Connu pour sa piété et sa courtoisie, Tafsir Barry, propriétaire de nombreux boutiques et taxis, s’est suicidé hier en sautant de la terrasse d’un immeuble de 3 étages. A la rue Abébé Békila de Grand-Dakar où il vivait, Tafsir Barry était un imam respecté. Ce qui rend insupportable la douleur des voisins et amis.
Il règne une ambiance de deuil à la rue Abébé Békila. A la fleur de l’âge, Tafsir Barry, ressortissant guinéen, a décidé de mettre fin à sa vie en sautant de la terrasse d’un immeuble de 3 étages. Pourquoi a-t-il choisi cette fin dramatique ? Sur les lieux du drame, les badauds et les voisins essaient de comprendre les raisons qui l’ont poussé à se suicider. Le quartier est plongé dans la tristesse. Consterné. Secoués par cette tragédie, les riverains sont en état de choc. Très animée en temps de paix, la rue robinet Laobé est, en cette matinée, le lieu de convergence des curieux et des parents de la victime. La devanture de l’immeuble peinte en beige et blanc où créchait le disparu, refuse du monde. Tafsir Barry logeait au rez-de-chaussée avec sa femme, qui est partie en Guinée récemment rejoindre ses parents après son accouchement. Bien sûr, elle n’a pas assisté au final dramatique de son époux.
Guinéen d’origine, basé à Dakar depuis une trentaine d’années, Tafsir Barry, commerçant «prospère», vivait à Grand-Dakar. Finalement, l’on se demande s’il n’avait pas des tendances suicidaires, des problèmes d’ordre financier, émotionnel ou psychologique. Dans ce coin où la vie privée relève du public, on ne lui connaît pas de problèmes particuliers qui expliqueraient son suicide. Crayonné comme un homme pieu et nommé imam, son acte étonne ses connaissances. «Il a présidé hier (avant-hier) la prière de 19h… Et le lendemain aux environs de 11h, Tafsir Barry saute du haut de la terrasse d’un immeuble de trois étages», tente d’explique un voisin, qui a du mal à accepter ce geste. «Tout le monde le décrit comme étant un pieux d’où le surnom d’imam, tranquille et très généreux», dit une connaissance. Accablé par la douleur, Alassane Ba, ami de la victime depuis 1992, témoigne : «C’est un homme très social et poli.»
Riche commerçant
Tafsir Barry est décrit comme quelqu’un qui gagnait son pain quotidien à la sueur de son front. Il est passé par la «cuisine, son premier boulot, avant de finir propriétaire de nombreux de taxis et boutiques. Il est donc à l’abri du besoin», poursuit son ami. Cependant, il a remarqué de petits changements depuis trois jours sur le comportement du bonhomme. «Barry ne se livrait plus aux longues salutations d’usage. A peine, il me disait bonjour. Ce petit changement coïncide avec les trois derniers jours de sa vie. J’ai eu vent aussi qu’il avait des problèmes psychologiques, ce qui m’étonne d’ailleurs. Cependant, il ne l’a jamais manifesté tout au long de la vingtaine d’années de fréquentation.» Cet ami, encore sous le coup de l’émotion, est déboussolé. Yeux rouges, voie tremblante et regard rempli de grisaille, il est perdu dans ses pensées. Il est le premier à être arrivé sur les lieux après la chute mortelle. Ba explique : «Il est tombé sur le côté. A son chevet, il m’a regardé d’un œil, a émis un très grand souffle (le dernier). Un bras cassé à tel degré que l’ossature est sorti de sa cavité. Et le sang giclait en quantité… En peu de temps, une mare de sang se forme… Tel que je le connais, il ne se suiciderait jamais car étant un fervent croyant, ça ne pourrait être que pour des raisons psychologiques.» Les pompiers l’ont amené à la morgue d’un hôpital dakarois. Voisin de chambre de Tafsir, Boubacar Diallo est inconsolable : «Il est très social, très correct, ne fume pas, ne boit pas… Je n’ai remarqué aucun signe qui pouvait expliquer son geste. Il a dormi dans la boutique cette semaine. Rien qu’hier (mercredi), on a échangé comme à notre habitude et je suis parti me coucher aux environs de 00h.» Figé dans la douleur, Bassirou Mbaye, gérant d’une boutique d’accessoires au bas de l’immeuble, a perdu son sang froid. Il dit : «Pas plus tard que ce matin (hier), j’ai trouvé son taxi devant ma boutique. Après avoir demandé à son conducteur de le déplacer, le cordonnier du coin m’a dit que Tafsir avait des problèmes psychiques. Et qu’il a même repris les clefs de son taxi sans raison. Moins deux heures après, le drame a eu lieu.» Sur place, il trouve la victime agonisante. «A la vue de la quantité de sang qui sortait de ses oreilles, je suis parti chercher de quoi le couvrir, dit-il en multipliant les signes de tristesse. Il a été notre imam hier soir (mercredi) …» Il soupire de peine. Etonné. Abasourdi. «Personne ne s’y attendait, rien ne le présageait en plus de sa piété extraordinaire», martèlent les voisins. Ils auront la réponse prochainement. La police a ouvert une enquête pour déterminer les raisons du suicide de Tafsir Barry.
Le Quotidien