Analyse de la communication de crise de l;Etat : entre interférence et cacophonie! (Par Demba Babaly Ndiath)

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En principe, une communication est considérée réussie lorsque l’émetteur et le récepteur partage  la même interprétation du même message.

La communication est un processus dynamique qui ne devrait s’arrêter qu’après qu’elle ait atteint sa finalité. En d’autre terme si la personne avec qui on communique ne comprend pas le message, il est recommandé de répéter, d’où le fameux adage la répétition est pédagogique.

Ainsi entre la diffusion d’un message et sa réception, de nombreuses interférences peuvent avoir lieu, contribuant à sa déformation, à sa dénaturation, au non aboutissement de sa finalité..

Dans le cas d’espèce, depuis que le président Macky Sall a annoncé l’allègement de certaines mesures restrictives visant à stopper la propagation du virus, en plein pic, avec son fameux “apprendre à vivre avec le virus”, plusieurs interférences ont été détectés.

Au regard des récentes négligences remarquées, je pense qu’il est prudent d’affirmer que le message du président à mal comprise par un important de la population.

Et certains événements, ayant précédés et suivis ce message n’ont pas contribué à sa clarification.

 Je m’explique.

Le 11  Mai 2020, alors que la tendance est au déconfinement à travers le monde face à la ténacité du virus et les différents impacts économiques  et sociaux, que ce dernier peut avoir sur le long terme, le président Macky Sall annonce certaines mesures dont

-Le couvre-feu est ramené de 21h à 5h00.

-Le rapatriement des décédés du Covid-19

-L’ouverture des lieux de cultes et des consultations par le ministre de l’intérieur dans ce sens.

– La réouverture de certaines classes, prévue le 2 juin.

-La réouverture des marchés ouverts 6 jours sur 7, avec un jour dédié au nettoiement.

-Le réaménagement des horaires de bureaux de 9h à 16h

En gros, l’idée était d’après le président, d’amorcer une nouvelle phase visant à  adapter la stratégie de riposte à nos réalités. Ici le mot clé était à mon sens: l’adaptation. En ce qui me concerne, je pense que sur le principe, l’annonce de ses mesures était à saluer car répondant aux urgences sociales de l’heure.

Cependant, juste après son discours,  on a pu remarquer une grosse confusion et un sentiment d’incompréhension accentué par quelques désaveux de part et d’autres notamment, de certains groupes religieux et acteurs politiques. Ce fut une première fissure au semblant d’unité nationale, décroche à coût de concertation et d’audiences télévisées au palais de la République. Beaucoup ont reproché au président un recul face aux foyers religieux et un  manque  de concentration avant l’annonce de ces mesures, un argument, qui semble compréhensible, face à la  cacophonie notée plus tard.

Le lendemain,  12 Mai 2020, voici  quelque titres de journaux de la presse écrite:

Dakartimes: Allègement des mesures sociales dans la gestion du COVID-19, Macky Sall injecte des calmants.

Direct News : Tous les signaux au rouge, le gouvernement du Sénégal baisse la garde.

Quotidien: COVID-19, levee des restrictions, Macky jette le Masque

Les Echos  Macky desavoue son administration

L’Evidence:   Macky cede à la pression

Liberation: Macky deverrouille tout!

Walf Quotidien: Retour risque vers l’anormal…. La république s’écroule sous le poids des religieux

Ces titres feront échos auprès de la presse en ligne,  de quelque acteurs politiques de haut rang  et auprès de la plupart des activistes sur les réseaux sociaux.

Sur un ton plus timide, voici quelque titres plus ou moins favorables au président ce même jour.

Le soleil : Les mesure assouplies,

Enquete: La cohabitation

L’As: Macky assouplit L’État d’urgence.

En pointant le curseur sur ces derniers organes de presse, on comprend mieux leur positionnement.

En gros, le président a annoncé  des mesures d’adaptation,  et d;assouplissement , beaucoup ont étendu abandon et délaissement.

Qu’est ce qui s’est passé entre la phase d’émission et de réception du message ?

On ignorant, les velléités d’interférence volontaires de certain acteurs aux motivations divers, il serait intéressant d’analyser le parcours de ses interférences,  avant, pendant et après la diffusion du  message du président.

Avant: Un déficit de confiance en perpétuelle croissance

Quelques jours plutôt, un imam est convoqué par la police et les réseaux sociaux sont inondés de vidéos montrant des fidèles mécontents des interdictions de prière à la mosquée. Le président y est parfois taxé de Franc-maçon, oeuvrant contre l’islam. L’Etat arrive à calmer la situation sans réussir à dissuader certains fidèles de ne pas se rendre à la mosquée le vendredi suivant, condamnant les forces de l’ordre à un éventuel face à face complexe avec  certains foyers religieux.

Si on y ajoute à cela, le scandal dans lequel le beau-frère du président, chargé de la distribution des vivres est cité, on obtient un climat de psychose et de suspicion peu propice à la réception objective d’un message présidentielle.

Pendant:  

En effet pour beaucoup, la gestion de cette crise  par le président a tantôt rimer avec un  mimétisme vis à vis du président Macron, tantôt avec un durcissement excessif  avec l’usage couvre-feu. De plus, en pleine crise sanitaire, le président à sembler parfois plus occuper à plaider en faveur de l’effacement de la dette des pays Africains et de l’érection d’un nouvel ordre mondial, (terme polémique),  que par la crise sanitaire . Ce n’était peut être pas le moment de demander l’effacement d’une dette dont l’Etat se vantait quelque mois auparavant,  pendant que  plupart des bailleurs étrangers subissaient la crise sur tous les plans.

Je pense que tous ses éléments ont  eu un certain effet dans l’appréhension et l’interprétation du message présidentielle à priori.

Après:  La vraie fausse note à mon avis, fut la diffusion d’images de certaines  autorités lors de la fameuse fête de la Korité dont le président et son ministre de l’intérieur  qui ont décidé de prier ou de passer la fête chez eux. Nulle ne nie aux pères de famille qu’ils sont, la responsabilité de se protéger et de protéger les leurs, mais dans une crise, comme durant une guerre, tout acte d’un chef est un message, un symbol. Ainsi, à  travers cet acte qu’es ce qu’il fallait comprendre? Que les mesures du président étaient du “ Taan sa boula nekh” ou au choix? Ou alors le président était-il entrain de confirmer l’argument selon lequel, il aurait céder face aux religieux?  Ce dernier  argument même vrai, ne devrait pas être perçue comme telle auprès de l’opinion publique, car pouvant affaiblir l’autorité du statut du président de la République.

Pourquoi annoncer une mesure, et  ne pas l’assumer? Ce jour là, à mon avis, la théorie du vivre avec le virus a pris un sacré coup, laissant place à celle du “vivre comme vous le souhaitez”.

Aujourd’hui,  alors que le président vient de décréter la prolongation de l’État d’urgence, jugée inutile par certains au vue de ce qui précède,  on observe une augmentation des cas de contamination et de décès à une vitesse exponentielle.

En effet de 19 morts au 11 mai, on est aujourd’hui,  29 Mai à 41 morts, plus du double.

Tout cela à quelque jours de la réouverture des classes… pas très rassurant.

Il faut dire que le mélange entre allègement et durcissement sonne faux auprès de beaucoup, malgré les efforts de précision et de clarification des communicants du palais comme Mr Coulibaly.

Ainsi, pour éviter une réouverture des classes macabre, malgré les efforts du ministère de l’éducation, il est impératif que le gouvernement ajuste sa communication. Celle ci est centrale dans la gestion d’une crise. En effet, après plus de deux mois, la communication de crise du gouvernement est devenue monotone, télégraphique, presque ennuyeuse. Ce qui peut être parfois contre productif.

Ce qu’il faut faire, à mon humble avis:  

-Sans être exhaustif, Il faut donner un nouveau souffle à la communication de crise de  l’Etat face à cette pandémie. La communication doit s’adapter non seulement à sa cible mais aussi au contexte comme le démontre le modèle d’Harold Lasswell.

En vérité le combat est tellement important qu’aucune interférence ne doit être négligée. L’Etat a l’obligation de maîtriser sa communication dans sa quasi-totalité par une approche plus inclusive des acteurs. Il ne suffit plus de réunir les journalistes et de leur balancer des chiffres. Il faudrait les inclure dans le dispositif de conception de l’information  en augmentant les cadres d’échanges et  en  favorisant la création de boucles de rétroaction ou feed backs avec une  implication des populations, des élus locaux, de nouveaux type d’acteurs tels que certains influenceurs, fortement suivis à travers les réseaux sociaux dans la prévention durant cette nouvelle phase.

Ces mesures d’accompagnement  pourrait s’appuyer sur à une meilleure responsabilisation de toutes les parties prenantes.

-Le président de la République doit être au centre du dispositif communicationnel. Il doit certes, s’entourer de personnes ressources pour coordonner les actions du plan riposte notamment l’approvisionnement en équipement nécessaires des hôpitaux, l’aide alimentaire à la traîne, la distribution des masques, la réouverture des écoles,  mais doit  communiquer plus souvent sur le monitoring de ces différents chantiers.

Rappelons, qu’il détient à l’heure actuelle la plupart des pouvoirs executifs et legislatifs du pays, si ce n’est la totalité. Beaucoup ont fait référence à un général qui a abandonné ses troupes.

Il s’agit  là d’un cri de détresse profond auquel le président ne doit pas être insensible.

En effet, au Sénégal, parfois seul, les mots du président comptent, surtout quand c’est grave.

Sa monte au créneau pourrait alors remobiliser et remotiver les troupes dans cette phase cruciale.  

C’est dans des moments pareils, qu’on apprécie l’existence d’un premier ministre. Parfois ce n’est pas le pouvoir qui compte, mais l’illusion du pouvoir, et un premier ministre est perçu comme quelqu’un qui détient un certain pouvoir, étant la deuxième personnalité politique après le président de la République.

Ce dernier lui aurait permis de mieux se concentrer sur son agenda international virtuel.

Il aurait aussi pu par exemple diriger le dispositif de riposte sanitaire tout en coordonnant et en supervisant  l’action de tous les  ministres. Parce qu’en vérité, on a parfois du mal à identifier le vrai chef de ce dispositif de riposte du pouvoir. Tantôt, ce sont des experts du ministère de la santé, tantôt  Diouf Sarr, et parfois c’est le président.

À défaut, d’un premier ministre, le président doit mieux assumer les pleins pouvoirs qu’il a réclamé aux députés du peuple. D’ailleurs une des raison avancée lors de la suppression du poste de premier ministre, c’etait que le président voulait être au contact direct des actions de son gouvernement, voilà une bonne occasion de l’illustrer. Ou bien le président aurait-il peur d’attraper le virus comme son frère?

Il serait aussi important que l’assemblée nationale reprenne son rôle de lieux de dialogue et  des débats sains et instructifs souverain du pays. En effet, plusieurs sujets brulant attendent d’être débattu dont l’arrivée l’Eco annoncée en Juillet 2020 par Wikipédia, les questions liées au vaccin, la gestion des ressources de la force COVID-19, la relance de l’économie etc…

Ma modeste contribution à l’effort de guerre.

Demba Babaly Ndiath

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