Alors que Touba est l’épicentre de la maladie du Covid-19, le ministre d’Etat, Mouhamad Boun Abdallah Dionne nous apprend que le président de la République l’a envoyé à Touba pour délivrer un message au khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké (Que Dieu lui donne longue vie). Soit le président de la République ne respecte pas l’arrêté ministériel, soit ils ont laissé une échappatoire entre l’arrêté du ministre de l’Intérieur et l’arrêté du gouverneur de la région de Dakar. Dans tous les deux cas, le président de la République nous a implicitement montré que le coronavirus n’est pas si dangereux que nous pensons réellement ou que Touba reste encore une ville spéciale qui l’a indirectement amené au pouvoir.
Quand l’Etat joue à un jeu malsain face au Covid-19
Le ministre d’Etat, Secrétaire général de la présidence de la République a effectué la prière du vendredi 20 mars 2020 à Touba aux côtés du Khalife général des mourides, et cela, malgré l’arrêté numéro 007782 du 13 mars 2020. Cet arrêté est « en application des décisions prises par Monsieur le président de la République ». Dans cet arrêté signé par le ministre de l’Intérieur, on note que pour la période du 14 mars au 14 avril 2020, les rassemblements de personnes dans les lieux ou les endroits ouverts au public sont interdits sur l’ensemble du territoire national. Cet arrêté a été publié de manière vague pour pouvoir permettre à Touba de prier légalement le vendredi le temps de négocier avec le khalife.
Dans cet arrêté, on note de nouveau que les lieux interdits ont été énumérés, mais que les lieux de cultes ne figurent pas sur la liste, même si la liste est exhaustive. Pourquoi le communiqué du ministre de l’Intérieur n’a pas inclus les lieux de culte de manière explicite pour éviter au gouverneur de publier un arrêté ne concernant que la région de Dakar ? Pourquoi l’arrêté du gouverneur de la région de Dakar n’a-t-il pas précisé les lieux de culte au lieu des mosquées, même si certaines confessions comme les catholiques ont décidé de ne pas se rassembler ? Si nous nous basons sur ces deux arrêtés, rien n’empêche Touba et les mosquées des autres régions de se rassembler légalement pour prier à moins que le communique du ministère de l’Intérieur ne soit révisé pour inclure les lieux de culte.
Quid pro quo entre l’Etat et les confréries
Au Sénégal, il faut noter que le pouvoir politique a continuellement courtisé les confréries et cela commença depuis le premier président, Senghor, qui finança la construction de la grande mosquée de Touba, ce qui lui valut un ndigeul du khalife pour voter en sa faveur.
Le président Diouf, qui n’appartenait à aucune confrérie a aussi usé du pouvoir religieux. Pour préparer les élections de 1983, il envoya Habib Thiam pour démarcher les khalifes généraux Mouride et Tidiane. Ces derniers appellent à voter pour le président Diouf et feu Serigne Abdoul Lahad Mbacké disait que « le président Diouf avait réalisé la promotion de Touba et des Mourides et que par conséquent, ces derniers devraient voter pour lui ».
Quand le président Wade fut élu président de la République, les choses changèrent catégoriquement. Si ses prédécesseurs étaient plutôt équidistants envers les confréries, le président Wade était d’obédience mouride et il l’affichait avec fierté. Il « mouridisa » l’Etat et donnait beaucoup d’argent à la ville sainte de Touba. Cela provoqua même le mécontentement des Tidiane.
Feu Abdou Aziz Sy, Junior, déplorait l’inattention du gouvernement et la négligence des Tidiane. Serigne Mbaye Sy Mansour, en tête-à-tête avec le Premier ministre du temps, Macky Sall, avait accusé son gouvernement de favoritisme envers les Mourides et que cela posait un risque pour la stabilité du pays. Il rappelait au président Wade qu’il était le président de tous les Sénégalais et que conséquemment, il devait rester équidistant et qu’il pouvait dépenser son propre argent comme il le souhaitait, mais que les fonds publics devraient être utilisés pour le bien public.
Quand le président Wade avait accusé Macky Sall de blanchiment d’argent, il a fallu l’intervention de feu Serigne Bara Mbacké pour calmer l’affaire. Serigne Abdou Lahad Mbacké, ancien ambassadeur et Madické Niang, représentaient les médiateurs auprès du Khalife. Macky Sall, avait auparavant, demandé une intercession auprès de feu Serigne Saliou pour une réconciliation avec le président Wade. Le président Wade finira par le recevoir et il était convenu d’enterrer la hache de guerre. Ce sera avec l’aide de feu Serigne Bara Mbacké quand même que cela se passera.
Bien que le président Sall est le président de tous les Sénégalais, mais dans la ville sainte de Touba, c’est le khalife qui décide de tout, et même le président Sall n’est pas en mesure de lui contester ce pouvoir. Le président est obligé de se conformer à cette décision, car il craint le vote-sanction vu que les citoyens sont plus obéissants au pouvoir religieux qu’au pouvoir politique.
Quand le pays traverse un problème, l’autorité se réfère d’abord aux khalifes généraux et la famille de ces derniers bénéficie d’immunité et de beaucoup d’avantages comme les marchés de l’Etat, les passeports diplomatiques entre autres. L’Etat devient docile face au pouvoir religieux pour pouvoir faire appliquer la loi dans toute sa rigueur.
Tout compte fait, nous devons de nouveau rappeler au président qu’en période de crise, il faut être ferme peu importe qui cela pourrait déranger. Il ne faut pas s’adonner à un jeu malsain pour éviter « d’aggraver » la situation. La vie de chaque Sénégalaise et Sénégalais est plus importante qu’éviter de frustrer une confrérie. Il faut être clair dans les arrêtés et il faut publier un nouvel arrêté pour y inclure que les rassemblements dans les lieux de culte sont interdits sur le territoire national afin de combattre cette pandémie qui ne fera de nous qu’une bouchée si elle se propage. Il ne faut pas non plus saboter l’excellent travail que le ministère de la Santé et de l’Action sociale est en train de faire avec si peu de moyens à sa disposition. Monsieur le Président, nous n’avons pas encore bouclé le premier trimestre dans cette année et je suis certain que vous êtes en mesure de mettre à la disposition du Sénégal une partie importante de vos fonds spéciaux. Faites-le pour le Sénégal, Monsieur le Président.
Mohamed Dia
EN CE MOMENT, NOUS N’AVONS PAS BESOIN DE POLÉMIQUE, NI DE RÉCUPÉRATION POLITIQUE MAIS UNE SOLIDARITÉ À TOUTE ÉPREUVE POUR VENIR À BOUT DE CETTE PANDÉMIE. PURIFIEZ VOS ÂMES OBSCURANTISTES ET ABSTENEZ-VOUS, PÊCHEURS ET FÉTICHEURS DE PERDURER DANS VOS PRATIQUES MALÉFIQUES AFIN QUE LE BON DIEU NOUS PARDONNE.