ZOOM SUR…LE MONDE RURAL : COMMERCIALISATION ARACHIDIERE Touba Gare Bou Ndaw Sauve la mise

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Prévue à la mi-décembre, la campagne de commercialisation arachidière prend difficilement son essor, victime d’un certain nombre de couacs. Le gouvernement n’arrivant pas à mettre en place le financement, les paysans se sont organisés pour écouler leurs productions. C’est le cas dans la région de Diourbel, à Gare Bou Ndaw, un marché de Touba. On y négocie ferme le prix du kilogramme d’arachide. Reportage.

Jeudi 23 décembre, il est presque 11h au marché de Gare bou ndaw, sis à Touba, dans la région de Diourbel. Lieu de rendez-vous des producteurs d’arachide et des commerçants, il est particulièrement sollicité en cette période de l’année. La « traite », jargon utilisée par les paysans, pour parler de la commercialisation, s’est en effet invitée au marché de Gare bou ndaw. On y achète tout et on y vend tout, en attendant le démarrage d’une hypothétique campagne de commercialisation de l’arachide. Le mil, le maïs, le sésame, le manioc, en somme toutes les spéculations trouvent acquéreurs. La période est faste pour les spéculateurs sur l’arachide. Les très bonnes récoltes dans la région de Diourbel et environs venant s’ajouter aux difficultés du gouvernement à mettre en place « les financements » dans les points de collecte arachidière rendent Gare bou ndaw très attractif. Le ballet des charrettes et des camions remplis à ras bord de sacs d’arachide, les hommes et femmes courant à gauche et à droite, dégagent un tableau surréaliste. On ne s’entend presque pas dans ce qui ressemble à une véritable fourmilière. Aux coups de klaxon des chauffeurs de véhicules furieux de voir la route accaparée par une masse humaine composée d’affairistes et de badauds, répondent quelquefois les complaintes d’ânes harnachés et de chevaux débridés attendant leurs propriétaires. On fait affaire sans compter, et chacun, commerçants et paysans, y trouve son compte.

Avec ses 500. 000 âmes, Touba, ce plus gros village du monde s’est réveillé de sa torpeur. Ici, quelques rares usines fournissent du travail formel, pour le reste c’est la loi de l’informel qui prévaut. Les marchés pullulent et certains se sont spécialisés dans certains domaines. C’est le cas à Gare bou ndaw, véritable marché des produits ruraux. Aux premières heures de la matinée, Baye Malick Ndoye, comme à son habitude, s’est installé sur sa chaise pliante adossée à quelques piles de sacs remplis de graines d’arachide. Il y passera presque toute la journée. Son lieu de travail, une chambre de quelques mètres carrés. Un auvent en crin tin le protège du soleil. Caftan blanc, le visage serein et souriant, la tête légèrement blanchie, un sac de couleur noire sur ses flancs, une bascule face à lui, Baye Malick Ndoye est le porte-parole des commerçants de Gare bou ndaw. Son temps est compté. L’homme est tout à son commerce. Il surveille d’un œil la ronde des jeunes hommes qui déposent les sacs sur la bascule. Un de ses assistants surveille les charges et annonce leurs poids respectifs. Depuis près d’un quart de siècle, Baye Malick régule la vie de ce marché qui est un passage presque incontournable à Touba. Le commerce de l’arachide, il le connaît sur le bout des doigts. Depuis quelques années, il est le représentant de la Nouvelle variété du Sénégal (Novasen), la société que dirige Abdoulaye Diop, un ancien directeur de la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos) devenue Sunéor (Sunu-or). Le sac de Baye Malick Ndoye est bourré d’argent, pour l’achat des arachides. C’est lui même qui fixe les prix du marché. Le kilogramme de coque va s’échanger à 165 Frs et le décortiqué à 265 frs. C’est ce prix que vont appliquer la dizaine de commerçants agréés par des industriels que sont la Sunéor, le Complexe Industriel Arachidier de Touba et la Novasen.

Mais il y a aussi les informels qui n’ont pas pignon sur rue et qui travaillent avec des rabatteurs. Ceux là arrivent avec des camions vides et achètent à moindre coût. Les négociations entre commerçants et producteurs ne sont guère faciles, elles peuvent durer souvent de très longues minutes suivant le stock disponible. C’est à quelques francs près que les choses se jouent. De la qualité des graines et de leur propreté dépend également le prix d’achat. Contrairement à une pratique connue des points de collecte où le criblage est une obligation, à Gare bou ndaw, on s’accommode des résidus des champs. Certaines scènes sont cependant fort cocasses, à l’image de ce producteur qui avait rempli ses sacs en jute de sable et d’arachide en coque. Le pot aux roses ne fut découvert qu’au moment du pesage. Il y eut d’abord les complaintes des manœuvres qui s’étonnaient du poids hors norme des sacs qui les meurtrissaient. Ce fut ensuite la bascule qui révéla des chiffres que de simples graines ne pouvaient afficher. Face à l’immense clameur qui s’est déclenchée, le commerçant a demandé de défaire les sacs pour en vérifier le contenu. Démasqué, subissant les huées, le producteur s’est défaussé sur ses enfants qui n’avaient pas fait le déplacement.

Cela n’empêche que les affaires marchent bien. Même si Baye Malick Ndoye, tout comme certains commerçants, n’a pas voulu se prononcer sur le quota qu’il devait fournir à la Novasen, tout indiquait qu’il ne se tournait pas les pouces. Au moment de notre passage, le vieux commerçant avait déjà acheté près de 40 tonnes d’arachide en coque, alors que le soleil n’était pas au zénith. De l’autre coté de la rue, se déployait également une grande activité. Malick Fall, un autre commerçant, de révéler qu’il avait déjà décaissé pour 19 tonnes d’arachides décortiquées. Face à de si bonnes affaires, les commerçants se frottaient les mains en priant que les financements attendus dans le circuit officiel tardent à se mettre en place. Baye Malick Ndoye regrettait ainsi les lenteurs au niveau de l’usine car les camions qui y étaient envoyés tardaient à décharger les graines ce qui constituait pour lui un gros manque à gagner.

Le syndrome de 2008

L’arachide rythme la vie de Gare bou ndaw. C’est une foultitude d’individus qui y trouvent leur compte particulièrement les femmes. Absa Ndao, la cinquantaine, taille moyenne, le sourire avenant malgré quelques chicots noirs dans la bouche a des journées remplies à Gare bou ndaw. En compagnie de sa fille âgée d’une vingtaine d’années, elle s’y rend tous les matins. « C’est le marché qui nous fait vivre », révèle-t-elle. Et de se lancer dans une longue explication : « Nous habitons la périphérie de Touba où nous sommes installées depuis des années. Mon mari est à Dakar avec mes deux garçons. Je ne les vois que quelque fois dans l’année. Les temps sont difficiles, ils ne nous envoient presque rien. On se débrouille comme on peut donc. Avec la « traite », c’est la bonne période. Nous achetons et revendons les arachides. Nous triturons pour faire de l’huile en vendant le litre à 700 frs. Plus tard, nous passerons à la pâte d’arachide, c’est un commerce également intéressant ».

Plus jeune, Mor Mbodj s’est établi à son compte. La pâte d’arachide est sa spécialité. Dans le hangar où nous l’avons rencontré aux environs de Gare bou ndaw, il était en pleine labeur. Un plat en fer rempli d’arachides grillées sur les genoux, il suait à grosses gouttes. Son commerce ne lui rapporte pas beaucoup en cette période mais il n’avait pas le choix. La trentaine épanouie, sorti d’une école coranique, le jeune homme entretient seul sa maman et ses sœurs. Il achète le kilogramme d’arachide à 150 frs, le grille- l’opération revient à 75 frs le kg – puis l’amène à la machine où on en fait de la pâte à raison de 75 frs le kg. Le kg de pâte d’arachide est vendu à 150 frs. Une mince affaire selon Mor Mbodj qui pense aux jours meilleurs. Dans quelques mois, le prix de la pâte d’arachide doublera, espère Mor.

La petite graine est porteuse d’espoir pour ceux qui la travaillent dans les champs et dans les marchés. C’est elle qui régule la vie paysanne et son impact est fortement ressenti en milieu urbain. « Il n’y aura pas de traite cette année », avance Baye Malick Ndoye. « Les paysans vont vivre des moments très difficiles et le gouvernement pourrait le regretter », selon lui. Les appels conjugués du khalife de Darou Khoudoss et du représentant du Khalife général des mourides lancés le samedi 25 décembre, à Touba, en présence du ministre de l’Agriculture, pour inviter le gouvernement à acheter les récoltes des paysans viennent conforter les appréhensions de Baye Malick. Dans la région de Diourbel, les producteurs d’arachide sont fortement préoccupés. Le syndrome de 2008, année durant laquelle leur production n’a pas été achetée est présent dans les esprits. « Décidément Abdoulaye Wade joue à cache-cache avec nous », nous soufflera un producteur d’arachide rencontré à Gare Bou Ndaw. « Moi, je ne vendrai pas à moins de 200 frs le kilogramme », ajoute-t-il. « Je refuse de brader ma sueur ». Belle résolution.

Papa Amadou FALL

LAGAZETTE.SN

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