Ils sont quelque 300 000 Sénégalais à n’avoir pas retiré leurs cartes d’électeurs. Au niveau du M23, on pense que ce bassin peut servir les intentions de fraude prêtées au pouvoir. Les observateurs de la Cedeao ont été alertés à ce propos.
Qu’ils aient décidé de ne pas aller voter ou qu’ils n’aient pas retiré leur carte d’électeur, ils sont des millions de Sénégalais à avoir alimenté le fort taux d’abstention qui a marqué le premier tour de la présidentielle. Un bataillon dans lequel figurent les quelque 310 943 électeurs (chiffre donné par le président de la Cena, Doudou Ndir) dont les cartes dorment dans les centres de distribution. Or, c’est ce stock mort qui, selon les responsables du M23, risque de faire basculer le second tour. En rencontrant hier une délégation de la Cedeao venue faire de l’observation électorale, Alioune Tine, Alla Dieng et Bassirou Sarr ont évoqué des plans de fraude à ce sujet.
Au sortir de cette rencontre avec la délégation de la Cedeao, dans l’après-midi d’hier, Alla Dieng a confié à la presse : ‘On leur a fait part de notre souci par rapport au stock des cartes non distribuées. On a même des informations selon lesquelles des cartes seront confectionnées pour les talibés de certains guides religieux’. Comme pour corroborer ce fait, une source proche du ministère de l’Intérieur a appelé la rédaction de Wal Fadjri hier tard dans la soirée, pour informer que dans des services de ce département, des listes étaient en train d’être confectionnées, sur la base du ‘stock mort’, en vue d’établir des cartes d’identité et des cartes d’électeur numérisées. Et ensuite les faire porter par des tierces personnes qui vont voter avec, le jour du scrutin.
Cette affaire évoquée par Alioune Tine et compagnie, corroborée par une autre source fiable et indépendante des milieux politiques plus tard, rappelle ces ‘djinn’ et autres fantômes dont l’opposition disait qu’ils avaient voté en 2007 pour expliquer le score de 52 % de Wade au premier tour. D’ores et déjà, on devine autour de quoi pourraient reposer les éléments du contentieux électoral si Me Wade arrivait à gagner au second tour.
Dans la rencontre d’hier entre des émissaires de la Cedeao conduits par Koffi Sama, ancien Premier ministre togolais, et la délégation du Mouvement du 23 juin (M23), Alioune Tine, Bassirou Sarr et Alla Dieng ont aussi eu à dénoncer les gourdins brandis par les disciples de Cheikh Béthio Thioune. ‘On leur a fait part de notre souci de violence qui s’annonce avec l’affaire des gourdins et avec l’affaire des Ndiguël (consignes de vote, Ndlr) religieux. Nous pensons qu’il y a des Ndiguël religieux légaux et des Ndiguël politiques illégaux. Une structure religieuse n’a pas vocation à donner des consignes de vote’, déclare Alla Dieng, coordonnateur adjoint du mouvement Clarté qui a pris part à cette rencontre tenue hier après-midi au siège de la Raddho.
Enfin, le M23 a attiré l’attention des envoyés de la Cedeao sur l’éventuel gonflement du fichier électoral qui s’élève à cinq millions. Alla Dieng estime en effet que la population électorale nationale n’atteint pas ce chiffre. Les représentants du M23 espèrent toutefois que la très forte colonie d’observateurs qui seront déployés sur l’ensemble du territoire sera ‘l’œil vigilant de l’Afrique’ lors du second tour. Même si, par ailleurs, l’opposition pense ‘sérieusement’ à une bonne tenue du second tour à l’image du premier. ‘Ce qui va se passer au second tour sera une photo du premier tour, parce que les gens ont la conscience tranquille. Il y a également et surtout une certaine visibilité, car tous les candidats malheureux du 26 février sont avec Macky Sall. Rien ne va se passer sinon un vote transparent’, conclut Alla Dieng.
Charles Gaïky DIENE & Ibrahima ANNE
walf.sn