Vous tenez vraiment à être député, même après le 23 juin ?

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On a beau trainer une épique tradition de joutes parlementaires, l’image la plus terrible que l’on retiendra de l’histoire du Parlement restera à n’en pas douter la pluie de pierres qui s’abat le 23 juin 2011 sur la troupe de policiers tassés contre le portail de l’Assemblée nationale. Pendant ce temps, à l’intérieur de l’auguste bâtiment, un psychodrame qu’interprèteraient avec brio Abou Camara, Babou Faye, Aladji Mor, Makhourédia Guèye et Baye Peul…

Le débat surréaliste fait rage : en vérité, nos honorables députés se demandent ce que vaut vraiment la peau de leurs fesses. A droite, ceux qui disent n’en être pas à une couleuvre à avaler près. Ces braves parlementaires sont prêts à modifier la Constitution autant de fois que leur patron le leur demande. Les virgules trop légales pour être honnêtes, les points-virgules législatifs surchargés d’arrière-pensées, les points d’exclamation scélérats et les points de suspension sournois qui maquillent les vides juridiques, ça les connaît. Y’a qu’à commander et ils vous transforment un crime crapuleux à retentissement planétaire, direct, en sujet définitivement tabou.

Légaliser un détournement de deniers publics ? Ils savent trouver les formules grammaticales pour. A gauche, face à ces prestidigitateurs du recel et de la complicité du crime organisé, quelques dissidents. Ce n’est pas qu’ils sont rattrapés par le remords. Juste qu’ils pèsent le pour et le contre en ce jour historique du 23 juin 2011 : dehors, y’a des Sénégalais méconnaissables, pris de subites envies de pendre haut et court du député. Le derme de leurs postérieurs tannés par les sièges prébendiers, les malheureux élus y tiennent plus que tout. Leur bref accès de lucidité est payant : ils arrivent à convaincre le gros de la troupe des indécis. Faut pas inventer des lois pour saisir l’enjeu : si ça veut continuer à percevoir son salaire agrémenté de per diem glanés dans des séminaires et rendez-vous parlementaires, saupoudrés de centaines de litres de carburant tous les mois, faire de temps à autre la «une» de la presse à sensation, être filmé à la télé en session ordinaire, y’a un minimum : faut être entier et vivant. Adjugé et vendu, les plus futés en ressortiront par des issues dérobées et les plus téméraires iront penauds rendre au Président Wade la copie de ce petit chef d’œuvre de texte législatif qui organise d’un trait de plume sa réélection en 2012 avec 25% de voix. La vraie Constitution, ils viennent de le découvrir, est le code électoral. Ont-ils compris quelle page est définitivement tournée à ce moment précis ?

Il en faut pourtant du chemin, au député sénégalais, pour dégringoler des altiers cieux de la défense de son peuple humilié jusque plus bas que terre. Blaise Diagne, depuis l’entrée du cimetière de la corniche, doit avoir le sommeil éternel agité et se retourner dans sa tombe à force de se demander si ce sont bien là ses successeurs, et même s’ils font le même travail que lui… Que doit bien penser depuis la gauche du bon Dieu Lamine Coura, à propos de toute cette racaille qui réduit en cendres la légende qu’il aura construite avec tant de panache ?

De la noblesse d’être député sénégalais, il ne reste plus rien. Depuis les socialistes qui complotent des lois pour prolonger indéfiniment leurs rapines quarante années durant à grands renforts de plébiscites debout, par acclamation, en augmentant régulièrement leurs salaires et avantages, jusqu’aux libéraux qui amnistient leurs crimes et délits toute une décennie. Les noms que retient la postérité ? Niadiar Sène, Isidore Ezzan, Moussa Sy… Rajoutez-y Iba Der Thiam et El Hadj Diouf, touillez la sauce et servez : quelle tristesse !

A cela s’ajoute la nouvelle configuration de la scène politique. De quelque bord que l’on jette un œil, le tableau des coalitions est le même : une forêt de têtes crépues, qui accole de l’honnête attardé mental, de l’égocentrique dégénéré, du félon en puissance, du corrompu compulsif, de l’épicurien incurable, de la canaille congénitale, de la crapule repentie, du délateur réformé, du crétin béat, de l’homo clandestin, du franc-maçon constipé, de la nympho refoulée, du queutard exalté, du pédophile réjoui… Il faut vraiment de tout pour faire un monde ? Pareil pour une assemblée. Le citoyen lambda a beau être analphabète, dans sa comprenette, il résume : en ce bas monde, il y a la race des politiciens, et puis il y a nous autres. Après cinquante ans de pratique, on s’est rendu à l’évidence : ces gens-là, personne ne peut compter sur eux.

Ce qu’il faudrait peut-être retenir de ce fameux 23 juin 2011 ? Les grands fâchés sénégalais (ô combien nombreux) leur ont retiré la confiance à coups de pierres et de pneus en flammes. Et à voir l’indifférence dans laquelle les législatives se déroulent, nous restons dans la perspective d’un taux d’abstention record. Autant ça s’est levé de bon matin pour destituer le père Wade le 26 mars passé, autant ça ne se déplacera pas en masse pour élire les gangs qui veulent squatter le Parlement. On les laisse entre eux, perpétrer gaillardement leurs fratricides. Pour dire le vrai, les représentants du peuple (et défense de ricaner !) sont surtout attendus au coin de la rue par l’armée naissante des indignés et des résistants de tous poils, parce que là règne la seule loi à laquelle aucune immunité ne peut se soustraire : notre légitimité d’être Sénégalais. Et très fâchés.

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