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Faut-il vraiment s’indigner que des troupeaux de politiciens transhumants s’ébranlent vers les cieux plus cléments qu’éclairent les nouveaux soleils de la République ? Au fond, nous autres, Sénégalais, les apôtres de la Téranga, nous annonçons la couleur tout de suite : quand le sens de l’hospitalité est le must de l’identité nationale, logique, l’art d’accueillir des nouveaux venus devient la valeur suprême. Quant aux moyens de faire honneur aux invités, l’autre sens de la Téranga, ils justifient largement tous nos égarements, et même tous nos reniements. Allez, laissons à ces braves gens de la politicaille le soin de déposer leurs baluchons où bon leur semble, puisque la versatilité, pardon, la mobilité, appellation clandestine de la transhumance, c’est culturel, pour ne pas dire de naissance…

Parce que vous comprenez ça comment, le choix de se prosterner devant le mausolée de l’illustre aïeul d’autrui, sous prétexte que les prières formulées depuis ce lieu stratégique ont plus de chances d’être entendues du bon Dieu que si vous restez accroupi devant le monticule de sable qui reste le seul souvenir de votre modeste grand-père ? Quelle est cette certitude qui commande que devant la sépulture qui scintille de mille ors, l’on a plus de chances d’être frappé de la miséricorde divine ? Laquelle, soit dit en passant, va des pures félicités terrestres jusqu’à la béatitude irrévocable dans l’au-delà. On reconnaît l’ouvrier à l’ouvrage, et la vue imprenable sur les chemins en direction du royaume des vierges éternelles doit sans doute être plus proche des monuments surdorés que des macabres amas de sable, comprenez le p’tit tas de terre où repose le grand-père anonyme…

Dans les cercles pleins de convenances, ça ne disserte pas une fraction de seconde sur les sens à coller à ce p’tit déménagement de la sempiternelle gratitude familiale. Raison pour laquelle le chef de famille décrète d’autorité que les seules valeurs qui tiennent sont celles de la tribu d’à côté, chez qui l’on envoie son rejeton parfaire son éducation et y chercher les clés du paradis. D’ailleurs, on ne jure que par l’aïeul de l’autre, le nôtre ne pouvant se porter caution de la parole donnée. Essayez de jurer sur le barké de votre aïeul Modou Ndiaye et vous verrez si l’on vous croit…
Autre détail qui tuera vos dernières appréhensions : si vous remarquez bien, dans le salon familial, à côté de la télé, c’est bien la photo de l’illustre aïeul du voisin qui trône, puisque le vôtre d’ancêtre ne saurait bénéficier de cette faveur divine.

Passons rapidement sur cette manière très sénégalaise de fermer les yeux sur le p’tit toubab qui vient de sa banlieue pour demander la main de votre seule fille, la prunelle de vos yeux… C’est vrai, on l’a rasé, affublé d’un khaftane ridicule et rebaptisé Mouhamed. Il ne boit plus de vin devant vous, on vous le concède. Mais vous remarquez quand même que personne ne parle plus wolof en sa présence, et que c’est votre fille qui change de nationalité dans le feu de l’action. Inutile de préciser que vos petits-enfants seront d’authentiques toubabs couleur café au lait, accros à Nintendo et «Secret Story», que vous aurez quelque honte à présenter à votre cousin de Koussanar lequel débarque sans prévenir avec son poulet du pays et ses bouteilles de saafara… Ce n’est pas de la transhumance, mais juste un changement de nationalité. Chez les toubabs, ils appellent ça na-tu-ra-li-sa-tion.

Allez, une dernière remarque mesquine pour la route de la repentance… Vous avez trimé toute votre vie pour rassembler un p’tit patrimoine susceptible de garantir le confort de vos vieux jours. Votre épouse, qui partage vos misères depuis un demi-siècle, après une dizaine d’accouchements, ne ressemble plus à rien, avec sa tignasse clairsemée, ses lolos qui pendouillent et sa bedaine affaissée. Après mûres réflexions, vous vous rappelez la clause qui vous autorise à quatre épousailles. Puisqu’il y a une nymphe callipyge qui passe par là, dont les battements de cils vous mettent dans tous vos états, et parce que le panier de cola exigé est dans vos moyens, en plus du p’tit appartement où vous pourrez faire le mâle avec le soutien actif et discret des pilules bleues, vous l’épousez. Non, ce n’est pas de la transhumance. Chez les gens bien éduqués, ça s’appelle la polygamie…

La morale imparable de l’affaire ? Vous voyez bien, au fond, que les peuples n’ont jamais que les politiciens qu’ils méritent.
par Ibou FALL

4 Commentaires

  1. Ah Ibou, quel beau texte!
    c’est le genre de production qu’on attend d’un journaliste.
    vous êtes quand même méchant pour le polygame!
    Beau texte tout de même.
    P.S.: Je ne suis ni polygame, ni sympathisant.

  2. Quelle caricature!
    Je suis desole Mr fall mais il faut eviter de caricaturer une societe. En plus il faut n y a aucune similitude entre la transhumance politique et ce que vous decrivez. Similitude votre texte c’est pour faire du koutia show vs avez atteint l’objectif mais il n’a rien d’intellectuel.
    Wassalam

  3. Bravo…!!! Ibou, vous avez plutôt illustré et trés bien même illustré une lie…dans notre sociétémais, d’ou coule maleureusement une eau poluée, intellectuellement cela n’est de la transhumance. Ce qui est positive dans votre argumentaire, vs comprenez – vous nous faites comprendre – que ce que nous cherchons c’est l’épuration de cette conduite dépourvu d’éthique et de moralité.LES 4R…!!! demeure l’enjeu de taille pour ce mandat, je veut dire pour le pays cher Ibou, il faut jamais abdiquer votre plume a son charisme…

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