Comment décrypter la sortie de Me Abdoulaye Babou, ancien député à « Grand Jury », sur la Rfm, ce dimanche 12 mai ? Il nous a fait comprendre des choses que bon nombre de Sénégalais avertis, n’ignoraient sans doute pas, même s’ils ne peuvent avec certitude, étayer, preuves à l’appui, ces faits : les dessous de table ont existé à l’Assemblée nationale, des distributions d’argent par ci par là …
Il a, en cela, contredit Doudou Wade, ancien Président du groupe parlementaire libéral sous la législature passée qui, sans pudeur, s’est offusqué de l’augmentation des salaires des députés que le journal EnQuête a récemment révélée ; d’après certains députés, ce ne seraient que des indemnités de logement. Enfin, toujours est-il que cette affaire est loin d’être claire car si les députés ont des dessous de table, on se demande bien ce qu’il peut advenir des ministres de la république qui descendent aussi sur le terrain politique et entretiennent des militants ? Du moins certains ?
Ah ces institutions censées soutenir la démocratie, la promouvoir ! Tenez, parlons du Sénat dont la naissance a finalement avorté et aujourd’hui du Conseil Economique, social et Environnemental (Cese) dont on sait, dans sa configuration actuelle, qu’elle ne servira pas à grand-chose. Il faut bien caser la clientèle politique composée de mécontents, d’amers, de proches et donner un semblant de crédibilité à ce machin dont on attend des conseils oh combien précieux ! Mais ses membres recevront des indemnités de session. Se limiteront-ils à ces indemnités ? Et payer ces indemnités à certains dans ce lot de politiciens casés, n’est-il pas un manque à ganger pour l’Etat qui manque cruellement de ressources ?
La sortie de l’avocat révèle juste une chose. Le pouvoir politique est au centre d’une opacité telle qu’il tire finalement profit de tout. Et le peuple, des miettes. Et on se demande même si elle ne l’organiserait pas sciemment. C’est en effet le premier à se servir et à bénéficier de tous les privilèges possibles et imaginables : salaires, logements de fonction, téléphone aux frais de l’Etat, carburant également, et bien sûr de l’argent sous la table, sans parler des privilèges que leur offrent leur statut et leur relationnel. Ils ont tous ceux-là, et le citoyen lambda qui n’a presque rien, doit à chaque fois qu’il a besoin d’être servi, se plier en quatre pour arriver à ses fins.
Quel crédit dès lors accorder à nos dirigeants en ces temps de traque de biens mal acquis, où, les libéraux qui étaient aux affaires avec Macky Sall, font feu de tout bois et posent la question de l’accumulation du patrimoine du Président de la république, si l’on en croit Bara Gaye qui affirmaient ce jeudi 9 mai à « Dinee Ak Diamono » sur Walf Tv, que le chef de l’Etat qu’on crédite d’un patrimoine de 8 milliards, n’était même pas propriétaire en 2000 ? Tous ces libéraux là qui ont été aux affaires, ne disent pas être blancs comme neige, ils répondent juste : « le président aussi… ».
Le cas d’Abdoulaye Wade qui a fait atteindre au Sénégal, un niveau de destruction et de dilapidation des ressources, sans précédent, est assez expressif du fait qu’on peut commettre des malversations sans être inquiété. Et pourtant Macky Sall a décidé de passer cela par pertes et profits. On ne peut pas poursuivre Wade, a-t-il simplement dit ! Et bon nombre de libéraux y ont vu une bouée de sauvetage, adossant tous leurs biens présents à la générosité du parrain Wade.
Au regard du spectacle qui se joue sous les yeux des Sénégalais, l’on peut se demander finalement si les politiques ne sont pas là que pour s’en mettre plein les poches. On tombe des nues. Comment décrypter ce brouhaha, ce tintamarre pour faire libérer Karim Wade, alors que les libéraux savent pertinemment que leur attitude ne vise qu’à déstabiliser Macky et cie ; et dans le même temps, stopper la procédure. Et ceux-là même qui parlent de manifester contre la vie chère dans ces zones à forte densité qu’est la banlieue, savent que de toute façon, que ces pauvres gens qu’ils essaient d’intégrer dans leurs jeux, ne sont que des marionnettes, des ascenseurs pour revenir au pouvoir afin de continuer à davantage jouir.
C’est en cela que la politique, est devenu métier bien lucratif d’ailleurs puisque des hommes en ont fait leur première expérience professionnelle et sont du coup à la tête d’un patrimoine immobilier important, en n’ayant jamais travaillé auparavant.
La conséquence de tout cela, est que personne ne se fait plus d’illusion sur la volonté des politiciens de satisfaire leurs besoins, la demande sociale, de les servir en toute transparence. Les institutions telles l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) sont annoncées sans qu’on ne sente d’actes posés dans le sens d’une réelle volonté de leur faire jouer ce rôle, en les activant.
Les déclarations de patrimoine sont une innovation agitée sans que dans le principe, on en sente l’utilité. Bien évidemment, on peut déclarer son patrimoine, mais contrôle t-on seulement la réalité de ce patrimoine ? Lorsque le déclarant quitte sa fonction ? Rien de tout cela n’est fait. Dans un système d’opacité tel que celui sous lequel nous vivons, il importe même d’étendre cette déclaration de patrimoine à tous les hauts fonctionnaires de l’Etat, les dirigeants d’entreprises, quels qu’ils soient.
Quid des comptes des partis politiques ? Faut-il laisser l’argent continuer à circuler sans contrôle et donner l’opportunité aux lobbies d’assujettir nos futurs gouvernants. Ne faut-il pas également interdire le cumul des mandats ? Autant de questions bonnes à se poser et auxquelles, seule une volonté politique farouche, vertueuse peut répondre sérieuse.
Les mémoires sont fraîches de l’affaire Cahuzac (ex-ministre du budget en France) qui a menti sur l’existence d’un compte caché et de l’argent découvert chez Claude Guéant (Ex-secrétaire général de l’Elysée puis ministre de l’Intérieur de Sarkozy). Mais, toujours est-il que dans ces pays là, bien plus riches que les nôtres, on parle de montants qui sont de loin dérisoires par rapport à ceux avancés sous nos tropiques sous développés.
Dans ces nations développées là, les magouilles finissent toujours par remonter à la surface et la justice est rendue sans tambours, ni trompettes. Sarkozy a de beaux jours devant la justice française ; Berlusconi lui a, pendant ce temps, pris en première instance comme en appel, 4 ans de prison ferme en attendant que la justice se prononce sur ses autres affaires.
Au nom de quoi alors, devrait-on nous Sénégalais, qui avons tant besoin de cet argent là, passer par pertes et profits, les misères que Wade nous a fait subir ? Au nom de quoi, devrait-on poursuivre des gens avec un tel brouhaha.
Il est sans doute temps que les politiques comprennent qu’on ne peut pas indéfiniment promettre des ruptures avec autant d’opacité et qu’on ne peut pas tromper les gens tout le temps, surtout si chacun dans son coin, subit les affres du quotidien à sa manière et selon son activité. Les Sénégalais ne sont plus dupes depuis qu’ils savent que les cartes d’électeurs font des miracles et que certaines lois ne peuvent prospérer.