AQUACULTURE ET SECURITE ALIMENTAIRE A quoi servent les bassins de rétention ?

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Sous secteur prometteur de la pêche et de production de cétacés et de mollusques, l’aquaculture africaine bute sur une réalité du sous-développement : la pauvreté et l’insuffisance d’aliments pour nourrir les poissons, huitres, crevettes… Le constat encore confirmé par les chercheurs, est amer.

Entre la question épineuse des facteurs de production, le faible niveau de construction et d’aménagement des étangs, toutes choses auxquelles on peut ajouter la problématique des intrants et autres produits de croissance, l’Afrique cherche un meilleur avenir par l’élevage des poissons et une aquaculture digne de nom. Et pourtant les quelques signes de promesses perçues ici et là, ne cachent pas la nature des grands défis. L’aquaculture a encore du chemin à faire dans le domaine de l’investissement des modèles d’exploitation. Aussi dans la formation d’un personnel qualifié et encore dans la maintenance des infrastructures. Un long chemin à faire donc dont le tracé est encore bien sinueux.

Et au sortir de la réunion internationale de Dakar sur le thème, « Aquaculture durable en Afrique », (du 28 au 29 juin) qui vient de s’achever, les questions restent encore plus graves que les réponses. Et le seul obstacle se résume à une formule pour trouver de l’aliment utile à la croissance de ces petits animaux à domestiquer qui constituent une des nourritures les plus recherchées dans le continent. Surtout dans les milieux pauvres. Des débats parfois compliqués, des difficultés réelles à sortir les résultats des trouvailles des laboratoires pour un début de mise en œuvre dans des zones d’essai, voilà qui campe déjà les autres problématiques du développement de l’aquaculture. Et si on y ajoute la question nébuleuse de l’introduction de nouvelles espèces comme la controversée carpe chinoise, alors là, les équations à résoudre par l’aquaculteur de demain sont encore plus complexes.

En prenant tout le contexte particulier dans la survie des populations africaines qui n’ont pas accès à la mer et qui survivent aux abords d’une mare, d’un marigot ou encore d’un petit cours d’eau, l’on retiendra qu’en Afrique, « la production de la pêche en eau douce s’élève à environ deux millions de tonnes par an. Mais, il faut prélever de plus en plus de poissons pour nourrir une population en forte croissance et les ressources sont proches de la surexploitation. » Un autre constat pour éveiller les consciences. Et pourtant, comme ventre creux oublie vite, dès que le poisson se raréfie, on utilise des filets à petites mailles capturant surtout les juvéniles qui ne se sont pas encore reproduits. À cela s’ajoute une réduction des zones inondables, lieux de reproduction des poissons. Cette situation étant la conséquence d’une diminution des débits des fleuves due à la construction de barrages et à la sécheresse…

La pisciculture pourrait-elle être une solution ; et c’est là tout le sens de l’atelier de Dakar organisée par l’Académie nationale des Sciences et Techniques du Sénégal. De nombreuses recherches sont menées pour sélectionner les espèces de poissons africains les plus adaptées à l’élevage et les moins chères à l’achat. Le tilapia et le poisson-chat sont les espèces les plus utilisées. Malgré cela, l’aquaculture reste cependant marginale car ; et contrairement à l’Asie, l’Afrique a certes tradition dans ce domaine, mais elles ont disparu, même si aujourd’hui, la situation semble néanmoins s’améliorer au moment où les initiatives se multiplient.

Un levier de la sécurité alimentaire

Tous sont d’accord donc en Afrique, (au Kenya, en Tanzanie, en Guinée, en Côte d’Ivoire et encore), que la meilleure façon de lutter contre les carences alimentaires, les menaces de pillage des ressources en mer et dans les zones d’eau douce, sont dans les efforts que feront ces pays, pour le développement durable de l’aquaculture. Mais, en dépit des injonctions de la Fao, des actions encore timides bailleurs de fonds qui se « risquent » rarement dans le secteur, l’Afrique malgré quelques disponibilité en eau, peine encore à augmenter ses productions de poissons. Au Sénégal par exemple, même si on a parlé d’aquaculture depuis plus d’un siècle en Casamance, au Sénégal Oriental, dans la vallée du fleuve, il n’en reste que des poches.

Dans cet entretien publié le 22 août 2005 dans un Magazine de la Fao, M. Ichiro Nomura, Sous-directeur général de la FAO responsable du Département des pêches, prononcera un discours liminaire avertissait par ses mots, « Si nous voulons atteindre l’objectif du Millénaire pour le développement consistant à éliminer la faim et la pauvreté extrêmes, la contribution des pêches et de l’aquaculture doit augmenter considérablement en Afrique, et en particulier en Afrique subsaharienne. » Or selon lui, « la production halieutique stagne en Afrique depuis une dizaine d’années, et les disponibilités de poisson par habitant diminuent (8,8 kg dans les années 90 ; environ 7,8 kg en 2001). L’Afrique est le seul continent où cette tendance est observée, et le problème est qu’il n’existe pas d’autres sources de protéines accessibles à tous. Pour un continent où la sécurité alimentaire est si précaire, c’est extrêmement préoccupant. »

M. Nomura de conclure, « Malheureusement, l’aquaculture en Afrique aujourd’hui est encore essentiellement une activité de subsistance, secondaire et à temps partiel, ayant lieu dans de petites exploitations. Au niveau mondial, en revanche, l’aquaculture assure environ 30 pour cent des approvisionnements mondiaux de poisson. La production aquicole en Afrique ne représente seulement 1,2% du total mondial. » Il signale encore que l’aquaculture marine ou mariculture se développe rapidement dans de nombreuses régions du monde, et certains des problèmes qui ont limité son exploitation durable sont désormais en passe d’être résolus.

Un défi de la recherche au secteur privé

Au Sénégal, l’Etat qui a récemment mis en route l’Agence nationale d’Aquaculture a eu certes le mérite d’avoir posé les bases, mais il reste plus de problèmes au secteur de que réponses. Jusqu’ici, les essais ne se sont déroulés que dans une seule région dans des cages flottants situés le long du delta du Sénégal au niveau de quelques villages dont Diaminar Loyenne au niveau du lac de Guiers, Guidahar, sur la Toué du côté de Richard Toll et encore sur le lac de Guiers à Bontou Bath. On parle ici de pisciculture d’une espèce de tilapia (Wass en Wolof) dont le nom scientifique Oreochromis niloticus résume à lui seul toute la difficulté de son adaptation dans des environnements humains marqués par l’analphabétisme. Et cela ne résume pas toute la situation.

Dans le même contexte où l’université de Dakar s’occupe encore à des travaux de recherche pour apprivoiser cette espèce de poisson assez connu dans les bolongs du sine, du Saloum, de la Casamance, le Sénégal peut se vanter de produire grâce à un système d’écloserie encore en expérimentation quelque 200.000 larves par semaine. Mamadou Sène, un des chercheurs, en plein dans la finalisation d’une thèse de doctorat sur l’aquaculture souligne ainsi l’existence de « tests de croissance assez intéressants allant jusqu’à 173 grammes par kilo d’aliments fournis par jour. » Depuis le 28 août 2007, un Plan d’Action du NEPAD pour le développement du secteur de la pêche et de l’aquaculture en Afrique a été lancé. Pour qui serait-on tenté de demander ?

Ce cadre stratégique, selon ses initiateurs, devait intégrer le poisson dans la lutte contre la pauvreté. Mais, près de trois ans après, alors que d’autres régions du monde profitent encore des progrès scientifiques et technologiques pour améliorer leur production dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture, l’Afrique est toujours à la traîne à cause d’un manque général de capacité. Au Sénégal, même dans le cadre du lancement de la Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance (Goana), il semble que l’aquaculture attendait son heure de lancement. Oubliée par les autorités, malgré les nombreux essais de laboratoire depuis la création d’une Direction chargée de la pisciculture quelques années auparavant aujourd’hui remplacé par une Agence nationale de l’Aquaculture, et en dépit de toute l’histoire de cette pratique dans les civilisations rurales africaines en Côte d’Ivoire, au Benin, au Sénégal, le secteur attend une promotion.

Un marché porteur

Mais, jusqu’ici le principal constat est qu’on note une croissance rapide, mais un mouvement très lent dans le développement du secteur. D’après un rapport paru chez Eurofish, « la production aquacole totale de l’Afrique représente moins d’1 % de la production mondiale (2004) mais croît rapidement. Les plus grands volumes produits, en termes d’espèces, incluent les tilapias, les mulets, les carpes et les poissons chat. » Le secteur peut, en gros, être divisé en deux catégories : l’aquaculture à petite échelle, basée dans les communautés, promue par les organisations internationales, les agences d’aide et les gouvernements afin de lutter contre la pauvreté et d’améliorer la situation en matière d’approvisionnement nutritionnel ; et l’aquaculture commerciale, financée essentiellement par le privé et orientée vers les marchés d’exportations.

Les marchés locaux, qui jusqu’à présent ont été approvisionnés surtout par une aquaculture à petite échelle, sont probablement très sous estimés. Il y a une demande croissante dans le continent pour le poisson et les produits de la mer et de nombreux marchés sont prêts à payer un bon prix. En fait, pour de nombreuses opérations, les marchés africains représentent une meilleure option en termes de rentabilité. Mais cela le privé et les bailleurs de fond semblent encore l’ignorer.

Ce qui a fait dire à l’ancien ministre sénégalais de l’Industrie, un des anciens Directeur de l’Onudi, Louis Alexandrenne, « Un constat s’impose. L’Afrique est très en retard en matière d’aquaculture. Et pour cette question d’importance, je pense que l’Académie des Sciences du Sénégal en collaboration avec le Ministère de la Recherche Scientifique devraient arriver à organiser une conférence internationale sur le développement de l’aquaculture en Afrique. Je ne sais pas, poursuit M. Alexandrenne, si la Banque Mondiale, la Banque ouest africaine de développement (Boad) sont impliquées dans ce processus. Il faut qu’elles le soient davantage… »

Parlant de la recherche, Louis Alexandrenne en homme de l’industrie a fait le constat suivant : « Sur les expérimentations, il faut constater qu’on est encore à l’échelle de la recherche. Il faut pour réussir trouver la possibilité de faire des transferts rapides au niveau industriel… Il s’agit de voir encore ce qu’on peut faire ensemble en Afrique. Est-ce que dans le cadre de la coopération régionale et sous régionale, on ne pourrait pas faire quelque chose de prometteur. » Par exemple, conclut Louis Alexandrenne, « on a fait un grand projet d’aménagement des bassins de rétention au Sénégal, il faut qu’on essaie de faire une articulation entre ces ouvrages et les possibilités de développement de l’aquaculture. »

Un hic de taille : l’aliment

Mais, de quoi devrait bien pouvoir se nourrir un poisson dans une cage flottante par exemple ? Les travaux de laboratoire ont presque tous abouti en Afrique en général et particulièrement au Sénégal sur une conclusion : la difficulté de trouver la bonne formule pour l’aliment des petits poissons dans une mare d’essai. Aujourd’hui, l’unanimité est faite sur la question, et la recherche se poursuit.

Dans la vallée du fleuve, pour le moment, l’on a trouvé un remède avec des produits locaux comme le mil, les graines de melon, le riz etc. la farine de poisson pour alimenter les poissons d’élevage. Ces aliments permettent à certains poissons (tilapia, carpes, machoirons…) de tripler dans certaines situations, leur poids sur une durée de 21 jours environ. Mais, le coût élevé des produits pose un problème sérieux aux exploitants. Par exemple, sur des besoins en farine de poissons évalués à quelque 150.000 tonnes au niveau national, le Sénégal ne peut en produire qu’un peu moins de la moitié, environ 70.000 tonnes.

Un autre facteur limitant du développement de l’aquaculture au Sénégal, l’eau. A côté de l’aliment qu’on peut importer, la disponibilité en eau reste une grosse équation dans les zones sèches et en relation avec les changements climatiques. Dans certaines régions, la disponibilité en eau ne passe les six premiers mois après la saison des pluies. Si ajoute à tout cela, tous les aspects environnementaux et la possible maladie des poissons, il est facilement perceptible de constater que l’aquaculture est bien un secteur dont les exigences de résultats ne sont pas données à n’importe qui.

Ce qui fait dire, à Ahmed Diadhiou, Responsable du Centre Océanographique Dakar Thiaroye (Crodt), « qu’il faudrait élargir le dialogue. Car pour introduire autant d’espèces halogènes dans les systèmes de production, comme les huîtres, les carpes, on devrait aller vers une plus grande concertation avec les autres pays africains. On a enregistré certes des résultats très intéressants, mais il faut les approfondir surtout pour ce qui est du choix des sites et en matière d’alimentation… » Ce souci a été d’ailleurs conforté par un experts canadiens présents à la réunion de Dakar. Selon Sylvain Lafrance, « l’introduction de toute nouvelle espèce nécessite beaucoup de recherche pour savoir quels sont les impacts sur l’environnement et le site. Est-ce que par exemple la carpe chinoise est très consommée dans un pays comme le Sénégal ? »

Même dans un état embryonnaire, l’aquaculture ne semble pas manquer d’atout dans le continent. Un pays comme le Nigeria, de l’avis des experts, a fait d’énormes progrès dans le domaine. Tout comme Madagascar, pays qui a une histoire en la matière avec une production moyenne annuelle de produits tirés de l’élevage de poisson estimé à 30 .000 tonnes. La Tanzanie est aussi un autre pays où l’aquaculture ne manque pas d’atouts et dans sa zone, elle n’est pas seule dans la mesure où presque tous les pays d’Afrique centrale et orientale travaillent pour le développement du secteur.

« En Afrique de l’ouest, le Sénégal est certes au stade des essais, mais un pays comme la Côte d’Ivoire, précise l’ancien Directeur des Pêches, Mbaye Ba, dispose des potentialités les plus prometteuses. Avec le Projet Mong , je pense que c’est le projet le plus abouti en Afrique de l’ouest. Si on a noté des échecs un peu partout maintenant, c’est plus lié à des problèmes d’adaptation et encore à des incohérences… »

sudonline.sn

2 Commentaires

  1. Vous l’avez bien dit: sous secteur de la Pêche.
    L’incohérence démarre dans le fait de domicilier la Pisciculture dans autre ministère traitant autre chose que le Poisson.
    La recherche vient de dire ce qu’il faut pour que l’aquaculture en général marche
    CRODT / FAO ( 2005 – 2006, Vaque) et IUPA / PIC ( 2006 – 2010 , Daffé)
    Faîtes le ENSEMBLE avec une Direction Nationale qui s’occupe Pêche Continentale et Aquaculture( capture, cueillette et d’élevage).
    Ce qui fera le développement de ce sous secteur n’est pas dans les véhicules 4×4 et sous les climatiseurs de Dakar: LE TRANSFERT de Technologie vers des Structures( d’élevage) d’accueil adéquats avec MESURES d’accompagnements( Foncier, Aliment…). Les AGENTS(au préalables mis à niveau) de développements( services techniques) seront le relay entre Science et Vulgarisation et Production

  2. Quant aux bassins de rétention leur objectif premier était la maîtrise des eaux de ruissellement.
    Si l’on pense à les empoissonner c’est alors peut être penser à amener du poisson là où il n’ y en avait pas ( enrichir une biodiversité) ou en participant à une pérennisation des espèces transférées. Ainsi leur rôle est peut être négligeable en matière de sécurité alimentaire.
    La Sécurité Alimentaire  » Goana Aquacole » peut être garantie par l’ELEVAGE, LA CUEILLETTE,plus ou moins associés au REPEUPLEMENT

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