La mobilisation contre le décret migratoire ne s’apaise pas: après les manifestations et l’indignation dans nombre de capitales, le président américain Donald Trump est confronté à une fronde au sein de l’appareil d’État, à laquelle il a répondu avec force.
Après avoir limogé avec fracas lundi soir la ministre par intérim de la Justice, le président républicain s’en est pris mardi avec véhémence à ses opposants démocrates au Congrès, les accusant de paralyser le fonctionnement gouvernemental. « Ils devraient avoir honte! Pas surprenant que (Washington) D.C. ne fonctionne pas! », a-t-il tweeté avec la volonté évidente de galvaniser sa base électorale.
La minorité démocrate du Sénat continuait ses manoeuvres dilatoires pour retarder, à défaut de pouvoir bloquer, la confirmation de plusieurs membres de l’équipe Trump. Rex Tillerson, nommé secrétaire d’État, devrait cependant être confirmé cette semaine. Décision rarissime lors de la mise en place d’une nouvelle équipe à la Maison Blanche, Sally Yates, une fonctionnaire de l’ancienne administration Obama qui assurait l’intérim du ministre de la Justice, avait ordonné aux procureurs de ne pas défendre le décret du nouveau président, mettant en doute sa légalité. Dans un communiqué au ton inhabituellement vindicatif, la Maison Blanche a écarté cette dernière, accusée d’être « très faible sur l’immigration illégale » et d’avoir « trahi » son ministère.
Son successeur, Dana Boente, a immédiatement donné ordre aux salariés du département de la Justice « de faire leur devoir » et de « défendre les ordres légaux de notre président ». Le nouveau président américain a signé vendredi un décret interdisant l’entrée pendant 90 jours du territoire américain aux ressortissants de sept pays majoritairement musulmans: Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. « Cela n’a rien à voir avec la religion, il s’agit de terrorisme et de la sécurité de notre pays », a-t-il martelé.
« Impact négatif à long terme »
La confusion qui entouré la mise en place de ce décret s’est doublée mardi d’un flottement sur la description même de cette initiative. « Il ne s’agit pas d’une interdiction (« ban »), il s’agit de s’assurer que les gens qui viennent aient été contrôlés correctement », a déclaré Sean Spicer, porte-parole de l’exécutif. N’est-ce pas le mot utilisé par Donald Trump lui-même? « Il utilise les mots que les médias utilisent », a-t-il répondu, mal à l’aise.
Dans une lettre ouverte, plusieurs dizaines d’anciens conseillers des ex-présidents démocrate Barack Obama et républicain George W. Bush ont estimé que ce décret envoyait « le mauvais message à la communauté musulmane dans le pays et de par le monde »: l’idée que le gouvernement américain est « en guerre contre eux » sur la base de leur religion. Les signataires se disent convaincus que cette décision aura « un impact négatif à long terme » sur la sécurité nationale des États-Unis.
Par ailleurs, des diplomates américains ont protesté contre le décret en utilisant un canal officiel dit de dissidence. « Soit ils acceptent le programme, soit ils s’en vont », a répondu la Maison Blanche. Barack Obama, qui avait promis de se tenir à l’écart du débat politique sauf si « les valeurs fondamentales » de l’Amérique étaient menacées, est sorti de son silence dix jours à peine après son départ en se disant encouragé par « le niveau de mobilisation » à travers les États-Unis.
Indignation de l’Irak
Une large coalition d’entreprises du secteur technologique américain travaille de son côté sur une possible action judiciaire commune pour contester le décret anti-immigration. Six Iraniens voyageant vers les États-Unis ont passé trois nuits dans la zone de transit de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol. Le groupe avait quitté Téhéran à bord d’un appareil de la compagnie KLM et devait prendre à Amsterdam des vols vers différentes villes américaines. Au-delà des États-Unis, la vague d’indignation soulevée par l’initiative de la Maison Blanche n’a pas faibli.
Le Premier ministre irakien Haider Al-Abadi, dont le pays est un proche allié des États-Unis, n’a pas mâché ses mots: le décret signé par Donald Trump « punit les personnes qui font des sacrifices, qui combattent le terrorisme », a-t-il affirmé. Le président du Conseil européen Donald Tusk a dénoncé les déclarations « inquiétantes » de l’administration Trump qui « semblent mettre en cause les 70 dernières années de politique étrangère américaine ». Le vice-Premier ministre turc Numan Kurtulmus a appelé mardi le président Trump à réévaluer son décret motivé par « l’islamophobie, les sentiments anti-immigration et la xénophobie croissants en Occident ». Les députés britanniques débattront le 20 février de la pétition, qui a recueilli près de 1,7 million de signatures, réclamant que la visite d’Etat de Donald Trump prévue d’ici la fin de l’année soit ramenée au rang de simple visite officielle.
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