Les trois jeunes femmes ont été reconnues coupables d’incitation à la haine réligieuse et de hooliganisme pour avoir chanté, fin février, une «prière punk» anti-Poutine dans une cathédrale.
Le verdict de culpabilité ne faisait plus aucun doute. Mais la sévérité de la peine restait une inconnue. Les trois membres du groupe russe Pussy Riot ont été condamnées vendredi par un tribunal de Moscou à deux ans d’enfermement dans un camp. Les jeunes femmes ont été reconnues coupable de «hooliganisme» et d’«incitation à la haine religieuse» pour avoir chanté en février dernier une «prière punk» appelant la Sainte-Vierge à chasser Vladimir Poutine, dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou.
Cette sentence est moindre que celle requise. Le procureur avait réclamé trois ans de camp contre chacune d’elles en raison de leur casier judiciaire vierge et de leur situation familiale. Deux des jeunes femmes ont des enfants en bas âge. Pour les faits reprochés, les jeunes femmes de 22 à 30 ans risquaient jusqu’à sept ans de détention.
La juge a énuméré pendant trois heures le déroulement des faits, les propos des témoins de la scène, les déclarations des accusées. «Il n’est pas possible d’alléger les charges retenues» contre elles, estime la magistrate. Pour elle, il n’y a pas eu de «repentir» des prévenues. Les musiciennes ont «violé l’ordre public», ont «démontré une absence de sens moral et de respect de la société» et «offensé les sentiments religieux des croyants». Leur coup d’éclat a été motivé «par la haine religieuse» et a été prémidité, a justifié la juge. En outre, les Pussy Riot ont résisté aux tentatives d’évacuation de la sécurité de la cathédrale.
Les prévenues ont écouté attentivement le verdict, échangeant parfois des sourires et ont ri après l’annonce de leur sentence, alors que certaines personnes dans le public craient «honte, honte!».
Au début de leur procès, Nadezhda Tolokonnikova, Marina Alyokhina et Yekaterina Samutsevich avaient tenu à présenter leurs excuses aux fidèles orthodoxes pour leur «faute éthique». «Nous avons commis une infraction administrative, mais ce procès est devenu une affaire criminelle sous l’influence des élites policières, politiques et spirituelles de ce pays», dénonçait fin juillet une des chanteuses.
La juge a dû être protégée
Avec leur performance, les Pussy Riot dénonçaient la proximité de l’Église orthodoxe avec le pouvoir. Le patriarche Kirill avait ainsi soutenu Vladimir Poutine lors de la présidentielle du printemps. En Russie, l’affaire a profondément divisé la société, de nombreux prêtres et fidèles dénonçant la profanation de la cathédrale et une attaque en règle contre l’Église. Mais d’autres, y compris au sein de l’Église, ont jugé les poursuites à leur encontre et leur maintien en détention disproportionnés par rapport aux faits reprochés.
La tension est telle que la juge chargée du procès, Marina Syrova, a été placée jeudi sous protection de l’Etat suite à des menaces proférées par des partisans du groupe. Vendredi, jour du verdict, des sympathisants des jeunes femmes se sont rassemblés devant le tribunal. Plusieurs arrestations ont eu lieu, dont celle du champion d’échecs devenu opposant Garry Kasparov. Des militants du Parti libéral-démocrate (LDPR, ultranationaliste) ont eux défilé en faveur de l’Église orthodoxe russe.
L’ombre du Kremlin
Le sort des Pussy Riot, qui ont déjà passé cinq mois en détention et se sont plaintes de mauvais traitements, a été suivi avec attention à l’étranger. Plusieurs stars de renom comme Madonna, Sting, Peter Gabriel ou Paul McCartney ont apporté leur soutien aux chanteuses. De nombreux rassemblements en leur faveur étaient prévus à l’étranger, à Varsovie, à Sydney en passant par Paris et New York.
Face à l’impact de l’affaire, le président russe, Vladimir Poutine, a semblé plaider début août en faveur d’une certaine indulgence, estimant que les jeunes femmes ne devaient pas être jugées «trop sévèrement». Le verdict de vendredi sera regardé comme un indicateur de la tolérance du Kremlin en cas de contestation. «Ne pas penser que Vladimir Poutine choisira lui-même les sentences des Pussy Riot est inimaginable», prophétisait le mari de l’une d’entre elles.
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