Rompez le silence, Président Par Ibrahima BAKHOUM

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Si en 2000, le Sénégal avait élu l’homologue d’une carpe, il y’ a longtemps que nous nous serions habitués à ne presque jamais entendre notre Président. Et le voir à la télévision serait alors un évènement de grand intérêt médiatique.

Me Abdoulaye Wade qui dirige le Sénégal depuis plus de dix ans n’a, durant cette dernière décennie, rien perdu de ses réflexes d’avocat, intervenant sur presque tout, s’exprimant à l’ennui, abusant pratiquement de temps d’antenne, qui finissent par priver le téléspectateur de programmes de divertissement. Voila notre Président. Qu’on se délecte de ses discours ou qu’on zappe dès qu’il commence, il parlait et –pensait plus d’un – parlera toujours… à son peuple.  Et puis, voici que subitement, M le Président de la République se signale par ce que ses adversaires ont toujours souhaité qu’il fît : s’exprimer rarement dans les médias. Le Chef de l’Etat est, sur ce registre, en train de mettre dos-à-dos ses supporters et les fans du camp d’en face. Aucun n’est satisfait, les premiers étant sevrés de « as-tu entendu les vérités du Président », les seconds souhaitant obtenir des explications publiques qu’ils s’empresseraient de décortiquer et tourner en dérision. Mais le match nul n’arrange personne. Des raisons de s’adresser à la Nation, il s’en présente quotidiennement depuis quelques temps.  Le Président de la République initie un Projet de Loi qui soulève immédiatement la polémique, Me Wade ne trouve pas nécessaire de prendre la parole pour « vendre » la marchandise. L’étalage du produit sur le marché débouche sur un casse-tout général. Pas assez pour le sortir de ses gonds. On est le 23 juin. Moins d’une semaine plus tard, Dakar « brûle », mais le Président de la République ne trouve pas la fumée suffisamment suffocante pour, au moins, tousser. Silence au Palais. Le murmure se fait entre quatre murs, entre proches collaborateurs. Le peuple ne reçoit que des bribes de ce que le Chef de l’Etat aurait dit. Au Sénégal, en particulier, la rumeur a horreur du silence, surtout celle des autorités. Elle s’impose très vite, parfois dans des habits, les plus fantaisistes.  Dimanche dernier, Karim Wade s’illustre comme jamais auparavant, dans sa carrière de personnalité administrative et politique, au Sénégal. Peu importe que sa Lettre ait été bien ou mal accueillie. Le fils du Président de la République et non moins Ministre d’Etat a fait ce qu’on était en droit d’attendre d’une personne régulièrement attaquée. Sa réaction a été d’indignation, d’explication et d’engagement. Le Président s’est-il, dans cette affaire, mué en souffleur ? Karim n’aurait pas besoin de tuteur pour faire ce qu’il a fait. Présumons donc que le Chef de l’Etat attendait d’avoir une raison autre que le rejet, même violent, d’un Projet de Loi, qui manifestement lui tenait à cœur. Si c’était cela l’explication du « silence du Palais », les dégâts collatéraux de son implication dans la crise libyenne viennent de s’imposer à lui.  L’énorme enveloppe que la délégation sénégalaise aurait reçue du Qatar comme encouragement au soutien de notre Président aux maîtres de Benghazi, dans ce qui tient lieu de guerre du désert, est partie pour soulever une tempête de sable.  Me Abdoulaye Wade au premier chef, ne peut continuer de se taire sur une information de cette nature. Il est vrai que les sources qui l’ont véhiculée ou portée sur la place publique, via les relais que sont les médias, peuvent être mues par des intérêts très largement, et de prime abord, hors du champ d’investigation des journalistes. Le travail d’authentification est en cours par les professionnels. Mais peut-il y avoir meilleures sources que les Wade eux-mêmes ? Ce sont eux les suspects.  Dans cette affaire, il y’a deux voies que l’on peut se hasarder à emprunter pour se faire une bonne idée. Prenons la plus susceptible de calmer et les supporters –en les rassurant – et les adversaires, en leur ôtant tout argument négatif. Hypothèse première : la délégation  sénégalaise a reçu, à sa demande, l’équivalent de 13 milliards de FCA, comme soutien du Qatar aux efforts du Sénégal pour la satisfaction de la demande énergétique. L’enveloppe reversée au Trésor public jusqu’au dernier centime, nous n’aurons fait que revenir à une très vieille pratique avec l’argent des Arabes. Le grincement de dents des défenseurs de l’orthodoxie en matière de gouvernance sera alors vite noyé dans le flot des applaudissements saluant le retour du courant dans les ménages et les industries. Le silence sera ensuite d’or.  Hypothèse deuxième : l’argent a été remis en catimini et vite reversé dans un compte particulier. Le cas échéant, ceux qui se sont enrichis de la sorte auront commis une inqualifiable faute de gouvernance.  Dans un cas comme dans l’autre, il incombe aux Wade d’éclairer la lanterne des Sénégalais. Ce n’est plus une demande ; le pays exige de son Président qu’il lui parle. Ce serait un juste retour à la règle du tout dire, tout le temps.

Sudonline.sn

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