Tous les coupables devant le juge ! Par Abdou Latif Coulibaly

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« Laxisme, ou complicité coupable ? Peu importe ! Le chef de l’Etat se montre indifférent, face à un comportement inqualifiable des dirigeants de l’Agence de régulation des télécommunications (Artp) qui lui a été dénoncé par l’Inspection générale d’Etat. Pourtant, c’est le président lui-même, ou du moins les services qui lui sont rattachés, qui a envoyé les vérificateurs des comptes publics contrôler l’Artp. A la suite, ces derniers lui ont produit un rapport accablant contre l’équipe dirigeante de l’Agence. 1,6 milliards ont fait l’objet de détournements de deniers publics avérés, établis par l’Inspection générale d’Etat (Ige) ». C’est ainsi que nous démarrions l’éditorial publié dans notre édition de la semaine du 10 au 17 septembre 2009 (numéro 25 de l’hebdomadaire La Gazette).

Ce texte exprimait une prise de position claire de notre journal, par rapport à une information majeure : un détournement de deniers publics, d’un montant d’un milliard 600 millions de FCfa à l’Artp, relevé par une mission de l’Inspection générale d’Etat. La Gazette avait révélé en exclusivité cette information à l’opinion.

Le journal faisait noter, par ailleurs : « Le président de la République a été saisi par une note de transmission dudit rapport, en date du 3 juin 2008, l’informant qu’un détournement portant sur 1 milliard 600 millions a été commis par les dirigeants de l’Artp. L’Ige lui a recommandé de faire ouvrir une information judiciaire, aux fins de faire traduire devant la justice les coupables. Depuis deux ans que cette note lui a été transmise, le chef de l’Etat n’en a rien fait. Non seulement, il n’a pas saisi la justice, mais il n’a pas non plus édicté une quelconque mesure administrative conservatoire contre les responsables de l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) ».

Un peu moins de vingt quatre heures après la parution du journal, Daniel Goumalo Seck a été limogé. Nous n’aurons pas la prétention de revendiquer une part décisive, dans le processus de prise de décision ayant conduit au départ de l’ancien directeur général de l’Artp. Nous avons cependant la naïveté de croire que la publication de l’information a peut-être contribué un tant soit peu, au limogeage de Daniel Goumalo Seck.

Au moment où nous bouclons notre première année d’existence, nous nous sentons peu fiers d’avoir pu influer, même si c’est de façon modeste, sur le cours de l’histoire qui s’écrit dans le pays, surtout dans le domaine précis de la lutte contre la corruption et pour la promotion d’une gouvernance d’Etat plus rationnelle, plus tournée vers le développement de cette nation.

Les inspecteurs de l’Ige indiquaient que les responsables de l’Artp s’étaient comportés avec les deniers de l’Etat de façon indélicate et irresponsable et avaient clairement recommandé le renvoi du Directeur général de l’Agence et ses acolytes devant la justice. L’Etat attendra un peu moins de deux ans pour concrétiser une telle recommandation. Rappelons que la note de transmission du rapport de l’Ige au chef de l’Etat est datée du 3 juin 2008.

Apparemment, le juge d’instruction qui traite le dossier semble décidé à aller jusqu’au bout de son instruction, en inculpant tous ceux qui ont trempé dans la fraude. De quelles marges de manœuvre le Procureur dispose-t-il dans cette affaire pour inculper les responsables de l’Anoci que le fils « prodigue », tout puissant ministre d’Etat actuel, a dirigée avec les résultats que l’on connait aujourd’hui. L’agence a reçu sa part du butin des mains du directeur général de l’Artp, soit la somme de 96 millions de FCFA.

Des montants prélevés directement, comme le montre le rapport de l’Ige, des montants détournés. On ne saurait traduire en justice Goumalo Seck et ses complices de l’Artp, sans appeler à la barre tous ceux qui ont bénéficié de ses largesses, à la suite du détournement opéré. Ceux qui ont remis cet argent à l’Anoci pensaient ainsi se mettre à l’abri d’éventuelles poursuites, en mouillant les dirigeants de l’Anoci.

Pour tenter de se tirer d’affaire, le ministre chargé des Forces armées ancien directeur général de l’agence, explique que les fonds détournés et rétrocédés à l’Anoci n’ont donné lieu à aucun enrichissement personnel pour lui, encore moins pour Karim Wade. La loi s’en moque.

Cette remarque n’a aucun sens au regard de cette loi. Les dirigeants de l’Anoci ne sont rien d’autre dans cette affaire que des receleurs de deniers publics (96 millions de FCfa), détournés. Pire pour eux, ils pourraient être poursuivis comme complices des actes répréhensibles.

Ils pourraient l’être par le seul fait d’avoir accepté des commandes de matériels payées par l’Artp avec l’argent détourné et pour le compte de l’Anoci. Pour avoir réceptionné le matériel acheté au nom de l’Anoci, le binôme Wade-Baldé est naturellement coupable de complicité de détournement de deniers publics.

La seule question qui se pose est celle de savoir, dans quelle mesure le juge qui instruit le dossier disposera de la liberté et de l’indépendance nécessaires pour entendre et inculper les deux ministres, ou tout au moins Abdoulaye Baldé, qui le premier et l’unique responsable, au regard des textes qui régissent l’Anoci, des fautes commises par l’agence ou en son nom. En décidant de mouiller la tête de l’Anoci, les dirigeants de l’Artp croyaient, disions-nous, se protéger contre d’éventuelles poursuites. Le stratagème avait jusqu’ici bien fonctionné. Eux qui étaient encore, jusqu’à la semaine dernière, couverts par les plus hautes autorités de l’Etat ont été finalement lâchés. Nous écrivions à la suite des révélations portant sur le détournement opéré à l’Artp : « de qui se moque-t-on, quand on veut faire croire aux Sénégalais par des discours officiels plus que grandiloquents et vite démentis par la réalité, que le gouvernement et les pouvoirs publics, luttent contre la corruption, la prévarication et le détournement de deniers publics ? Face au silence opposé par le président de la République au rapport de l’Ige, on ne peut que se désoler, en constatant à quel point l’incurie du régime actuel et la corruption qui grippe tous ses rouages, portent préjudice au pays. Pour un cas de détournement avéré et dûment constaté par une mission de l’Ige, le président de la République fait le mort. Par son attitude il décrédibilise cette vénérable institution qui, aux yeux des Sénégalais, incarnait dans le temps une volonté affirmée de l’Etat de travailler à l’avènement de la bonne gouvernance dans la gestion des comptes de l’Etat ».

On pourrait croire que nous avons changé d’opinion, depuis l’annonce de l’arrestation de Goumalo Seck et à la suite de l’inculpation de ses acolytes (pas tous, malheureusement). Mais que on ! Le Sénégal touche le fonds en la matière. Le président de la République protège et couve des délinquants qui, de surcroit, continuent d’exercer des charges importantes dans des secteurs de l’Etat.

Les citoyens de ce pays n’ont aucune garantie, quant à la capacité morale et politique des dirigeants de l’Etat de jouer pleinement leur rôle d’arbitre et de protecteur des deniers de l’Etat. Un lavage à grande eau doit être opéré à l’Artp à qui est confié un service trop important pour que nous puissions nous permettre de laisser en place l’équipe qui s’est elle-même disqualifiée pour continuer de conduire l’agence.

Le départ de Goumalo Seck n’épuise pas le problème et ne règle qu’à moitié seulement la question. Tous ceux qui ont trempé dans ce détournement doivent faire place nette, en quittant leurs fonctions administratives ou politiques. Sans distinction, où qu’ils se trouvent et qui qu’ils soient.
lagazette.sn

Abdou Latif COULIBALY

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