 3 à l’élite, c’est ce que nous avons fait. Le deuxième, c’était de pouvoir doter d’infrastructures fonctionnelles l’Olympique de Ngor car, tous les clubs de Dakar jouent pratiquement à Demba Diop. Moi, je suis ingénieur béton, donc je suis dans le milieu du bâtiment. Depuis 35 ans, je suis au Sénégal. J’ai tout fait ici. J’ai construit le stade de Ngor. Donc, disons que le double défi a été fait. C’est une chose acquise à partir de 2013. Maintenant, l’objectif, c’est le maintien parce qu’il y a quatre équipes qui descendent. Pourquoi je dis le maintien, parce que depuis 1955 que le club est créé, il est monté une seule fois en D1, c’était en 1986 et il n’a tenu qu’un an. Donc il n’est plus question de revenir pour faire de la figuration.

Contrairement aux autres clubs professionnels, vous avez très vite pensé vous doter d’infrastructures adaptées aux exigences du professionnalisme…

« Oui, ça c’était déjà au départ, quand j’étais nommé président. C’est vrai, j’étais pris un peu au jeu. J’ai alors analysé le club, et en tant que bâtisseur, j’ai vu les possibilités que nous pouvons réaliser avec ce dernier. C’est vrai qu’il faut des finances. Mais si à Dakar, de grands clubs comme la Jeanne d’Arc, le Diaraf ont, peut-être, des sites, ils n’ont rien fait. Ce n’est pas normal que ces clubs qui sont nés depuis 1930 n’aient rien réalisé ; et cela il faut le déplorer. Je pense qu’il y a quelque chose à revoir à ce niveau. »

Avez-vous des partenaires pour vous accompagner dans votre second défi ?

« Jusqu’en Ligue 2, les partenaires, il n’y en avait pas. Le seul partenaire que nous avons, c’est la mairie de Ngor avec son maire, que je remercie parce qu’il nous soutient beaucoup. En plus de la mairie, il y a aussi des conseillers municipaux qui font partie du club. Ils sont tous des anciens sportifs, comme moi. Ils sont anciens nageurs ou footballeurs.

Au niveau international, n’avez-vous pas des partenaires à l’image de Diambars, Dakar Sacré- Cœur qui sont aujourd’hui des exemples en matière d’infrastructures ?

« Alors là, vous citez deux centres de formation et c’est un genre un peu plus compliqué. A ce niveau, nous n’avons pas de partenariat officiel. Nous travaillons avec certaines équipes, nous avons des joueurs que nous vendons, mais moi, les joueurs que je vends sont d’excellents joueurs. Et il y a un en partance, Yanick (Arthur) Gomis. Tout le monde le veut ici. Il est en ce moment en négociation avec des clubs comme Fc Copenhage, Evian Thonon/Gaillard. On a un joueur qui est parti à Bizerte, en Tunisie. Mon but, ce n’est pas de vendre des joueurs. Mon idéal, c’est de pouvoir payer à chaque joueur 1000 euros, c’est-à-dire environ 650 000 FCfa et qu’il puisse vivre de ça et s’occuper de sa famille. Et le jour où j’y arriverais, je dirai que j’ai réussi mon pari. Quand nous étions en Ligue 2, nous n’en avions pas. Maintenant, nous sommes montés en Ligue 1, c’est vrai que la conjoncture est très difficile, nous faisons tout pour convaincre les sponsors. Mais ce n’est pas évident. L’avantage pour nous, c’est que le budget du club n’est pas aussi grand comme on pourrait dire. Vous savez, des clubs annoncent 120, 100 millions de FCfa de budget, nous nous n’avons que 60 millions de FCfa. Nous avons toutes les installations à notre disposition. Nous avons un stade, bref, nous avons tout ce qu’il nous faut pour faire un grand club. Nous avons la plage pour faire notre préparation hivernale… Les autres louent Demba Diop.

Le professionnalisme, c’est aussi une base affective, sentez-vous le public de Ngor derrière l’équipe ?

Vous savez, mes frères lébous sont très compliqués, mais je pense qu’avec le club, nous allons pouvoir réunir tout le monde. Nous avons réussi à faire comprendre à tous qu’il faut laisser la politique dans les vestiaires. Le sport, c’est la liaison de toutes les forces, donc de toute la population. Et c’est grâce au sport que nous y arriverons. Nous aimerions que tout Ngor et Almadies viennent soutenir le club. »

Pour votre ambitieux projet en direction du club, avez-vous saisi l’Etat pour vous accompagner ?

C’est un stade municipal. Il faut bien faire la différence entre stades régionaux comme Demba Diop qui sont financés par l’Etat, mais aussi les chambres régionales et les municipalités. Partout dans les régions, les stades sont en décrépitude, et c’est malheureux ! Moi, ici j’ai beaucoup investi. Ne serait-ce que pour l’entretien, cela nous coûte entre 20 et 25 millions de FCfa par an. Cela toutes les mairies peuvent le faire. Mais il faut que l’Etat nous aide parce que nous ne cherchons pas à faire des bénéfices. Quand nous louons des magasins pour nos boutiques, nous reversons à l’Etat la Tva, mais ces magasins ne représentent qu’une infime partie dans l’investissement du stade. Quand nous faisons un bilan financier, nous sommes complètement déficitaires. A part les centres de formation comme Diambars ou Dakar Sacré-Cœur qui bénéficient des financements extérieurs, aucun club ne fait de bénéfice, parce qu’on a beaucoup de taxes à payer. Nous sommes là pour que 700 à 800 jeunes de Ngor ne soient pas dans les rues. Ni l’Etat, encore moins la fédération ne nous aide. Nous sommes en négociation avec le maire de Dakar, Khalifa Sall, pour un gazon synthétique comme six autres terrains municipaux.

Si l’on vous suit bien, c’est un problème d’incompréhension…

« Non, je pense que c’est un vide administratif au niveau du Fisc. Il y a des impôts sur les sociétés de sport qui font, peut-être, de l’argent. Mais le reste, il faut voir quand on fait le bilan … Moi, j’ai commencé avec l’héritage de mes parents. J’avais des engins, j’ai commencé à construire… Je suis sportif dans l’âme. Ce que je gagne dans l’établissement, je le reverse dans le club pour que les gens soient bien. Mais je ne cherche ni l’argent, ni le pouvoir et encore moins la notoriété.

Comment appréciez-vous les premiers pas du professionnalisme au Sénégal ?

« Il faut d’abord savoir que le professionnalisme ne s’est pas fait du jour au lendemain. Nous, nous en sommes à quatre ans. Je pense que nous avons fait pas mal de choses. Nous allons donc évoluer vers un professionnalisme beaucoup plus amélioré. Je crois qu’il faut continuer même s’il y a des erreurs. Il faut les analyser pour aller de l’avant. Maintenant, il faut que l’Etat nous accompagne comme cela se fait partout ailleurs. Nous ne demandons pas ce que donne l’Etat gabonais, 12 milliards de FCfa. Mais qu’on nous aide !

Propos recueillis par Ansoumana SAMBOU

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