Sur les réseaux, l’image de cette étudiante enveloppée de blanc a incarné la révolte des Soudanais, inspirant les artistes par sa posture, ses vêtements et son charisme.
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Une large boucle d’oreille dorée, brillant dans le soleil couchant, le drapé d’un tissu blanc qui l’enveloppe et, surtout, un chant révolutionnaire rythmé par des gestes précis, emplis de grâce et repris par une foule qu’on devine encore pleine d’espoir.
Filmée à Khartoum lundi 8 avril, Alaa Salah, une étudiante en architecture de 22 ans, est devenue l’icône de la mobilisation populaire contre le régime soudanais et son chef, Omar Al-Bachir, destitué jeudi. Une immense bannière la représentant a été installée dans la capitale, autour de laquelle continuent à se rassembler les manifestants.
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Depuis que sa photographie, partagée plusieurs dizaines de milliers de fois, est devenue virale, Alaa Salah a créé un compte sur Twitter. Elle y a dénoncé, jeudi, la reprise en main du pouvoir par des proches de l’ancien chef de l’Etat : « Le peuple ne veut pas d’un conseil de transition militaire », écrit-elle. Depuis, aussi, les hommages se multiplient sur les réseaux sociaux. Symbole de l’engagement de la jeunesse contre des régimes sclérosés, comme en Algérie, et des luttes féministes à travers le monde, sa posture, ses vêtements et son charisme ne cessent d’inspirer des artistes, amateurs ou non.
Le cliché a ainsi été une source d’inspiration pour la graphiste Huda Hashim, elle-même d’origine soudanaise. Elle représente Alaa Salah au milieu des écrans de téléphones portables, référence à la viralité des images qui accompagnent toutes les mobilisations populaires à travers le monde depuis le déclenchement des printemps arabes, en 2011. « Je n’ai pas de mots, alors j’ai épanché mon cœur avec de la peinture. En souhaitant un million de fois être sur les lignes de front avec mon peuple », écrit Huda Hashim.
Un professionnel soudanais de l’informatique a partagé le travail de l’artiste Hussein Adlan, qui fait d’Alaa Salah le nouveau symbole national du Soudan en imaginant une couverture de passeport qui la représenterait en majesté, dans sa posture devenue célèbre :
Le même drapé blanc, la même boucle d’oreille en forme de pleine lune dorée, le même bras levé pour haranguer la foule mais, en plus, une auréole de sainteté autour du visage : Raïn Atta, une consultante en communication installée à Dubaï, a partagé une image d’Alaa Salah qui fait écho aux codes des icônes religieuses.
Mounir Khalil a lui partagé un visuel reprenant la photographie originale, qui rend à la fois hommage à la mosaïque, centrale dans l’art islamique, et à la calligraphie arabe :
Dans un style plus kitsch, l’utilisateur de Twitter Abdelazim Aburami a voulu fairedialoguer Alaa Salah avec la civilisation antique que le Soudan et l’Egypte ont en partage :
Le message de liberté qu’incarne Alaa Salah a essaimé jusqu’en Syrie, comme le rapporte le jeune cartographe néerlandais Thomas van Linge. Il a posté une photographie d’une peinture murale peinte par un collectif d’artistes syriens, Kesh Malek (« échec et mat »), sur le mur d’une ferme dans la ville de Kafranbel, dans la province d’Idlib. Ce territoire du nord-ouest de la Syrie est contrôlé par des groupes djihadistes mais des militants issus de la révolution syrienne y sont toujours présents, qui font vivre la mémoire d’un soulèvement vaincu.
La peinture murale est accompagnée d’un slogan en anglais :
« La liberté n’est plus seulement une statue. Elle est vivante, de chair et de sang. »
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