Porter ou non le nom du mari. Les hommes aussi sont interpellés. Et comme pour les femmes, il n’y a pas d’unanimité sur la question. Motif de fierté chez les uns, le titre de madame qui distingue les femmes mariées des célibataires peut se révéler un élément discriminatoire entre les sexes masculin et féminin.
Quand on appelle sa femme devant lui, Mathurin ne se retient pas de joie. Le tout nouveau marié savoure avec delectation ces mots qui rendent plus réel son nouveau statut. La joie au cœur, il avoue que le fait d’entendre les autres appeler sa femme Mme Badji le rend tout heureux. «Je me demande même pourquoi je ne l’ai pas fait plus tôt.» Comme lui, beaucoup d’hommes tirent fierté de ce genre de situation. Ils aiment entendre leur douce moitié revendiquer le lien qui les unit. C’est l’occasion pour eux de laisser remonter ce vieil instinct qui animait Tarzan devant sa Jane.
Contrairement à Mathurin, Victor reste de marbre devant tous ces ronds de jambe. Pour lui porter ou non le nom du mari, «c’est égal». Il ne lui viendrait pas à l’idée de demander à sa femme de porter son nom. «J’aurais l’air d’avoir en face de moi une chose que j’aurais acheté et qui m’appartiendrait», poursuit-il. Un sentiment extrême que ce jeune homme, rencontré dans la rue n’est pas loin de partager. «Ce n’est pas facile pour une jeune fille de renoncer au nom de son père après l’avoir porté pendant des années. Cela s’apparente à une perte d’identité.» Surtout dans nos sociétés traditionnelles où, explique la sociologue Fatou Sarr Sow, «quand les griots te chantent, c’est aussi une approche éducative pour t’inculquer des valeurs, te rappeler ce que ta lignée a fait».
Plus catégorique, Safi confie sans rire que «comme mon mari n’a pas participé à l’achat de mon mouton de baptême, je ne vois pas pourquoi je laisserai le nom de mon père pour porter le sien». D’autant que la vie étant ce qu’elle est, ce nom peut changer à tout moment. C’est d’ailleurs ce genre de situation qui horripile Victor. «Que des femmes changent autant de fois de nom que de mari me dérange», explique l’homme qui est malgré tout conscient que juridiquement, la femme porte le nom de son mari. Il pense plutôt que ce sont les femmes qui aiment à revendiquer ce nom. C’est une facon pour elles de se parer d’un manteau de respectabilité que l’usage du mot mademoiselle leur ote. «C’est discriminant et injuste d’appeler les jeunes filles mademoiselle et que les hommes portent juste le titre de monsieur», souligne Victor. «D’ailleurs, certaines femmes refusent qu’on les appelle mademoiselle. Elles se font appeler madame et le mariage vient legitimer cet état de fait.»
